
RENCONTRE
We Love Match
Pendant que le Festival de Cannes offrait son Prix du Jury à Xavier Dolan, un groupe de jeunes musiciens s’apprêtait à fouler la scène de Stereolux. Rencontre avec les représentants d’une génération qui heureusement nous donne encore de l’espoir.
Durant quatre soirs, le Festival Indigènes n’a pas déçu dans sa programmation. Permettant au public de savourer ce que les autres ignorent encore, explorant de nouvelles friches et peuplades musicales préservées des conquistadors. La rencontre avec We Are Match rejoint le discours du cinéaste quand il déclare que « nous pouvons changer le monde par nos rêves. » C’est le même leitmotiv qui anime ce groupe composé de Simon, François, Jim, Aurélien et Gwenaël. Qu’on se le dise, cette génération qui a aujourd’hui en moyenne 25 ans, n’est pas noyée dans le formole.Tous ne sont pas perdus dans une geek attitude qu’ils revendiquent comme un étendard dont la culture se résume à une carte sim.
On tente par exemple d’expliquer comment se retrouver dans cette société qui est parfois un peu aliénante pour certaines personnes
Made in Normandie
Originaires d’Alençon, Simon et François se connaissent depuis leur plus tendre enfance. « On faisait de la musique depuis l’adolescence chacun de notre côté, mais sans vraiment la mettre en commun. » Et puis en 2012 vient le déclic. « On est parti dans une ferme en Normandie pour tenter des choses ensemble. » En sortira le premier EP du groupe, Relizane. Six titres d’une pop mélancolique et mélodique entraînée par des voix au timbre si particulier. « La mélancolie ambiante c’est ce qui donne du cachet à la vie », expliquent-ils avant d’ajouter : « On a des influences très différentes les uns les autres. Ce qui nous fait rire c’est de ramener des choses parfois expérimentales pour en faire une musique pop », précisent-ils. « On en arrive à faire des morceaux complètement barrés, mais on réussit à vulgariser des musiques qui parfois peuvent être inabordables. » L’avantage d’un groupe où les membres maîtrisent plusieurs instruments et où chacun amène une composition, la fait partager et participer tous les autres. Jim qui vient du métal, reconnaît pour sa part que la transition avec We Are Match lui a été profitable : « cela m’a vraiment beaucoup aidé de jouer différemment. »
Horizons divers et inspirations futures
Après leur passage au Festival Indigènes, We Are Match partait pour Londres finir de mixer un premier album avant sa sortie prévue cet automne. « On est allé plus au fond de ce que l’on souhaitait faire et au son que l’on a envie de jouer sur scène », racontent-ils. « On a essayé d’explorer tous les rivages de la musique et tout ce qui nous tient à cœur. Depuis notre EP, Jim nous a rejoint et a donné vie à de nouvelles possibilités que nous n’aurions pas pu développer auparavant. » Leurs différentes influences qui tranchent, balayent aussi assez large. Pendant que l’un se passionne pour la pop orchestrale, un autre est fan de McCartney ou de Simon and Garfunkel. Une période hip-hop pour Aurélien, une ouverture vers la musique électro de Radiohead pour un autre. Et enfin Gwen qui adore François and The Atlas Mountain et se dit fou de joie à l’idée de partager l’affiche d’Indigènes avec eux le soir même à Stereolux. Au-delà de l’affiche, les deux groupes en auront profité pour jouer au foot devant l’éléphant trônant comme un cerbère à l’entrée des nefs.
No Match
Après l’incroyable tremplin qu’a été pour eux Les Inrocks Lab et leur participation aux Inouis du Printemps de Bourges, We Are Match temporise ce phénomène de radio crochet qui touche aussi les musiques actuelles. « On a eu la chance de pouvoir ainsi jouer sur des scènes comme le Bataclan, mais maintenant qu’on en est sorti, on regrette un peu ce principe de compétition qui ne devrait pas exister dans le domaine de l’art. Nous avons remporté la demi-finale des Inrocks Lab face à Parc, mais on trouvait cela dommage car leur projet valait vraiment le coup. »
Un regard pertinent sur la société
L’écriture des textes n’est pas l’exclusivité d’un ou deux membres du groupe, mais vraiment un travail collectif. « On doit tous se reconnaître dans nos textes pour bien les interpréter. » Le groupe défend ainsi un discours qui a du sens et se sent concerné par le monde qui l’entoure. « On tente par exemple d’expliquer comment se retrouver dans cette société qui est parfois un peu aliénante pour certaines personnes. On revendique aussi le fait de prendre le temps de vivre les moments qui en valent vraiment la peine. Même si certains textes peuvent paraître abstraits, on aime l’idée que chacun puisse les interpréter à sa façon. » Faisant à ce propos d’ailleurs référence au groupe américain Modest Mouse et à son clip Float On (ci-dessous). « On adore cette impression de flottement où chacun fait en sorte de s’en sortir », ajoutent-ils. Le groupe partage également un regard lucide et critique sur cette société médiatique qui les rend pessimiste pour l’avenir. « Il y a une éloge de la bêtise aujourd’hui en France qui devient vraiment glauque. On ne peut plus allumer la télé sans tomber sur « Top Chef » ou ce genre de connerie. J’ai un peu peur pour toute cette génération qui est vide de rien, qui n’a pas de fond, et pour qui le seul exemple à suivre c’est de devenir Zahia ou Nabilla. »
We Are Match démontre le parfait équilibre d’une bande de potes qui réussissent à mettre en commun leur créativité individuelle. Le groupe se retrouve d’ailleurs unanime pour citer la musique de Mac Demarco ou celle de Queens Of The Stone Age quand il s’agit d’évoquer ce qui les rassemble. C’est le cinéma qui a réussi à les faire sortir de leur tanière, enfermés depuis de longs mois en studio à peaufiner leur album. Le dernier Wes Anderson, The Grand Budapest Hotel fait partie de leurs derniers coups de cœur, sans oublier… Xavier Dolan. Que l’un et l’autre continuent de vouloir changer le monde par des rêves.
Jérôme Romain
Crédit photos : We Are Match
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