Sur la scène du Ferrailleur à Nantes
JP Ã la manœuvre
JP Manova était attendu au tournant. Normal quand on sort des punchlines du style : "il ne faut qu’un album qui sorte pour la mort du hip-hop, j’ai pris note". JP se veut au dessus de la mêlée, taclant "les rappeurs conscients qui font la leçon par cœur" et "les gangsters foireux qui s’imaginent te faire peur". Le ton est donné, Manova remet les pendules à l’heure dans le hip-hop hexagonal. Et l’heure, c’est très exactement "19h07", titre de son premier album. Sur scène, il transforme l’essai, charismatique et détendu.
JP Manova... 20 ans qu’il apparaît dans des featurings comme autant de pluies acides aux côtés de Doc Gyneco (Liaisons dangereuses), Flynt (J’éclaire ma ville), Ekoué (Est-ce ?) ou encore son pote Rocé (Gunz n Rocé). À cela s’ajoutent quelques productions et freestyles balancés par-ci par-là sur la toile. À chaque sortie : une claque. Et un mythe qui se crée progressivement : celui de « l’homme invisible du rap français ». Invisible peut-être, mais certaines pointures ne tarissent pas d’éloge à son égard. « C’est quelqu’un qui chante, qui compose, qui est ingé-son, qui est cultivé et féru de littérature. Il a un regard intelligent, une vraie façon de voir la musique, mais ça vaut aussi pour la culture, la politique. » Description signée MC Solaar dans l’abcdrduson.
Sincère et frontal
Alors forcément, quand le bonhomme décide de sortir du bois avec un premier album, la nouvelle suscite beaucoup d’attentes. Arrivé il y a quelques mois, "19h07" se révèle être une réussite. L’album mature d’un rappeur aux 36 balais qui a dû « charbonner » de boites d’intérim en petits boulots (« J’ai un curriculum pire que Code Quantum ») pour que la musique reste une passion avant de devenir une profession. Un choix. Un parcours revendiqué (et en partie partagé avec Rocé, figure fraternelle), qui insuffle une forme de sagesse réaliste dans cet opus aussi sincère que frontal. Restait à passer la véritable épreuve du feu : la scène. À en juger sa prestation au Ferrailleur de Nantes ce 15 octobre 2015, organisée par Pick up production, JP manœuvre à merveille.
Manova manie l'humour, le cynisme à petite dose, pour finalement ne pas se prendre la tête. Se dessinent en filigrane les traits d'un mec sympa, charismatique, détendu, à la maîtrise dialectique affûtée.
Le piège qu’aurait pu se tendre JP Manova eut été d’apparaître comme un rappeur donneur de leçon. Une grande gueule intello, pour résumer... Car le MC n’y va pas de main morte vis-à-vis du rap français : « Michel Drucker, frère, me paraît plus hardcore que le plus hardcore rappeur du ter-ter », « j’me fous de savoir ce que les autres rappeurs font ». Sur scène, tout cela devient un jeu, Manova manie l’humour, le cynisme à petite dose, pour finalement ne pas se prendre la tête. Se dessinent en filigrane les traits d’un mec sympa, charismatique, détendu, à la maîtrise dialectique affûtée. Car c’est bien là que tout se joue : JP Manova est un as dans l’art d’assembler l’inattendu. Un cador quand il s’agit de se tracer un chemin dans le labyrinthe de la langue française.
Intelligent et pertinent
La technique n’est bien sûr pas la seule alliée de JP Manova. Le fond est bien là aussi et les titres les plus aboutis du rappeur sont comme autant d’upercuts scéniques : Is everything right, réponse cinglante au Nigger in Paris de Jay-Z et Kayne West sur fond de Fashion week ; Sankara, hommage poignant à l’homme politique burkinabé, ou ;ncore Tous les 25 ans qui flingue la rebelle attitude des rappeurs et rockers... Manova fait mouche. Intelligent. Pertinent.
Une maturité du propos qui se croise avec une joie de gamin de se retrouver enfin sur scène.
Le rappeur parisien est d’autant plus efficace sur scène que son show est minimaliste. La talentueuse DJ EMII qui l’accompagne est postée sur le côté de la scène, laissant au MC tout le loisir de boxer seul au milieu du ring. JP Manova fait alors preuve d’un charisme à tout épreuve. Tantôt animal, tantôt roublard. Une présence scénique forte mêlée à une aisance relationnelle, une simplicité dans les rapports qui met le public tout de suite à l’aise. Une maturité du propos qui se croise avec une joie de gamin de se retrouver enfin sur scène. Il aura fallu attendre longtemps. Mais clairement : ça valait le coup.
Texte : Pierre-Adrien Roux
Photos : Romain Ledroit et Pierre-Adrien Roux
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