CARNET DE FESTIVAL
Fauve, meilleur espoir 2014
La Nuit de l’Erdre, le 4 juillet 2014
Comète ou étoile filante, le collectif Fauve continue de faire parler de lui. Là , c’était à Nort-sur-Erdre, pour une nuit d’été. récit griffé de Sandrine Lesage.
Soyons honnêtes, Fauve m’a fait retomber en adolescence. Et ce retour en arrière n’est nullement lié à des retrouvailles nostalgiques avec les artistes qui ont fait vibrer mes années lycée. Non, Fauve permet de vivre une passion des années 2010, celle qui fait scander des paroles rageuses en levant le poing sous l’objectif d’un smartphone. Celle qui fait résister à la morosité ambiante née de la crise économique et des relations humaines moribondes grâce au spoken word puissant d’un collectif tenant son nom d’un film de Cyril Collard réalisé en 1992. Fauve, phénomène qui ne parlerait qu’aux adolescent(e)s ? Mais pourquoi ne pourrait-il pas sauver les trentenaires (et les autres), aussi ?
Sauver les adolescents et les autres
Pendant le set, le guitariste du collectif fait part de son honneur et de son appréhension à jouer à la Nuit de l’Erdre juste après The Hives : il est vrai que les entertainers suédois en costard blanc ont chauffé la foule à grands coups de riffs sautillants et de leitmotiv en français dans le texte. Diablement efficaces. Mais peu avant le passage de Fauve à minuit, il est déjà difficile de se faire une place devant la petite scène où la projection d’un décompte minute par minute aiguise l’attente des spectateurs. La rançon de la gloire.
Croire aux miracles
Pour certains, le profil Facebook de Fauve fait partie des pages qu'ils ont likées en avril 2013, et dont ils continuent en secret à lire les notifications malgré le ridicule d'avouer à leur cercle d'amis mélomanes qu'ils écoutent encore en juillet 2014
Depuis le printemps 2013, les paroles de Fauve touchent l’âme de la classe moyenne, elles sont délivrées dans un phrasé banal digne du boy next door et posées sur des boucles musicales rappelant les arrangements de Gainsbourg. Oui mais...la Fauve-mania est passée par là, et elle suscite plus que des moqueries de la part des détracteurs : ce succès submergeant provoque des critiques acérées, voire un lynchage en règle par ceux qui estiment que pour crier son mal-être il faut avoir cumulé séjour en prison, en hôpital psychiatrique et sur le front. Pour certains, le profil Facebook de Fauve fait partie des pages qu’ils ont likées en avril 2013, et dont ils continuent en secret à lire les notifications malgré le ridicule d’avouer à leur cercle d’amis mélomanes qu’ils écoutent encore en juillet 2014.
Pour balayer ces remarques, il suffit de participer une fois à la communion de ces « milliards de mains sur des milliards d’épaules » et juger de l’énergie délivrée en live pour ne plus douter que l’espoir fait vivre, et vivre plus fort. Même s’il est parfois difficile de croire en la sincérité du groupe quand il balance devant un public acquis de 10 000 personnes « On pensait pas que vous seriez venus si nombreux » (fausse modestie ou véritable naïveté ?), les auditeurs nouvellement convertis de Fauve sont de ceux qui croient aux miracles, mais ont besoin de les toucher du doigt pour y croire vraiment. Saint-Thomas, si tu nous lis.
Fauve plus fort que la pluie
Quand Fauve est lâché ce soir-là sur scène, ce n’est pas contre le blizzard qu’il sort les crocs mais contre une fine pluie persistante qui s’abat sur Nort-sur-Erdre. Qu’à cela ne tienne, il ne reste plus aux « vieux frères » et aux « belles » qu’à se serrer les coudes pour se tenir chaud, car dans la chanson d’introduction au set ils sont « de ceux qui résistent, qui ne renoncent pas », surtout pas devant un phénomène météorologique.
Dès Haut les cœurs, c’est la ruée pour reprendre de concert les paroles bien connues du premier EP sorti il y a plus d’un an, sans label, au cœur d’une vague Fauve envahissant tout sur son passage. Génération Fauve, génération réseaux sociaux pour qui Internet a joué un rôle prépondérant dans la contamination de la musique et pour qui les statuts Facebook ont leur place dans les couplets des morceaux (Jeunesse talking blues).
A La Nuit de l’Erdre, les tubes de 2013, constats froids d’une vie rangée, rongée par les névroses 4000 îles, Sainte-Anne ou Nuits fauves, alternent avec les titres du premier album tels Infirmière, Requin-tigre, Lettre à Zoé ou Vieux frères. Cette dernière est introduite par le chanteur Quentin comme un récit de ce que l’expérience Fauve leur a fait traverser (« J’ai dit au revoir à la photocopieuse/Puis à ceux et celles qui restent à bord/Ils m’ont souhaité bonne chance » dans Rag #4) : quitter leur boulot pour faire de la musique à plein temps et enfin retrouver la vue après des années à boxer dans le noir. Parce que si le désenchantement et le malaise percent, la marque de fabrique Fauve, c’est la lueur d’espoir mise en exergue, à l’image de Loterie qui clôt leur album.
Des lumières clignotantes et des ombres
Si le miracle Fauve n’a toujours pas fait son œuvre, il faut se retrouver happé par le grand écran découpé en cinq longues bandes verticales au fond de la scène et qui diffuse de véritables courts-métrages conçus pour illustrer les chansons d’images banalement attachantes : les copains sur leur mobylette, les nuages à 10.000 pieds pris depuis l’avion et les paysages du quotidien. Devant ces projections, le batteur Simon, debout, le guitariste Pierre et le bassiste Stéphane, et enfin Quentin, au chant, qui fait les cent pas comme un lion en cage, débitant son flow que seules les plus téméraires arrivent à suivre. Au fond, Nicolas, l’artisan des vidéos lui-même, transforme le groupe en écrans pour ces morceaux de vie lumineux, les faisant apparaître tantôt comme des lumières clignotantes, tantôt comme des ombres. Le signe Fauve « ≠ » en rouge sanglant vient parfois accompagner les hymnes à la beauté, à la différence (Pourtant t’es beau comme une comète, je t’ai dans la peau, je t’ai dans la tête répété dans Kané) et se répand jusque sur le fond de la deuxième scène du site de Nort-sur-Erdre.
Il reste toutefois à déplorer le réglage des basses qui vient écraser avec force grésillements les lignes mélodiques alors qu’en mars dernier à Stereolux la balance faisait passer les couplets à la trappe (un comble pour un groupe à textes).
Mais la foule s’y retrouve en ce 4 juillet : les uns savourent l’obtention du bac, d’autres oublient la défaite de l’équipe de France de foot contre l’Allemagne au Mondial ; certains, parmi lesquels des plus de vingt ans, ne font qu’espérer Blizzard pour enfin lui « niquer sa mère ». Et lui hurler que « tout ça c’est fini ».
Sandrine Lesage
Crédits photos : Benjamin Guillement
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