
Live-report
La techno onirique de Moderat enveloppe Stereolux
Les 3 et 4 mai 2016, les DJs berlinois de Moderat ont présenté leur dernier opus, III, sur la scène de Stereolux, transformant la salle en sous-sol de club berlinois l’espace d’une soirée. Une soirée clubbing ? Pas tout à fait, puisque le groupe a réaffirmé sa patte électronique bien à lui, alternant entre longues plages mélancoliques et aériennes et syncopes brutes et rythmes saccadés, rappelant la techno minimale la plus sombre et énergique de la scène berlinoise.
Mardi 3 mai, 20h, Stereolux. L’éléphant est rentré dans ses pénates, alors que se presse le public pour assister au concert tant attendu, complet ce soir, de trois DJs berlinois, Gernot Bronsert, Sebastian Szary (Modeselektor) et Sascha Ring (Apparat). Ils ont choisi en 2002 de collaborer ponctuellement, pour ensuite fusionner leurs visions de la musique électronique au sein de Moderat, passant de projet à véritable groupe avec la sortie de leur premier album éponyme en 2009.
A contre-jour
Dans la salle maxi, Shed échauffe les oreilles et l’esprit d’une partie du public pendant que d’autres sirotent leur pinte en lorgnant sur le stand de merch. Produit sur Ostgut Ton, le label techno du célèbre club berlinois Berghain (rien que ça !), il déroule ce soir une bande-son humble et apaisante, teintée d’obscurité, comme s’il savait ce que la suite nous réserve... L’atmosphère intimiste, dans une salle entièrement noire que seules les lumières rouges en contre-jour viennent éclairer, évoque l’époque des clubs de Berlin dans les années 1990 et le début des années 2000, où de nombreuses soirées étaient encore secrètes.
Une fois l’ambiance installée, le bar de Stereolux vidé et les clopes fumées, le trio berlinois tant attendu entame son show, que rejoignent d’un pas pressé les retardataires. A New Error démarre, titre d’ouverture du premier album, repris dans plusieurs films, dont Laurence Anyways de Xavier Dolan. Le ton est donné : ce soir, nous aurons du Moderat pur jus. Les trois DJs commencent fort, sous les cris d’un public reconnaissant, et la salle est déjà pleine à craquer.
Sur Running, les jeux de lumières et formes géométriques sur écran cadencent la fuite nerveuse et épuisée qui caractérisent le titre, la voix lancinante de Sascha Ring en écho. Un vrai burn-out en musique
Direction le balcon, pour profiter à la fois d’une vision d’ensemble du show et des vidéos du studio Pfadfinderei, projetées sur grand écran derrière la scène. Le collectif de graphistes et motion-designers berlinois, qui collaborait déjà avec Modeselektor, apparaît ici quasiment comme le quatrième membre du groupe, racontant une histoire sur chaque titre du concert par leurs créations visuelles abstraites ou diffusant en saccade les illustrations des différents albums. Une grande place est laissée au dernier opus du groupe, III (fraîchement publié le 1er avril 2016, chroniqué ici), le groupe en revisitant ici les titres-phare avec une dose d’énergie qui grandit au fur et à mesure des morceaux.
Sur Running, les jeux de lumières et formes géométriques sur écran cadencent la fuite nerveuse et épuisée qui caractérisent le titre, la voix lancinante de Sascha Ring en écho. Un vrai burn-out en musique. Si le dernier album du trio constitue la majorité du set, les titres les plus sombres du premier opus et plus légers du deuxième prennent également toute leur place, comme lorsque Moderat entame Rusty Nails, accompagné sur grand écran d’un personnage fantomatique, évoquant un ange de la mort tout de blanc vêtu.
« Hell is above »
Les sons s’élèvent sur fond d’éclipse rouge et stroboscopes, alors que les trois musiciens alternent secousses rythmiques nerveuses et périodes plus lancinantes, pour finir en techno à la fois festive et sombre, emportant le public dans l’ambiance des clubs berlinois
« Hell is above », affiche soudain l’écran, phrase qui peut caractériser le concert dans son ensemble. Cette alternance soudaine entre atmosphère soyeuse et rythmes frénétiques fait l’essence même de Moderat, qui parvient à donner à ses sons aériens une teinte brutale et bouillonnante à nous prendre aux tripes. Parmi les temps forts du concert, le chant de Sascha Ring, sur Bad Kingdom, repris en chorale par le public, ou encore le tant attendu Reminder, titre publié peu avant la sortie de l’album. Les sons s’élèvent sur fond d’éclipse rouge et stroboscopes, alors que les trois musiciens alternent secousses rythmiques nerveuses et périodes plus lancinantes, pour finir en techno à la fois festive et sombre, emportant le public dans l’ambiance des clubs berlinois.
Du haut de la scène, une vague de têtes s’agite et lève ses mille bras en cadence, amenant le set à son apogée. Les trois musiciens continuent sur leur lancée, accompagnés de jeux de lumière en contre-jour qui rendent le groupe quasiment invisible par instants. Les projecteurs se centrent à plusieurs reprises sur Sascha Ring, au centre de la scène, qui pose sa voix fine sur les beats de plus en plus martelés des deux acolytes de Modeselektor. Le final explose avec Intruder, la patte bien reconnaissable de Pfadfinderei en arrière-plan, et se termine en techno brutale et enragée.
Nous avons quitté Nantes, le son de Berlin s’impose totalement et enveloppe dans un décor sonore de cathédrale à l’architecture industrielle, où les machines électroniques ont remplacé les orgues
Nous avons quitté Nantes, le son de Berlin s’impose totalement et enveloppe dans un décor sonore de cathédrale à l’architecture industrielle, où les machines électroniques ont remplacé les orgues. Généreux, les trois DJs reviennent à deux reprises puiser encore ce qu’il reste d’énergie dans le public, qui entonne un chaleureux « Joyeux anniversaire » pour Sebastian, avant que Moderat n’entame son dernier titre. L’esprit festif a pris le dessus sur la mélancolie des albums, les trois DJs semblent s’éclater autant que le public, jonglant entre synthés, tables de mixage et boîtes à rythmes. Un beau final pour se remettre de cette chute à la fois onirique et fiévreuse vers les enfers de la musique électronique berlinoise.
Toutes les photos du concert ici :
A lire également : la chronique de leur album III.
Encore soif ? Création de Pfadfinderei sur une bande-son de Moderat, composée en majorité des titres du premier album de 2009.
Le film Nosferatu (1922) revisité sur une bande-son de Shed.
Texte et photos : Mathilde Colas
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