En concert au Ferrailleur à Nantes
Les rappeurs Flynt et Swift Guad fidèles au poste
Le 6 juin dernier, la salle du Ferrailleur accueillait une étape de la tournée "Appelle moi Mc" à l’initiative de Sound’Action production. Un plateau de rap français relevé était à l’affiche avec notamment deux références de l’indépendance : les Parisiens Swift Guad et Flynt.
Les terrasses des bars sont bien garnies ce samedi soir autour du hangar à bananes. Les gens profitent de la chaleur estivale pendant que les grands écrans diffusent la finale de la Ligue des champions entre le FC Barcelone et la Juventus de Turin. Le Ferrailleur a également ouvert sa terrasse pour laisser s’échapper quelques décibels. Sac de sport à la main et Jordan aux pieds, le rappeur Flynt déambule seul autour du petit stand merchandising.
« C’est dur la lutte ? Tu dis si tu veux aller dormir dans la gova », propose avec un accent disons « caïragricole» un jeune type à son pote accusant le coup.
Sur les coups de 22 heures, le groupe rennais Artisanal, chargé d’ouvrir le bal, entame son dernier morceau. La salle est à moitié pleine pour voir l’un des trois MC se mettre torse nu et sortir fièrement : « Rien à foutre de la trap nous on est des punks à chiens ». Au premier rang, les habitués des ruelles crasseuses de la capitale bretonne acquiescent. Autodérision - si rare dans le rap français - validée. En jetant un oeil au public on distingue rapidement plusieurs petits groupes aux intentions festives clairement affichées. « C’est dur la lutte ? Tu dis si tu veux aller dormir dans la gova », propose avec un accent disons « caïragricole » un jeune type à son pote accusant le coup.
Paco
Peu après 22h30, DJ Blaise succède à DJ Fresh. La voix rocailleuse et singulière de Paco émerge des backstages pendant que la fosse se remplit. Plusieurs téléphones en mode vidéo sortent, signe que l’on passe aux choses sérieuses. L’univers du rappeur originaire de Montreuil est idéal pour introduire Swift Guad : des productions minimalistes piano-violon, des textes sombres et mélancoliques dans lesquels alternent expériences de l’échec et (trop) nombreuses références aux drogues douces.
L’attitude de Paco sur scène tranche avec l’état d’excitation du public qui entonne des gros « Allllleeeeezzz » et « Aïeeee » comme dans une teuf techno ou un virage de stade de foot. Le rappeur se montre posé et profite des intermèdes pour s’hydrater. Le titre On est où là fait un carton.
La chaude ambiance semble satisfaire le gaillard quelque peu soucieux de sa ligne. « J’ai perdu trois litrons, vous faites plaisir, c’est michto avant l’été », lance-t-il en s’essuyant le front avec sa serviette. Après une grosse demi-heure et un set bien carré de huit titres, il est temps de retrouver les petites loges du Ferrailleur et de faire sécher le pantacourt pour Paco. Alerte pantacourt, sans rancune.
Swift Guad
Pas le temps de respirer que Swift Guad débarque plein gaz avec Majeur et vacciné sur une prod d’Al Tarba. « Avec les mains dans la merde, avec les doigts dans la prise... » : le refrain est repris par les trois quarts du public, notamment féminin, nous sommes bien face de la tête d’affiche de la soirée. Après un a capella, Swift enchaîne rapidement sur son classique Narvalo tout en aspergeant d’eau les premiers rangs en sueur.
A la recherche des pièces manquantes il vide alors sur le comptoir l’intégralité de sa sacoche contenant notamment un couteau papillon. Hashtag street crédibilité.
Petit crochet par le bar où la serveuse ne chaume pas. Un grand blond avec casquette noir sur le côté et tatouage dans le cou galère à payer sa consommation et celle de la petite brune qui l’accompagne. A la recherche des pièces manquantes il vide alors sur le comptoir l’intégralité de sa sacoche contenant notamment un couteau papillon. Hashtag street crédibilité. Derrière lui, un grand mec en chemise à carreaux et bonnet assorti a l’air rassuré de pouvoir prendre l’air. Il faut souffrir pour être belle.
Sur scène l’autre Montreuillois de la soirée poursuit avec Je m’en sors bien en featuring avec Saké. Le backeur, grand renoi bien épais avec un t-shirt floqué Mike Tyson, en profite pour glisser quelques couplets. En dépit du goût pour la fumette revendiqué dans quasiment chaque morceau, les nombreux enchaînements a capella de Swift Guad témoignent de ses excellentes capacités respiratoires. Comme il le raconte dans Mon Empire, « elle est bien loin l’époque du gamin qui manquait de calcium ». Pour la dernière, Swift répond positivement aux appels du public réclamant Icare.
Flynt et Nasme
On entame la troisième heure de concert au Ferrailleur quand arrive, sans transition, Flynt accompagné de son acolyte Nasme et du fidèle DJ Blaise. Bizarrement, alors qu’on pouvait s’attendre à l’apogée du show, la salle s’est en partie vidée. En même temps, c’est bientôt l’heure d’aller grossir les rangs des files d’attente à l’entrée des boites pour la jeune génération. Il fait donc moins lourd et nous sommes moins serrés pour profiter de l’efficace Rap théorie.
On sent d’emblée l’expérience de la scène chez le rappeur du XVIIIe qui a arpenté l’Europe depuis 2007 pour défendre J’éclaire ma ville, cet album classique qui « a pris perpète’ ». Flynt se permet de vanter les mérites du public rennais devant les Canaris, une petote chambre prévue dans le show. Le tout en improvisant sur le morceau J’en ai marre de voir ta gueule avant d’enchaîner sur une ode à l’indépendance avec La ballade des indépendants featuring Nasme. Ce dernier, surtout connu pour ses connexions avec le label 45 scientific, en profite pour jouer deux titres de son premier projet bientôt dans les bacs.
La suite du concert prend une direction très 90’s avec le texte de Choc frontal rappé sur la célèbre instru de Hold it down du groupe Das Efx. Les têtes bougent alors machinalement. On continue dans le retour aux fondamentaux avec 1 pour la plume et sa dédicace au 75018 où « on arrache tout comme José Bové. » Sur Mes sources, le public reprend le refrain les bras en l’air. Vers 00h15, place au tabouret et à l’ambiance tamisée pour le dernier titre Tourner la page et son ultime phase synonyme d’au revoir : « et je quitte la scène sur une instru de Drixée. »
Cette soirée Appelle moi MC se termine sur des Faces B avec quelques rappeurs locaux plutôt doués qui viennent partager le micro aux côtés des artistes réunis.
Texte : Jacques Le Pevedic
Photos : Pierre Pigeault
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses