SPECIAL FESTIVAL DES 3 CONTINENTS
Hill of freedom, Ã la recherche du temps perdu
En partenariat avec le magazine Preview
Si le film Hill of freedom de Hong Sang-Soo ne dure qu’une heure et six minutes, le sentiment de tourner en rond demeure omniprésent. La notion de temps est trouble, bouleversée par une chronologie désordonnée, donnant l’illusion d’un récit presque interminable.
Kwon, une jeune femme résidant à Séoul revient d’une convalescence à la montagne et trouve un paquet de lettres de la part d’un Japonais, Mori, qu’elle a aimé quelques années auparavant. À sa recherche dans le but de la reconquérir, il y décrit son épopée pour la retrouver. Sous le choc, la jeune femme perd connaissance et les plis, qui ne sont pas datés, s’éparpillent dans l’escalier. En les laissant tomber, Kwon bouleverse la chronologie établie par Mori lors de l’écriture. Un désordre séquentiel qui sème la confusion.
Prisonnier du temps
Le récit épistolaire est composé de scènes d’une apparente simplicité, ce qui le rend à priori déstabilisant. Les séquences se suivent et se ressemblent au gré de la lecture de Kwon. L’histoire tourne en rond, figée dans le temps, connotant l’immobilité et l’ennui de Mori qui attend, en vain, des nouvelles de Kwon. La quasi-totalité du film se déroule à huis clos et dans un schéma similaire : celui de la rencontre. Des rencontres fortuites, dont on peine parfois à saisir l’intérêt, comme la dispute dans l’auberge.
Le récit épistolaire est composé de scènes d'une apparente simplicité, ce qui le rend à priori déstabilisant
Le désordre chronologique des séquences fait écho à celui émotionnel du jeune japonais, en proie à une peine de coeur. Si Hong Sang-Soo prend des libertés dans la construction du film, c’est pour mieux piéger le personnage principal. Mori semble prisonnier d’une histoire sans fin, à la recherche d’un temps perdu, celui de sa relation amoureuse avec Kwon. Le livre que lit le jeune homme à plusieurs reprises, intitulé Time, est une clé de lecture du récit. La réflexion sur le temps qui passe et l’illusion avec laquelle nous le percevons est omniprésente dans Hill of freedom. Face au désordre séquentiel voulu par Hong Sang-Soo, difficile de savoir à quel moment Mori entreprend une relation adultère avec la serveuse du café, ni si le jeune homme retrouve réellement sa bien-aimée. Impossible de reconstituer avec certitude les pièces du puzzle, d’autant qu’un plan fixe sur l’une des lettres dans l’escalier, sous-entend peut-être l’oubli de l’une d’elles...
Un théâtre mélodramatique
Le désordre séquentiel de Hill of freedom est celui d’une pièce de théâtre qui serait construite sous forme de scènes courtes et enchaînées. Les lettres, telles les pages d’un scénario se mélangent pour naviguer entre théâtralité et cinématographie. Le jeu des acteurs lui-même, surjoué, presque comique, comme lors du malaise de Kwon ou de l’ivresse de Mori, relève à plusieurs reprises du théâtre plutôt que du cinéma. Antihéros romantique, Mori adopte une posture nonchalante, mise en scène par le son constant de ses pieds qui frottent le sol. Traîne-savates en proie à l’errance, le jeune homme se laisse aller à l’adultère avec la serveuse du café ou encore à l’ivresse. Personnage pathétique, il s’adonne à la contemplation et emprunte un registre lyrique dans ces lettres écrites à Kwon : « The light in the sky is so beautiful... ». Sa communion avec la nature semble sa seule porte de sortie vers la liberté. Elle s’exprime à plusieurs reprises, lorsque Mori touche l’eau d’un ruisseau (métaphore du temps qui s’écoule sans pouvoir le contrôler), ou lors d’une discussion avec la patronne de l’auberge au sujet des fleurs. Des clichés romantiques dont Hong Sang-Soo semble s’amuser en tournant à plusieurs reprises Mori au ridicule. Le ton naïf et maladroit met en abîme la faiblesse de l’homme face à une situation et un temps qui lui échappent.
« Hill of freedom », nom du café dans lequel Mori rencontre la jeune serveuse avec qui il trompe Kwon, représente une parenthèse de liberté, hors du temps, durant laquelle le jeune homme oublie son histoire d’amour contrariée. Une liberté finalement trompeuse dans laquelle Mori finit par se perdre, autant que le spectateur.
Camille Moreau
Bloc-Notes
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