
La controverse de l’Espéranto, quelques témoignages
Des témoignages inédits d’espérantophones
Le débat n’est jamais clos. L’espéranto échauffe les esprits, ravive les cÅ“urs ou éteint certaines ardeurs face à la possibilité de voir cette langue s’étendre. Brève présentation des deux partis en présence avec des témoignages inédits d’espérantophones aux parcours singuliers.
Les arguments des personnes hostiles à l’espéranto ne se bousculent pas pour se faire entendre. La communauté espéranto est en général déjà autocritique face à sa langue et reconnaît en général que, d’un point de vue historique et lexical, l’espéranto apparaît à première vue « européen ». Mais certains justifient cette appartenance que toute idiome cherchant à se faire adopter à l’échelle planétaire est contraint, par la force des choses, de se fonder dans une large mesure sur les racines des langues indo-européennes, dont les locuteurs représentent aujourd’hui à peu près la moitié de la population mondiale. Ce trait du lexique est nuancé par une morphologie « sans équivalent dans le domaine linguistique indo-européen, et, sur le plan culturel, par un fondement idéologique de nature universaliste ».
Le paradoxe se révèle presque ironique et incompréhensible : difficile de trouver une personne acceptant de défendre ses opinions contre l’espéranto, beaucoup s’opposent à expliquer leur refus de cette candidate à l’universalité. Malgré ces « contre » plutôt discrets, l’espéranto ne parvient pas réellement à pénétrer dans les lieux importants tels que l’école ? Méconnaissance ? Préjugés ?
Les arguments du site « Learn not to speak espéranto » développent une position plus construite...en anglais bien sûr. Selon l’auteur du site, ayant lui-même appris la langue, l’espéranto est fondé sur des règles « incompréhensibles et absurdes » comme « les mots et lettres aux accents étranges et des sons presque imprononçables ». « L’espéranto se retrouve au même point que les autres langues : impossible d’y faire de quelconques réformes. Les héritiers de Zamenhof préfèrent se cacher les défauts de la langue. » Il précise cependant sa position en affirmant qu’il ne souhaite pas remettre en cause le droit de cette langue d’exister mais plutôt sa prétention à devenir internationale. Après une comparaison du système de phonèmes destiné à montrer que clarté, simplicité et universalisme ne sont pas les qualités de l’espéranto, il ajoute des critères plus subjectifs : l’élégance et le manque d’objectivité de Zamenhof face à cette langue.
Les exemples concrets se suivent, la grammaire est examinée dans ces moindres détails. Les points soulignés comme positifs par les espérantophones ( la base d’un mot permettant toutes les constructions grammaticales d’un mot voir « Espéranto : à vos mots, prêts ? Parlez ! ») sont totalement niés au profit de l’organisation de l’Anglais où les termes sont distincts. Verbes, noms, pronoms, adjectifs : tous les mots d’Espéranto passent par la critique.
Hormis ce site qui porte volontairement ses opinions, les espaces d’expression des anti-espérantophones sont peu visibles. Plutôt indifférence que revendications, plutôt dos tourné que bouche ouverte : le débat manque réellement entre la communauté défendant les valeurs de l’Espéranto et leurs opposants. Les décisions sont un moyen d’expression préférée. Lors des assises européennes du plurilinguisme (les 24 et 25 novembre dernier), l’Espéranto s’est vu refuser l’entrée.
Des « pour » volubiles
Malgré ces avis défavorables, les défenseurs n’abandonnent pas, arguant de soutien également haut placés. M. Herbillon, député, a mis récemment l’Espéranto en valeur dans son rapport sur la diversité linguistique dans l’Union européenne : « En l’état, le régime linguistique de l’Union Européenne aura des difficultés à se maintenir longtemps face aux pressions que créeront le futur élargissement. Plus fondamentalement se pose la question de savoir si une entité politique et sociale peut fonctionner raisonnablement avec plus de 400 combinaisons linguistiques. »
Quand les mots deviennent vains à convaincre les plus réticents, les espérantophones emploient l’argument économique flattant plus le porte-monnaie que les oreilles. Grâce à la reconnaissance de l’Anglais en tant qu’actuelle première langue mondiale, les Etats-Unis et l’Angleterre gagnent chaque année 17 à 18 milliards d’euros. Selon eux , l’Europe gagnerait 25 milliards d’euros si l’espéranto se développait.
D’autres préfèrent témoigner de leur expérience directe et de leur rencontre particulière avec cette langue. Pour Flavi Haudibert, les premiers mots appris sont synonymes d’enfance. Son père français et sa mère japonaise se rencontrent grâce au projet de Zamenhof. Ils sillonnent les réunions de tous pays et font participer leur fille aux congrès pour enfants : « un peu la garderie où se retrouvent des petits de toutes nationalités. »
Devenue adulte avec, elle travaille dans une association chargée de donner une première approche de la langue aux lycéens. « Le travail d’information a montré des disparités de connaissances et de réactions. Certains avaient déjà eu une vision sur le sujet, d’autres n’avaient jamais entendu ce mot de leur vie. De l’indifférence à l’enthousiasme, les élèves avaient vraiment eu des avis divers. Les réticences se trouvaient en général vers les documentalistes et les directeurs d’établissements nous accusant même parfois de prosélytisme. Les professeurs de langue auxquels on supprime déjà des heures de cours n’étaient pas non plus favorables, mais ceux d’histoire géographie, et sciences étaient vraiment intéressés. Ce contexte est difficile car il n’y a aucun soutien de la part de l’éducation nationale. »
Elle avoue cependant les défauts qui peuvent expliquer son manque de reconnaissance. « Quand on apprend l’Espéranto, on fait partie d’une même famille. La communauté peut paraître fermée. » Selon cette intervenante, « l’Espéranto ne se développe pas car il n’y a aucun argent à gagner dessus. Impensable dans un monde libéral. Les associations sont aussi minées par les enjeux de pouvoir. Quelques personnes mènent des actions tous seuls, sans bon sens, tandis que d’autres essaient de faire valoir leur énergie et, grâce à eux, la langue se développe. Sans compter les efforts nécessaires à déployer pour rattraper cette mauvaise publicité. » Flavi Haudibert a pris conscience de la difficulté de cette tâche de communication mais les obstacles ne justifient en aucun cas une propagande. « J’essaie d’en parler simplement, de voir le bon et le mauvais côté des choses. Je voudrais d’abord transmettre l’état d’esprit d’ouverture lié à la langue ».
Avec l’Espéranto pour seul bagage
Les arguments inépuisables sont muets face à une participation plus singulière. Les grands discours ne remplacent pas un voyage de 90 000 kilomètres à travers 36 pays, ou un parcours de l’Europe pendant cinq ans et demi dans une carriole ou encore un tour du monde de 8 ans (divers expéditions d’espérantophones). David Chollet et Rachel Prual sont les auteurs du premier exploit réalisé entre le 15 juillet 2000 et 15 juin 2002. A leur manière ils tentent de « faire vivre et connaître l’Espéranto » en « se forgeant aussi une image personnelle du monde (et non télévisuelle précisent-ils) par la rencontre de cultures variées et enrichissantes ». Un carnet de voyage à consulter qui enchantera tous les curieux, touristes ou autres amateurs de belles images au-delà même de l’Espéranto.
Chloé Vigneau
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