Festival Eurofonik 2016 - Live report
Transportée, secouée, enflammée : ce que j’ai retenu des musiques du monde d’Europe
Du 6 au 12 mars, cinq soirées durant , l’édition 2016 du festival Eurofonik a fait vibrer les salles de concerts nantaises. Fragil s’est penché sur les multiples facettes de l’Europe en l’explorant, et la redécouvrant, à travers ses musiques.
Transportée
Fermez les yeux. Ecoutez. Ouvrez-les.
Non, vous n’avez pas traversé les âges pour atterrir en Europe centrale au XIIe siècle. Vous êtes là où vous devriez être, confortablement installé parmi les bancs en velours de la salle de concert de la Cité des Congrès. Lors de la soirée du mercredi 9 mars, c’est Marta Sebestyén qui a fait office de machine à remonter le temps.
Marta qui, déjà ? Marta Sebestyén, la chanteuse la plus célèbre de Hongrie depuis les années 1970. L’interprète à l’immense voix du mythique groupe folk Muzsikás a profité de son passage exceptionnel en France pour donner un concert des plus riches auquel j’ai personnellement pu assister en cette saison.
Sur la scène intimiste de la Cité, deux éléments majeurs sont venus accompagner le soprano lyrique qu’incarne Sebestyén : sa compatriote Judit Andrejszki au clavecin, et le Français Miquèu Montanaro et son attirail composé de flûtes et de tambourins aux tons fortement méridionaux.
Ouvrant le bal avec un trio de flûtes provençales, hongroises et bretonnes, l’interprète de Szerelem, szerelem dans le film Le patient anglais a entamé des chants tout droit sortis des villages perdus de Transylvanie, comme elle le raconte, entre deux ballades enjouées ou tristement poétiques. Au fil des chansons populaires magyares, les influences se sont succédé et mélangées, à travers de savantes adaptations des musiques yiddish, bulgares, slaves, turques ou grecques, pour ne citer qu’une mince partie du répertoire profondément imprégné de folklore hongrois de Marta Sebestyén. Des instruments tels la darbouka, le ukulélé ou la cornemuse ont été conviés à cette mosaïque déjà très colorée et pourtant harmonieuse au possible. La grande artiste n’a pas hésité à combler l’absence de la cornemuse dans les chants traditionnels de l’Europe centrale en entamant un long et épineux hymne simulant les cris aigus particuliers à la cornemuse, bousculant ainsi les lois de la physique. Marta Sebestyén vit des traditions et y incorpore avec fantaisie et agilité les influences sonores du monde d’antan et d’aujourd’hui. Rien d’étonnant lorsqu’elle aborde, l’air de rien, son statut d’artiste pour la paix accordé par l’UNESCO, avant de repartir pour une dernière ballade, restée imprégnée comme une berceuse sur le chemin du retour à la réalité.
Secouée
Tenez bien le partenaire à votre droite, et la voisine à votre gauche, par la main. Disposez-vous tous ensemble en cercle, face au centre, filles et garçons alternés. Vous êtes maintenant fin prêts à entamer la danse lente au départ, endiablée au fur et à mesure du rythme qui s’accélère, en veillant à bouger dans un sens antihoraire en marche enlevée, comme la polka. Le cercle circassien est l’une des danses les plus conviviales et ludiques, particulièrement appréciée dans les bals folkloriques. Elle est aussi et surtout très européenne. Ses variétés à travers les régions : le cercle sicilien, la chapelloise, le Wudj Khouraï se ressemblent et se déclinent chacun selon les influences propres à sa région.
C’est dans cette ambiance pour le moins festive qu’a évolué la dernière soirée du festival Eurofonik, le samedi 12 mars, à la salle maxi de Stereolux. Les jeunes musiciens bretons et leur égérie asturienne du groupe Amieva ont fait réviser à un public enthousiaste ses pas de danse. Grâce à la voix puissante de la jeune chanteuse espagnole et aux accords floutant les pistes entre chansons asturiennes et danses bretonnes, jeunes et moins jeunes ont mis le feu à la piste, rendant le plus bel hommage à un petit village d’Asturie : danser en son honneur.
Enflammée
Sans transition ou presque, la fièvre dansante, celle des traditions, a enchaîné sur des rythmes boisés, menés par la cabrette, cette cornemuse auvergnate emblématique, suivie de près par les sons électro et électriques. Sans laisser de répit au public, les Super Parquet ont conjugué du banjo à des boîtes à bourdon, des effets sonores industriels et le tout à une musique du folklore du Centre de la France. Les quatre Auvergnats, révélés au festival des Vieilles Charrues, surprennent, enflamment, donnent la bougeotte : leur suite de bourrées, à deux, trois, quatre temps, font parvenir à la transe collective, même les plus timides ou les plus réticents !
La quatrième édition de l’excellent Eurofonik s’est achevée samedi dernier, en ayant réussi le pari ; l’Europe en danse encore.
Texte et dessins : Fatma Ben Hamad
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses