
Bertrand Belin, le poète du presque
Entre ballades et chansons, quelques fragments de vie
Le paysage de la chanson française a bien changé. Depuis quelques années se succèdent de belles découvertes bien prometteuses et qui se révèlent aux oreilles d’un public attentif à toutes nouveautés. Bertrand Belin est de cela. Un brin dandy, un ton crooner, Bertrand Belin égrène des fragments de vie dans une ambiance poétique.
Sous ces airs de dandy bien distingué, Bertrand Belin n’est cependant pas un jeune premier. Musicien averti, serait plutôt la qualification la mieux choisie pour un homme qui baroude depuis son plus jeune âge sur toutes les scènes. Fils de marin-pêcheur, élevé sur les côtes de Bretagne près de Quiberon, c’est avec son grand frère qu’il commence par écumer les rades à l’adolescence avec des reprises rockabilly des années 50 pour s’orienter vers le style Wampas : « la moitié de notre répertoire était constitué de reprises ». Puis comme beaucoup, fuyant un pays en mal de débouchés, le jeune Belin monte à Paris et s’adonne à la musique. « On avait une petite bande un peu lyrique, romantique car c’était l’époque de Cure et Joy Division avec un romantisme noir latent. On avait un quelque chose de Rimbaldien. »
Une dizaine de chansons couchées en quelques semaines, sans prétention, sur un cahier et Bertrand Belin délaisse un peu la plume pour se consacrer uniquement à la musique en tant qu’accompagnateur de musiciens cajuns de Louisiane (les Strompin’ Crawfish) dans des clubs enfumés parisiens. Un goût prononcé pour la musique américaine le conduit « à trainer pas mal d’années dans ce milieu là, à jouer du banjo pour de la musique de bal, de danse ». « C’est ainsi que j’ai rencontré Sons of the desert ! On pourrait qualifier leur style de folklore imaginaire. Le leader est de racines irlandaises, ce sont des types qui a 7 ans et demi jouaient dans les pubs et a 10 ans prenaient leur première pinte de Guinness ! Leurs influences viennent de Captain Beffheart, Billie Holiday, Johnny Burnet, Bob Dylan. La musique était très audacieuse et à leur contact, j’ai appris pleins de choses ». De telles références musicales ne peuvent forger qu’un style bien particulier. Cependant Bertrand Belin ne se colle pas encore à l’écriture préférant poursuivre l’expérience unique de la scène en compagnie pour le chanteur français Néry qui « s’était illustré avec les VRP » puis devient le guitariste de Bénabar.
Le poète du presque
Cependant l’envie d’avoir des sensations nouvelles titille le garçon. Bertrand Belin en profite pour parfaire sa culture littéraire et dévore les classiques pour mieux apprécier les lectures de Raymond Roussel, Alfred Jarry, et les grands auteurs de la littérature américaine : William Burroughs, Bukowsky, Miller, Hemingway, Salinger... C’est ainsi que Bertrand Belin s’attache à l’écriture de ces textes en développant un style singulier : « ce qui m’intéresse, c’est l’empreinte du sens plutôt que le sens absolu lui-même. J’aime les évocations, j’aime décrire l’endroit où se déroule la scène et l’atmosphère qui y règne sans parler der personnages et de la scène elle-même. Je lis beaucoup de poésie et je m’intéresse particulièrement à Philippe Jaccottet qui se présente comme le poète du presque. Ce n’est pas un observateur christaliseur des choses telles qui les voit, il ne fait que donner des pistes. C’est ce qui m’intéresse dans l’écriture. » L’on ressent cette impression à l’écoute de ses chansons un peu bohèmes, ou mélancoliquement s’égrènent de petites historiettes tels sur Porto : « Voici ma demande en mariage / me dirais tu seulement peut-être / ce serait le plus doux des peut-être / j’attendrai à tes abords que tu sois prête. »
Sur scène le poète devient un crooner puissant qui n’hésite pas à empoigner sa Gretsch rouge en contraste distingué avec son groupe de cordes, le piano et une batterie fermement tenue.
Pascal Couffin
Bloc-Notes
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