Adaptation de « La pitié dangereuse  », roman de Zweig, au théâtre
Sylvie Testud remarquable en jeune femme infirme
Philippe Faure donne vie au roman de Stefan Zweig « La pitié dangereuse  », avec Sylvie Testud dans le rôle principale d’Edith. Une adaptation au théâtre d’un texte qui traite de la confusion des sentiments, de la limite entre la pitié et l’amour, et qui montre l’impuissance d’un homme face à son propre destin et face à son pouvoir sur les autres.
Une adaptation réussie du roman de Stefan Zweig ...
« La pitié dangereuse » est un de Stefan Zweig. Un roman écrit à la veille de la seconde guerre mondiale et qui parait en 1938. Ce texte est marqué par le début d’une seconde guerre mondiale qui s’annonce déjà pire que la première. Difficile de transposer un roman dramatique au théâtre, surtout lorsqu’il s’agit d’un chef d’œuvre de Zweig, mais Philippe Faure réussi son pari.
Edith (Sylvie Testud) et Anton Hofmiller (Benjamin Egner) se rencontrent à la veille de la première guerre mondiale. Anton, jeune militaire, est invité à un bal chez M. Kekesfalva, le père d’Edith. Ne sachant pas qu’elle est infirme, Anton l’invite à danser. Afin de s’excuser et de réparer son erreur, le jeune officier multiplie les visites au château de M. Kekesfalva, devenant peu à peu comme un membre de la famille. La jeune femme paralysée s’éprend secrètement d’Anton, elle pense qu’il vient la voir parce qu’il a également des sentiments amoureux. Mais les seuls sentiments qu’éprouve Anton sont de la pitié et de l’amitié pour une jeune femme clouée dans son fauteuil.
Rongé par sa pitié, Anton va se retrouver dans une sphère infernale où, malgré lui, il tient le destin d’Edith entre ses mains. L’entourage de la jeune infirme le voit comme un bienfaiteur et le presse pour qu’il l’épouse alors qu’il ne l’aime pas. Déchiré l’homme ne sait plus vraiment où il en est et ce qu’il doit faire, son destin semble lui échapper. Il prend alors conscience que sa pitié pour Edith est dangereuse.
Les cinq personnages de la pièce sont « enfermés » entre trois murs qui donnent à la pièce une certaine pesanteur. Trois murs en bois et au fond un petit ascenseur qui laisse deviner la grandeur du château, au centre rien, pas d’élément de décor, juste les personnages. Un espace impressionnant qui accueille un amour impossible. Un cadre lourd où aucune issue n’apparaît à première vue. Mais des panneaux s’ouvrent, s’entrouvrent et se referment laissant apparaître des fresques représentant tantôt la verdure, tantôt une chambre à coucher. Des ouvertures furtives vers l’extérieur, des issues possibles mais qui se referment rapidement, alors que les personnages restent définitivement « enfermés » entre ces murs.
... mais une économie de mots et de personnages.
L’adaptation d’un roman est toujours délicate. Ceux qui connaissent bien le roman de Zweig seront peut-être un peu déçus par les choix des Philippe Faure. En 1h30 de représentation, il lui était impossible de suivre à la lettre le roman, il a donc fait des sélections. C’est ainsi que l’on ne retrouve sur scène que cinq des personnages de Zweig : Anton, Edith et son père, le docteur Condor et Ilona. Ce choix ne permet pas à Philippe Faure de montrer la pression sociale et l’importance du regard des autres envers Anton Hofmiller, élément présent dans le roman de Zweig.
Du coté de la narration, Philippe Faure a choisi d’éluder quelques éléments. Certaines ellipses ne gênent en rien la compréhension de la pièce alors que d’autres mériteraient d’être expliquées. C’est par exemple le cas pour la scène du début entre Anton Hofmiller et M. Kekesfalva. Juste après les premières visites d’Anton, on ne comprend pas vraiment pourquoi le père d’Edith, ne retrouve (déjà) à genou devant le jeune militaire. La scène, plutôt dramatique, en devient presque comique et quelques rires se font entendre dans la salle, en tout cas les spectateurs sont surpris par ce geste de désespoir peu expliqué. On se demande aussi comment Anton est arrivé au bal et pourquoi il ignore la paralysie d’Edith mais cette ellipse permet aussi de rentrer directement dans la pièce et d’éviter les scènes d’expositions à rallonge.
Quelques passages restent incertains pour le spectateur qui n’a pas lu « La pitié dangereuse » de Zweig mais ces ellipses peuvent être perçues aussi négativement que positivement par le public. Les spectateurs les plus gênés par les choix de Philippe Faure avoueront sans doute que Sylvie Testud fait rapidement oublier ces petites économies.
Sylvie Testud, une brillante héroïne.
Le talent de Sylvie Testud n’est plus vraiment a prouvé. Et si la salle de la Maison de la Culture de Loire-Atlantique est complète pour toutes les représentations de « La pitié dangereuse », Sylvie Testud n’y est sans doute pas étrangère. L’actrice, surtout reconnue pour ses prestations au cinéma, a déjà remporté deux Césars, dont un pour son rôle dans l’adaptation d’un autre roman, celui d’Amélie Nothomb, dans « Stupeurs et Tremblements ».
« La pitié dangereuse » permet à Sylvie Testud de prouver qu’elle est aussi à l’aise sur scène que devant une caméra. Sa prestation est remarquable, elle incarne avec une crédibilité sans faille le personnage d’Edith. Elle prête sa joie de vivre à cette jeune paralysée, obligée de se déplacer à l’aide de béquille ou dans son fauteuil. Une jeune femme seule, rejetée par le monde extérieur et choyée par son père qui est tantôt touchante et séduisante tantôt détestable. Une infirme blessée par la vie, aigrie mais aussi une femme pleine de vie qui a conservé une âme d’enfant et qui garde espoir. Un personnage ambigüe, paradoxal et toutes en nuances incarné avec justesse par Sylvie Testud.
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