Une Cerisaie à l’antillaise
La MCLA vient d’accueillir la Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène par le haïtien Jean-René Lemoine. Ce dernier a choisi de transposer cette pièce sur la société russe du début du XXème siècle dans le contexte actuel de la société antillaise. Au travers du texte de Tchekhov, il veut montrer que la discrimination est toujours présente dans son pays . Un résultat surprenant mais inégal.
La Cerisaie pourrait se résumer ainsi : une maison doit être vendue et à la fin, elle est vendue. On dit souvent que dans les pièces de Tchekhov il ne se passe rien ; il n’y a pas d’intrigue à proprement parler, juste des êtres et leur histoire, juste de la matière humaine que Tchékhov modèle pour nous dépeindre de vrais personnages au cœur de la société. Ici, une propriétaire terrienne, ruinée, revient dans la propriété familiale pour la vendre. Elle retrouve la cerisaie de son enfance, les domestiques, le fils de serf devenu riche marchand. Au travers de la déchéance de l’aristocratie et de l’enrichissement de la bourgeoisie, Tchekhov veut nous montrer, dans la Cerisaie, la confrontation entre les classes sociales en Russie à l’aube du XXème siècle.
Un choix audacieux
Le pari de Jean-René Lemoine est osé : il a souhaité nous montrer les inégalités qui subsistent dans une société antillaise que nous connaissons peu, en reprenant La Cerisaie, que nous connaissons mieux. La Cerisaie, lieu de passage d’un monde à l’autre, où les rapports dominant et dominé semblent évoluer mais restent solidement ancrés dans l’inconscient collectif. La mise en scène est épurée et les ambiances soignées : Jean-René Lemoine parvient à nous convaincre que c’est l’été des îles sur le plateau. Mais la pièce de Tchekhov se fait prétexte dans le parti pris de vouloir montrer les discriminations raciales et sociales dans la société caribéenne, et perd au passage de son sens et de sa beauté. Sans connaître les desseins du metteur en scène il est délicat de comprendre par soi- même qu’il s’agit là de montrer une société créole esclavagiste.
la pièce de Tchekhov se fait prétexte dans le parti pris de vouloir montrer les discriminations raciales et sociales dans la société caribéenne
Des comédiens inégaux
Pour Tchékhov, sa pièce était avant tout une comédie ; on nuance volontiers cette appellation mais Jean-René Lemoine semble prendre le parti du drame avec une musique plombante entre les actes et un jeu de la souffrance outré (mais non parodique) chez les comédiens. Mais par moment c’est la farce qui pointe son nez pour donner un peu plus de légèreté à l’atmosphère ambiante. On passe du rire forcé aux larmes de manière peu naturelle et déstabilisante. En effet, le jeu des comédiens est inégal, souvent démontré ou exagéré, on a du mal à rentrer dans l’illusion. Il faut cependant noter l’incroyable prestation de Jenny Alpha dans le rôle de Firs, qui promène fièrement ses 94 ans dans cette cerisaie dont elle est la doyenne... et le rayon de soleil.
Au final on reste un peu sur sa faim : bien que réchauffé par l’ambiance des îles en plein janvier, la force de Tchekhov nous fait défaut ; l’on retiendra les couleurs et la musique mais peu d’émotions auront dépassé l’avant-scène.
Mathilde CLEMOT
Bloc-Notes
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