
Le retour des Saïan Supa Crew
L’Olympic s’embrase
Les guerriers du Saïan Supa Crew reprennent d’assaut le public français avec leur dernier album, Hold-up sorti le 31 octobre. Par simplicité, ils ont choisi d’effectuer leur tournée promotionnelle dans des salles intimistes, histoire de renouer une relation étroite avec leur public et vu que « Nantes figure dans leur top 5 des meilleurs publics  », le passage à l’Olympic coula de source, ce mercredi 16 novembre.
Ils ont mûri mais pas changé. Leurs deux premiers albums KLR et X-Raisons, sortis en 1999 et 2001, se sont vendus à 800 000 exemplaires. KLR, du nom du septième membre du groupe originel décédé dans un accident de voiture, a l’effet d’une bombe dans le paysage hip-hop français. « On est arrivés naturels, spontanés, authentiques », « c’est l’originalité qui prime ..., on fait figure d’électron libre ». Inclassable, la musique des Saïan se caractérise par des lyrics acérés dans lesquels l’humour tient une place primordiale.
Un changement important est cependant intervenu dans la composition du groupe. Specta, rappeur charismatique à la voix nasillarde et au flow parfois sombre, a quitté le groupe. Il s’est consacré à un projet parallèle créé avant le Saïan. Ce duo, composé avec Leeroy, officie sous le nom d’Explicit Samouraï. Leur son s’apparente à un hip-hop plus « hardcore ».
Ils sont désormais cinq : Sly the Mic Buddha ; la force calme du groupe aux beat-box hallucinants (sons de bouche), Sir Samuel, reggaeman beau gosse à la voix mélodieuse, Leeroy Kesiah et Feniksi (Féfé), déferlante de flow saccadé et travaillé, et enfin Vicelow, voix grave et chaude (pas que la voix d’ailleurs...).
Dans l’intervalle séparant la sortie des deuxième et troisième albums, ils se sont impliqués dans des projets personnels, explorant toute l’étendue de la galaxie musicale, via divers canaux artistiques et collaborations variées. Leeroy a retrouvé Specta avec Explicit Samouraï, Vicelow et Feniksi ont repris l’aventure OFX, Sir Samuel a sorti un album solo et Sly a collaboré à l’album de Camille, lauréate du prix Constantin 2005.
Ils ne s’enferment pas dans l’art de la musique, « ’ils’ aiment l’image », dixit Leeroy. Ce dernier a réalisé avec Specta une série de reportages de rue, intitulés « Toxic TV ». Le pro de la vidéo reste incontestablement Féfé qui possède sa propre boîte de production et a déjà réalisé deux clips ainsi que des pubs TV.
A la découverte d’autrui
Les Supa retrouvailles se sont déroulées dans un climat complice, « c’est revenu comme le vélo ». Avec un petit plus, non des moindres, l’apport de leur expériences acquises en-dehors du groupe. « On a ramené des choses différentes, des nouvelles techniques, des nouvelles manières de travailler, pleins de nouvelles idées et beaucoup d’envie d’aller plus loin que les albums Saïan et les projets solos ». Résultat ? « La sauce a pris très rapidement, au premier jour de maquettage on a fait un morceau, au deuxième jour, un deuxième morceau est né, petit à petit une nouvelle ambiance Saïan s’est installée, un équilibre. »
Le produit de ce travail est, à n’en pas douter, réussi. Hold-up puise dans divers genres musicaux (reggae, ragga, zouk, jazz, électro et bien sûr hip-hop), tout en restant fidèle à la griffe du groupe. Des featurings avec des artistes nationaux et internationaux, issus ou non du hip-hop, ponctuent l’album. Will-I-Am des Blacks Eyed Peas apparaît sur La patte, le premier single diffusé sur les ondes ; Patrice, reggaeman averti, s’invite sur “96 Degreez” et Camille donne la réplique à Leeroy, Vicelow et Sly dans “Si j’avais su”. Cet état d’esprit se retrouve sur scène puisqu’ils y collaborent avec DJ Kärve, champion de France DMC 2005.
Les Saïan revendiquent plus que jamais l’ouverture sur l’autre, le métissage des cultures (musicales et ethniques), la tolérance. Véritables bêtes de scène, ils ont conquis un public large et cosmopolite, séduit par leurs prestations et leur originalité. De concerts en festivals, ils ont imposé leur marque de fabrique, « “leur” hip-hop ; “leur” musique, “leur” couleur ». « On est content que des gens qui n’écoutent pas forcément du hip-hop viennent à en écouter ; c’est ça qui est bon, aller chercher ailleurs le public. On aime cette prise de risques, cette mise en danger ».
Retour aux sources
« On doit tout recommencer, repartir à zéro ». À commencer par la reconquête du public. Le Stade de France, le Zénith de Paris, ils « kiffent pas ». Ils recherchent avant tout une promiscuité maximale avec leur public, loin du rap « bling bling », strass et paillettes, chaînes en or, champagne et bimbos.
Le public nantais de l’Olympic carbure au diesel. Chauffée par Féfé, l’ambiance a rapidement décollé ; les spectateurs se sont pris aux jeux de scène du Saïan, scandant les paroles des chansons reprises de KLR et de X-Raisons, se laissant guider par le rythme effréné des nouveaux morceaux de Hold-up. Pris en otage ? Assurément ! Le Saïan a réussi sa mission qui consistait à « braquer le public avec leurs vibes positives, à capter l’énergie du public, leur sueur ». Ils ont livré un show extraordinaire, reprenant trois fois Hold-up, le titre phare de l’album, en accélérant le rythme à tel point qu’à la fin on était en droit de se demander si c’était humainement possible. Et c’est là qu’on s’est rappelé qu’on était face à des supers guerriers aux pouvoirs intergalactiques (les Saïan Supa sont des personnages guerriers tirés du dessin animé Dragon Ball Z). Leur pouvoir, c’est le public, car ils s’étaient essayés à cette performance en répétition et « c’était nul ».
DJ Kärve et Sly ont démontré une complémentarité absolue, DJ Kärve lançant un début de phrase instrumentale aux platines et Sly la reprenant en beat-box stylisé. Tellement proches du public qu’ils ont fini par s’y jeter, interprétant un des derniers titres dans la fosse. Les adieux ont été si durs qu’ils ont tout fait pour y échapper, s’éternisant après le concert au bar et dans l’entrée de l’Olympic. Ils ont tenu à remercier toutes les personnes qui s’étaient déplacées, prenant le temps de discuter avec chacune, de signer des autographes et de prendre la pose. Le tout avec un plaisir non dissimulé. Ils dégagent énormément d’humilité ; tous les artistes vouent des louanges à l’échange avec le public, mais peu s’y prêtent à ce point. On ressent une sincérité et une chaleur impressionnante dans leurs remerciements.
Le Saïan Supa Crew a encore de beaux jours devant lui. Leur musique est un coup de pied dans la fourmilière du hip-hop français, quelque peu amorphe ces derniers temps...
Noémie Lehouelleur
Photo : Ludovic Failler
Bloc-Notes
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