Concert
Le retour réussi de La Rumeur à Nantes
« Oh naannn !  » L’expression du garçon est à la mesure de sa déception. Le petit écriteau sur la porte d’entrée du Ferrailleur est sans pitié. Concert complet le mercredi 25 mars. Quatre longues années que La Rumeur n’avait pas mis les pieds à Nantes, son fidèle public a donc pris ses précautions.
On pénètre dans la salle pour découvrir la traditionnelle première partie. Sur scène le rappeur local au masque de singe, Lowschool, fait dans le classique sans fioritures. Ni old school ni new school comme son nom l’indique. Élections départementales obligent, je ne peux m’empêcher de penser au « ni-ni » de Nicolas Sarkozy. A la fin du set, l’habile L.Atipik aux platines s’excuse poliment pour les petits « problèmes techniques ». Le public semble convaincu par une prestation très honnête malgré des références à l’underground et Rockin’ Squat.
Une majorité de trentenaires blancs avec barbe de trois jours, quelques New Era bien vissées et une poignée de teenagers impatient(e)s
Les places sont chères ce soir et rares sont les gens à rejoindre le bar en attendant la suite. Rapide coup d’œil sur l’assemblée. Du classique pour un concert provincial de La Rumeur. Une majorité de trentenaires blancs avec barbe de trois jours, quelques New Era bien vissées et une poignée de teenagers impatient(e)s.
la classe des classiques
Pas trop le temps de cogiter. À 22 h le DJ Soul G ouvre les hostilités pendant que nos trois lascars décollent des backstages. Qu’on se le dise dans le rap, comme ailleurs, on sait assez rapidement si on va passer un bon moment ou non. La montée en scène sur un puissant Hors Sujet fait plus pencher pour la première option. Boostés par leur concert réussi dans l’établissement pénitentiaire pour mineurs d’Orvault quelques heures plus tôt, Ékoué, Philippe et Hamé se présentent aux nantais avec un punch communicatif. Combo très 90’s pour le natif du Togo en Stan Smith blanche et bas de survet’ Nike bleu marine. Ray-Ban sur le nez et Cohiba au bec pour Le Bavar. Hamé reste lui aussi fidèle à ses standards avec casquette et chemise à manches longues retroussées.
Comme souvent chez La Rumeur, le classique L’Ombre sur la mesure fait office de test. Les connaisseurs exultent dès les premières notes de piano et le refrain est repris par une bonne partie de la salle. Les présentations étant faites, Ékoué en profite pour remercier les organisateurs de Pick Up Production. Il place aussi une dédicace aux bénévoles du Genepi, comblés, au premier rang. Ce sont eux qui sont à l’origine du concert de l’après-midi à la prison des jeunes.
Retour au son avec quelques titres des Inédits poussant le lighteux à tamiser encore un peu plus la scène. Le son tabasse sans saturer, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce genre de salle confinée. Les trois MC’s sont à la fois surpris et ravis de l’état d’excitation d’un public ultra réceptif : « J’ai failli m’évanouir », plaisante l’ancien tennisman Ékoué après A nous le bruit. On enchaîne ensuite avec Premier sur le rap, le fameux morceau contre Skyrock. Le Bavar et Ékoué en profitent pour prendre leur téléphone et filmer comme souvent la marée de majeurs en l’air d’un bout à l’autre de la salle. Rendez-vous sur les réseaux sociaux pour la vidéo. Avec ou sans Laurent Bouneau, directeur géneral des programmes de Skyrock, donc.
les mots sombres
Plus le concert avance et plus les gouttes de sueur se font grosses. Ékoué tombe le haut pour arborer fièrement un t-shirt siglé Pigalle. Aucun lien de parenté avec Produit de Banlieue cependant. Second souffle avec une plongée dans le thème des pérégrinations nocturnes, véritable marque de fabrique du groupe. L’album Du cœur à l’outrage est honoré comme il se doit avec Quand la lune tombe et Un chien dans la tête.
Le Bavar toujours aussi technique y va aussi de son solo sur Tellement à faire avant de laisser place à La Hyène, seul guest de la soirée. Le « vrai 94 » dixit Philippe propose un rap hardcore plutôt cohérent qui se fond bien dans l’univers sombre de La Rumeur. Difficile pourtant de se faire une place à côté de la grosse performance des collègues. Le public bouge machinalement la tête, plus par politesse. Même une phase douteuse sur les « femmes halal » ne provoque pas de réactions. Passons.
Retour à l’actualité des Inédits 3 avec Laisse la famille en paix avant qu’Ékoué ne s’offre un deuxième aparté dédicaces. Une première pour les soutiers et une seconde pour les vieux soutiens, « même ceux qui téléchargent ». Applaudissements nourris d’une quadragénaire sensible à la question sociale à gauche de la scène. Transition financière parfaite avec Le Bavar qui enchaine sur Du sommeil du soleil de l’oseille.
Une heure de jeu dans les jambes au Ferrailleur mais aucun signe de fatigue de part et d’autre. Au contraire, le thermomètre grimpe encore quand les platines de Soul G crachent les premiers riffs de guitare sur Tout brûle déjà.
« Encore plus fort pour encore plus de delbor ? »
« Premier au charbon pour la cantine d’un pote » : main tendue vers La Hyène qui rapplique à nouveau pour le morceau Jette ma gueule. Écrit sur la route en duo avec Ékoué et pas encore sortie, ce titre paraît séduire davantage le public. Retour à une ambiance plus jazzy avec Sous peu il fera jour et sa boucle de flûte traversière redoutable. Hamé nous confessera après coup avoir écrit son couplet le lendemain matin des attentats contre Charlie Hebdo.
On approche de la fin et la complicité entre les « soixante dix-huitards » et la salle atteint son apogée. C’est en donnant qu’on reçoit, comme dirait la Bible. Les fans ont donc le droit à plusieurs freestyles sur l’instru de What’s the difference de Dr. Dre. « Encore plus fort pour encore plus de delbor ? » Confirmation avec l’ultime morceau, Qui ça étonne encore, joué dans la fosse au milieu d’une forêt de bras. Avant de regagner les vestiaires, Ekoué ne manque pas d’aller claquer la bise à la courageuse jeune fille en fauteuil au deuxième rang.
Un set bien dense de 90 minutes sans réel temps mort, le contrat est rempli. Pas besoin de rappel. Pas grand monde non plus à la sortie pour contester le retour en fanfare des « grands messieurs du rap français ».
Pour aller plus loin :
Flamen Keuj
Crédits photos : Sébastien Marqué pour Pick up production
Bloc-Notes
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