Hope : la survie sur le chemin de l’exil
Le film de Boris Lojkine, présenté à la semaine de la Critique du festival de Cannes 2014 et lauréat du prix SACD, est actuellement à l’affiche au cinéma Le Concorde à Nantes. Un périple entre Nord et Sud, récit implacable d’une survie entre ombres et lumières.
Dans le désert, la nuit, des migrants assis dans un pick up attendent l’heure de la marche vers l’Eldorado. Parmi eux, Léonardo, camerounais et Hope, déguisée en homme, venue du Nigéria, se rencontrent.
Il décide, sans vraiment le vouloir, de protéger cet être malmené et réduit à néant par la brutalité d’hommes avides d’assouvir leurs besoins. Ils joignent leurs solitudes et leurs forces pour affronter le chemin vers le mirage du Nord. Ils rencontrent le pire : des passeurs prêts à vendre un corps pour continuer leur commerce lucratif, des caïds qui font la loi dans des zones de non droit devenues des ghettos où les hommes ne subsistent que par la loi du plus fort et le pouvoir de l’argent roi, tolérés par des autorités locales corrompues. Et puis le meilleur, bribes d’espoir dans une fuite en avant désespérée : un photographe qui les fait poser devant la photo en toc d’une Tour Eiffel emblème d’un ailleurs illusoire ; d’autres migrants, indiens tapis dans la forêt prêts à unir leur force pour partir à l’assaut d’une forteresse imprenable. Et prêts à croire que derrière, les lumières brillent pour tous , que « le moustique boit du coca, le cafard mange des spaghettis et l’âne porte un soutien. » Mais le chemin est long vers les lumières. Et la jungle dangereuse pour les hommes mis à nu, fuyant la misère pour s’emparer de ces rêves trop beaux pour être vrais. Dans cette jungle, la seule chose monnayable, c’est ce que vous êtes : le corps de Hope « escargot qui porte sa maison sur son dos », sert de monnaie d’échange.
L’écran devient nuit
Dans cette odyssée à l’issue probablement funeste, Léonardo n’est pas Ulysse, héros partant à la découverte de contrées hostiles ou magiques qui le feront plus fort. Il rêve de se construire en reprenant des études pour assurer la subsistance de sa famille restée au pays et qui a tout misé sur lui. Le bateau qu’il emprunte, il ne le dirige pas. L’écran devient nuit et le bruit des vagues nous accompagne, nous plongeant dans les ténèbres d’une traversée chaotique et dans l’enfermement d’êtres qu’on croit un moment dépossédés de leur humanité. Dépossédés aussi de leur liberté, sans cesse mise à l’épreuve : liberté de disposer de son corps, le protéger ou le vendre, liberté de rejoindre ceux de son groupe (ethnie, genre) ou de s’en éloigner, de rester en couple ou de se séparer. Leur liberté leur échappe lorsqu’ils se trouvent soumis à la volonté des passeurs, du destin, ou de Dieu selon Hope. Mais ils échappent au jugement que leurs actes peuvent induire car ces actes posés s’adaptent aux circonstances. Ils nous rappellent en cela que « les hommes ne sont beaux que des décisions qu’ils prennent » (Laurent Gaudé, El Dorado)
Ce serait sans compter sur le talent du réalisateur que de voir dans son oeuvre un discours figé et larmoyant
Car Hope, c’est avant tout un prétexte à raconter l’histoire d’une rencontre, la rencontre entre deux personnages attachants , interprétés avec force par Justin Wand (Léonardo) et Endurance Newton (Hope). L’amour devient un rempart, une niche où se lover face à l’adversité. Les caresses et les regards échangés sont filmés avec pudeur dans une nature originelle à la beauté exempte de corruption. Ils sont prêts à mourir pour vivre et dans leur désir d’histoire ils nous représentent dans notre humanité tragique et singulière. Ils sont plus forts que nous parce que plus éprouvés et plus tenaces.
Bande-annonce du film Hope vost par Telerama_BA
C’est avant tout un film sur la survie, qui décrit une humanité plus complexe qu’il n’y parait et qui va bien au delà d’un discours socialisant figé. Hope est un film à la frontalité documentaire captivante et exigeante, fait de nombreux plans fixes et de gros plans sans concession sur les visages figés et meurtris, où la lumière flamboyante des paysages mise en valeur par une photographie impeccable, contraste avec la noirceur des âmes. Et qui nous laisse à croire que l’espoir se niche en la capacité des hommes à aller chercher l’amour en dépit de toutes les circonstances, lumière vacillante dans les ténèbres.
Nathalie Guillotte
Bloc-Notes
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