Chronique
Moderat, III : une chute saccadée sur un vaisseau de coton
Avec III, son très attendu troisième opus sorti le 1er avril 2016, l’album marque un tournant dans le projet de Modeselektor et d’Apparat, déjà initié par la teinte électro-pop du deuxième opus, II (2013). III apparaît comme le plus abouti du groupe, qui y livre une ambiance aérienne alimentée par des textures plus douces de Gernot Bronsert et Sebastian Szary (Modeselektor) et la voix d’éther de Sascha Ring (Apparat).
A la première écoute de III, Moderat semble avoir quitté le climat brut et violent qui marquait son premier album, sorti en 2009, pour s’orienter vers un environnement plus atmosphérique, toujours subtilement teinté d’obscurité et de mélancolie.
Aux sons bruts, méthodiques et industriels de Rusty Nails et de No. 22 et à la balade cadencée de A New Error, sur le premier album, qui a annoncé la marque de fabrique de Moderat, répondent le rythme placide et l’ambiance de méditation d’Eating Hooks et la course effrénée de Running, titres d’ouverture de ce nouvel album. Les textures brutes et les rythmes frénétiques de Gernot et Sebastian (Modeselektor), plus feutrées sur le deuxième album, se font ici plus affirmées, nous tirant à plusieurs reprises brutalement des nappes enveloppantes et nostalgiques portées par le chant d’Apparat. Les amateurs de la drum bass de Modeselektor seront peut-être déçus de ne pas retrouver complètement ici l’énergie festive du duo, bien présente sur le premier opus, mais le ton est donné : Moderat, ce n’est définitivement plus un side project de Modeselektor et Apparat, mais bien un groupe à part entière, qui livre avec III ce qui semble son album le plus abouti et raffiné.
Moderat, ce n’est définitivement plus un side project de Modeselektor et Apparat, mais bien un groupe à part entière, qui livre avec III ce qui semble son album le plus abouti et raffiné
Cette sensation de plénitude que l’on ressent est accentuée par la voix éthérée et suave de Sascha Ring, qui occupe à présent une place beaucoup plus importante que sur les opus précédents. Les textures de Modeselektor sont créées sur mesure pour porter le chant d’Apparat, comme l’annonçait le titre Reminder, diffusé en amont de la sortie de l’album. La direction quasiment pop prise sur certains titres (Finder, Ghostmother, Ethereal) laisse d’ailleurs penser que le groupe a laissé de côté sa nervosité pour se ranger du côté de l’électro-pop réconfortante, peut-être moins recherchée.
Mais on sent bien sur le reste de l’album la dualité schizophrène du groupe présente dès le début de la collaboration entre les trois DJs, entre dark techno brutale et douce électronica. Celle-ci se retrouve beaucoup dans Intruder, la perle de l’album, où les chœurs semblent tout droit sortis d’un rituel mystique et où le piano accompagnant les échos de voix de Sascha Ring alternent avec les uppercuts sonores de Modeselektor. Les titres de III peuvent finalement difficilement être séparés les uns des autres, tant l’ensemble nous plonge finalement dans l’atmosphère que Moderat parvient le mieux à retranscrire : une illusion de sérénité qui cache une descente fulgurante vers la folie.
A lire également : la chronique de leur concert à Stereolux le 3 mai 2016.
Mathilde Colas
Photo : Flavien Prioreau
Bloc-Notes
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