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Mohammad Ali Atassi : «  Il faut laisser aux Syriens la légitimité de leur histoire.  »
En partenariat avec le magazine Preview
Journaliste de formation et cinéaste d’aujourd’hui, Mohammad Ali Atassi et son «  road-documentaire  » Our Terrible Country livrent une critique acerbe sur le rôle des médias et du cinéma dans la bouillonnante actualité syrienne.
Mohammad Ali Atassi n’est pas seulement présent à Nantes pour présenter son film Notre terrible pays , le cinéaste est aussi venu pour exprimer son opinion sur la situation en Syrie. Il a ainsi participé à une table ronde, au Cinématographe autours des printemps arabes. Pourquoi blâme-t-il les médias ? Quel rôle pour le cinéma ? Voici ses réponses :
Preview : Vous êtes très sévère avec les médias occidentaux. Pourquoi un tel désamour ?
Mohammad Ali Atassi : Je n’irais pas jusqu’à parler d’un « désamour », plutôt d’un regard critique. J’ai suivi des études en journalisme. Je suis donc familier du fonctionnement des médias, notamment occidentaux. J’ai appris à prendre mes distances. Le rôle des médias est toujours aussi important aujourd’hui, mais il est tombé dans le sensationnalisme et la dramatisation. Progressivement, les médias sont tombés dans le spectacle, le caricatural, au point de banaliser les images choc de Syrie. En tant que Syrien, je ne me retrouve pas dans les images véhiculées par les journaux télévisés. Le cinéma a un rôle à jouer ici.
Preview : Quel rôle le cinéma peut-t-il jouer ?
Son rôle est de regarder ailleurs, de dire autre chose, de dévoiler le côté humain de la révolution. Montrer ce que vivent vraiment les Syriens en tant qu’êtres uniques pour s’opposer au macro-cadre des médias. Depuis le début des révoltes en Syrie, le terme « peuple » a été utilisé à outrance. Pourtant, ce « peuple » ne représente pas une unité figée. Il est composé d’individualités distinctes, d’individualités qui cherchent à s’exprimer. Il faut laisser aux Syriens la légitimité de leur histoire.
Selon moi, les intellectuels n’ont pas à faire de la politique. Yassine, par exemple, ne fait qu’écrire. Ils n’ont pas à faire partie du troupeau
Preview : Votre film répond-il à ces préoccupations ?
Notre terrible pays est un road-movie qui met en avant une relation amicale intergénérationnelle, celle de Ziad Homsi, jeune photographe Syrien, et de Yassine Haj Saleh, un intellectuel engagé contre le régime politique de Bachar el-Assad. Tous deux traversent le pays en quête d’un exil. Le sujet du film n’est bien sûr pas neutre, mais je n’ai pas cherché à faire du cinéma engagé, plutôt à questionner l’engagement de ces deux hommes, sa limite et ses contradictions. J’interroge l’influence de Yassine sur Ziad par exemple. J’ai pris le parti de montrer quelques scènes de violence. Mais, à l’inverse des médias, je mets surtout en avant le côté humain de ces deux hommes. Leur relation d’amitié, leurs relations d’amour respectives, leurs craintes et leurs doutes. Des sentiments universels.
Preview : Yassine Haj Saleh se trouve exilé de son pays. Est-ce le prix à payer pour un intellectuel engagé ?
Selon moi, les intellectuels n’ont pas à faire de la politique. Yassine, par exemple, ne fait qu’écrire. Ils n’ont pas à faire partie du troupeau. Ils doivent avoir une pensée critique. Seulement voilà, toute prise de parole équivaut à une prise de risques. L’exil n’est qu’une des conséquences de la prise de position, parmi d’autres : le kidnapping, l’arrestation, la torture, et bien pire. Le prix à payer est élevé. Mais il faut rester optimiste. Tout n’est pas vain. La révolution n’a débuté qu’il y a quatre ans. Le processus historique est en marche et, tôt ou tard, les Syriens auront aussi le droit à la liberté et la démocratie.
Propos recueillis par Bénédicte Le Coz
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