L’extravagance et la vitalité du dramaturge argentin Copi
Mise en scène de Jean-Marie Broucaret
La troupe du théâtre des chimères présentait au T.U Copirécup : une Å“uvre étonnante et délurée du dramaturge argentin Copi mis en scène par Jean-Marie Broucaret. Il a mis en scène quatre pièces : Eva Peron, Les vieux travelos, L’homosexuel ou la difficulté à s’exprimer et Loretta Strong. L’occasion pour le public de voyager dans l’univers surprenant de Copi.
C’est autour d’un thé généreusement parfumé que Jean-Marie Broucaret, avec l’accent chantant caractéristique des gens du Sud-Ouest, explique pourquoi il a choisi de mettre en scène l’œuvre de Copi : « C’est un auteur que l’on connaissait bien et avec qui on sentait quelques atomes crochus de théâtralité [...] il me semblait que la parole de Copi, du fait même de son aspect dérangeant, méritait aujourd’hui d’être entendue, d’être portée même si elle peut aller à rebrousse-poil du bien-penser qui nous entoure actuellement... ».
...cette rencontre entre des histoires de gens en dérive, des marginaux voire même des déportés...
Après avoir expliqué tout l’intérêt d’exploiter l’œuvre de Copi, le metteur en scène de Copirécup touche le cœur même de l’œuvre, son essence : « La pensée marginale, sombre, cynique et peut-être même repoussante par moment est présentée dans une théâtralité tout à fait extraordinaire, Copi, c’est des phrases courtes, des phrases qui font mouche, des entées, des sorties, des cavalcades, c’est la joie du théâtre ...c’est cette rencontre entre des histoires de gens en dérive, des marginaux voire même des déportés comme dans « l’homosexuel ou la difficulté à s’exprimer » et cette théâtralité extraordinairement tonique, extraordinairement pleine de santé, cette contradiction des deux qui nous a semblée importante pour situer Copi ».
La mise en scène d’œuvres dérangeantes
Grâce au talent des comédiens du théâtre des Chimères, Copirécup traduit toute la vitalité du théâtre avec tout ce qu’il exprime de paradoxal, d’étrange et de dérangeant. L’un des objectifs importants à souligner pour Jean-Marie Broucaret c’est celui de « montrer qu’un discours de la marge peut-être un discours de la santé ». Même si le théâtre de Copi présente des situations dérangeantes « mettre un peu de piment dans le correctement-penser c’est intéressant... », le metteur en scène ajoute « en tout cas les saltimbanques que nous sommes sont là pour ça ! ».
Les oeuvres de Copi sont généralement courtes, il était donc essentiel pour Jean-Marie Broucaret et sa troupe d’en choisir plusieurs pour pouvoir entrer dans l’univers de Copi. « On avait vraiment le sentiment que Copi était quelqu’un à part et qu’une seule pièce ne rendrait pas forcément compte de tout son trajet, surtout qu’il a considérablement évolué, si vous prenez Eva Peron au départ et que vous voyez L’homosexuel on sent bien qu’il y a des constantes mais il y a aussi une inspiration qui se radicalise et on entre comme dans une espèce de forêt vierge intime, un peu comme dans Acopalypse now ou la deuxième partie du film dérive... on sent ça chez Copi ».
Par la suite il nous explique pour quelles raisons il a dévoilé les pièces dans cet ordre précis : « Tout simplement parce que la pièce la plus classique c’est Eva Peron, c’est celle d’ailleurs qui fait le plus d’adhésion dans l’œuvre de Copi, les gens quand ils parlent de Copi, ils parlent d’Eva... elle est dissipée mais sagement dissipée ! » Après cette première pièce le ton change... les choses s’accélèrent et se complexifient avec Les vieux travelos : « ensuite on va passer à des changements d’identités avec ce strip-tease à l’envers, en fait c’est un habillage qui introduit cette histoire de travelos,là on rentre carrément dans un univers plus déjanté, plus étrange où l’imaginaire côtoie la réalité et d’un autre côté le conte de fée, le conte de noël qui côtoie les bas fonds, les bordels, la sexualité,la pornographie,on commence à rentrer dans un univers qui pose questions, moins classique... »
Plongé dans un tourbillon d’incompréhension et d’étonnement, la troisième pièce s’ouvre aux yeux surpris du public : « Avec L’homosexuel ça se radicalise... on est carrément dans les déportés, les transsexuels, Qui est qui ? Qui est homme ? Qui est femme ? Qui joue ? Qui ne joue pas ? Et tout ça dans un contexte de camps de concentration avec un pouvoir très autoritaire qui maintient les marginaux et les déviants à l’écart dans la neige et la glace ».
Le délire dans lequel Copi nous amène atteint son paroxysme avec Loretta Strong : « C’est de la folie pure, c’est un texte qui a été écrit dans un délire permanent ou rien est impossible ou tout devient possible, mais à travers ça l’individu se cherche perpétuellement, qui est-il ? et ce besoin qu’il a des autres ! cette Linda est appelée tout le temps, jusqu’à la fin, qui est mangée, qui est ingérée, c’est le besoin des autres absolu ».
Jean-Marie Broucaret présente alors le lien étroit qu’il existe entre la vie de Copi et son œuvre : « peut-être que dans la vie de Copi, ça a été comme ça aussi, il était à la fois en exclusion des autres de part sa sexualité, de part son travail, de part son exil d’Argentine en France ... il était en exclusion des autres mais il était en appel constant, en nécessité des autres...d’où le théâtre, d’où cette parole très directe aussi ».
invitation à la tolérance
Par delà l’extravagance des personnages, l’exagération des situations et l’absurdité des dialogues( ou monologues), Copirécup est une pièce porteuse d’un message de tolérance et de reconnaissance envers ceux qui ne sont pas dans la « norme ». Par sa mise en scène atypique, Jean-Marie Broucaret porte ce message auquel il semble croire intimement : « Je suis toujours très touché par ces êtres en dérive, des êtres qui sont en exclusion,qui ne trouvent pas leur place, qui sont dans une marge qu’on appelle la Sibérie dans la pièce (L’homosexuel ) mais qui peut-etre une cité...En tout cas les dérivants sont des gens touchants, parce qu’ils sont fragiles,en demande...Copi a choisi son camp, il est du côté des faibles, il a envie de parler d’eux mais il ne veut pas faire de misérabilisme,il veut dire que ces êtres là sont en pleine vie, que la tonicité qu’il y a là est extraordinaire...c’est un chant de vie ».
La mise en scène de Copirécup s’inscrit aussi très bien dans l’actualité puisque la thématique est sensiblement la même : « pour prendre l’exemple des cités, puisqu’il est à la mode malheureusement, mais de ces cités d’exclus, de gens qui sont en marges pour la plupart naissent des musiques, naissent une tonicité, une vitalité ...voilà c’est la reconnaissance sociale de cette vitalité qui est importante... ».
Finalement on ressort à la fois bousculé et pensif de cette pièce, bousculé par l’aspect dérangeant et les situations atypiques des personnages et pensif puisque cette mise en scène donne à réfléchir sur la vie de celles et ceux qui sont exclus de notre société quelles que soient les raisons. Copirécup est donc une pièce qui nous fait réagir, rire, réfléchir...tout ce qu’on aime !
Céline DIAS COUTO
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