
NUMÉRIQUE : comment vivent-ils le changement ? (3/7)
Polaroid, la légende continue
Depuis 2013, le mois d’avril est devenu le mois du Polaroid et du film instantané avec Expolaroid. À l’origine de cette initiative nantaise, des amoureux du célèbre format carré aux bords blancs. Malgré l’omniprésence du numérique, la communauté Polaroid ne cesse d’augmenter. Alin, l’un des photographes à l’origine du projet, s’est confié à Fragil sur le retour en force du phénomène légendaire.
300. C’est le nombre de photographes que réunit chaque année le projet Expolaroid dans plus de quarante villes du monde. Cette année encore, Nantes a consacré le mois d’avril au Polaroid et au film instantané, pour le plus grand plaisir des passionnés d’argentique et de photographies instantanées.
Né en 2013 à Nantes de l’imagination de passionnés du mythique Polaroid, le projet, ouvert à tous, fête ses quatre ans cette année. « C’était pendant un POLApéro. Polaroid avait annoncé l’arrêt de la production de ses films instantanés en 2008. Pour nous, amoureux de ce procédé, il était impossible de s’y résoudre. On était abandonnés, mais on savait qu’on n’était pas seuls. Cédric Nicolas, l’un des nôtres, a suggéré l’idée de créer la plus grande exposition du Polaroid à Nantes. Cette année, on fête la quatrième ! ».
Polaroid avait annoncé l’arrêt de la production de ses films instantanés en 2008. Pour nous, amoureux de ce procédé, il était impossible de s'y résoudre
Sur le modèle (Do It Yourself), les participants peuvent créer leur propre événement dans la ville de leur choix et proposer leurs idées sur le site de l’événement. Accueillant un public fidèle et de plus en plus important, Expolaroid a pour volonté de montrer la diversité des expressions qu’offre le médium de la photographie argentique instantanée et de diffuser son usage. « On souhaite que les participants s’approprient l’outil et que sa pratique soit démocratisée encore plus. C’est un médium accessible, simple, maniable et populaire. On propose des ateliers et des conférences pour favoriser l’échange autour du Polaroid ». En donnant carte blanche aux participants, Expolaroid permet aux photographes amateurs d’exprimer leur créativité avec ces « boîtes magiques instantanées ».
Une autre approche de la photographie argentique
À la recherche d’une certaine authenticité, les participants apprécient de découvrir les aléas de la photographie obtenue. Une grande attention est portée aux petits défauts, aux particularités chromatiques et au rendu dont l’aspect est si particulier et pas toujours totalement domptable. « Il y a cet instant magique quand la photo sort de l’appareil et se révèle petit à petit. Il suffit de quelques minutes seulement pour obtenir une vraie photo qui contient ses bonnes et mauvaises surprises. C’est un objet réel, qu’on peut partager, accrocher et même donner ».
Véritable œuvre d’art, le Polaroid ne permet pas de tricheries, selon Alin. Cette authenticité séduit les amateurs, habitués à voir le numérique agir sur la réalité. « Deux photos simultanées ne pourront jamais donner exactement le même résultat », affirme l’organisateur de l’événement.
Il suffit de quelques minutes seulement pour obtenir une vraie photo qui contient ses bonnes et mauvaises surprises
Bien sûr, le photographe a la possibilité de scanner ses photographies, de les retoucher, de les agrandir et de les reproduire à plusieurs exemplaires, mais ce procédé rejoint ce qui existe déjà sur le marché de l’art photographique et le cliché perdra alors toute son aura, ce qui représente la force et la magie du Polaroid.
Contrairement à la photographie numérique, le Polaroid ne s’efface pas, souligne Alin. « La dématérialisation nous éloigne de plus en plus de l’exemplaire unique. Avec le Polaroid, si la photographie ne nous convient pas ou si on estime qu’elle est ratée, on ne la jette pas. Au contraire, on essaie de comprendre ce qu’il s’est passé. Avec le numérique, c’est cette partie réflexive qui disparaît. On ne cherche plus à comprendre, on supprime et on passe à une autre photographie ».
La dématérialisation nous éloigne de plus en plus de l’exemplaire unique
Très sensible aux conditions de prises de vues qui regroupent les réglages de l’appareil et la température, la photographie argentique instantanée exige une concentration de la part du photographe. « On essaie de dompter le résultat autrement qu’en choisissant des filtres numériques qui au bout d’un certain moment finissent par tous se ressembler. On est très vite lassé de ces artifices qui n’offrent en réalité aucune possibilité de création à ses utilisateurs. Il faut accepter de ne pas pouvoir tout maîtriser, tout en réfléchissant beaucoup avant et pendant la prise de vue. Le coût de cette pratique incite les utilisateurs à réfléchir davantage et ce n’est pas plus mal ».
Une pratique excessivement chère
Pour Alin, le Polaroid demeure excessivement cher. « Les consommables coûtent le plus. Il faut compter 20€ pour seulement huit photos, mais tout est compris. De plus, les appareils ne sont pas très onéreux. Certains datent encore des années 70 et sont en parfait état de fonctionnement ».
Le développement argentique quant à lui a augmenté ces dernières années, selon l’organisateur d’Expolaroid. « C’est principalement le prix des films et de la chimie qui a augmenté. Mais cette technique reste le moyen le plus accessible pour tout amateur désirant pratiquer la photographie argentique. Il faut juste avoir beaucoup de patience ». Les coûts du numérique sont, eux, masqués. Les appareils sont très chers et nécessitent que l’utilisateur recharge les batteries. « Si on souhaite imprimer, il y a des frais comme l’argentique et la photographie instantanée. Beaucoup d’utilisateurs ne voient pas cette particularité, car ils stockent sans compter leurs clichés. Lors de l’impression, pour garder la fidélité des couleurs, il faut avoir un écran calibré, voire parfois acheter une sonde de calibration si le photographe désire imprimer lui-même son travail. Il ne faut pas oublier qu’avec le numérique, le matériel devient rapidement obsolète ».
Les jeunes remettent à jour tout ce qui touche au vintage
Expolaroid permet à un public très varié et qui n’a pas forcément un budget important à consacrer à la photographie argentique de profiter de la magie du Polaroid. Anciens nostalgiques qui se remettent petit à petit à pratiquer et amoureux de l’argentique se rencontrent tous les ans au mois d’avril pour partager leurs créations. Alin, un des organisateurs de l’événement, constate que le public d’Expolaroid compte de plus en plus de jeunes. « Ils ont envie de se lancer dans cette pratique comme dans une aventure. Ils n’ont pas beaucoup de moyens financiers pour la plupart, mais ils pratiquent la photographie instantanée en complément d’autres types de photographie ».
Véritable challenge pour le public jeune, ces derniers sont à la recherche de nouvelles possibilités de création et d’expression artistique. « Le fait de pouvoir manipuler, utiliser le médium, de le détourner et de le travailler attire de plus en plus les jeunes. Il y a la possibilité de faire du découpage, du collage, de la superposition, de faire des transferts d’émulsion et des manipulations chimiques. C’est totalement différent de la photographie numérique qu’ils ont l’habitude d’utiliser. Les jeunes remettent à jour tout ce qui touche au vintage, comme par exemple le vinyle et la mode. C’est une chance pour faire perdurer l’argentique », confie Alin.
Mise sur un piédestal durant le mois d’avril, la photographie instantanée à su résister au numérique et peut compter sur un public jeune pour la rendre à jamais immortelle et mythique.
Texte : Manon Margérard
Photos : Expolaroid / Céline Brulé
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