
MUSIQUE
Frà nçois & the Atlas Moutains : au sommet de l’Antipode
Frà nçois and the Atlas Mountains vient de publier « Piano Ombre  », le successeur de l’album acclamé en 2011, « E volo love  ». Naviguant toujours entre la classe de la chanson française, les rythmes rapportés de leurs séjours africains et la pop lumineuse, il est temps pour les quatre garçons emmenés par Frà nçois de Saintes d’embarquer pour une grande tournée qui fait escale à l’Antipode de Rennes en ce 18 avril 2014.
Le public est d’emblée invité à pénétrer dans la forêt : le rideau gris à l’arrière de la scène est paré d’ombres, de troncs et de branches qui s’enchevêtrent, tantôt empreintes du sceau rouge de la pochette de l’album, tel un soleil qui embrase le décor, tantôt teintées de l’atmosphère inquiétante du conte de fées. Dans cette clairière investie par le groupe, un bric-à-brac d’instruments en bois venus d’Afrique comme des synthés et des guitares, attendent leur propriétaires, reliés électriquement par des câbles recouverts de feutre, comme autant de lianes dont les acolytes se serviront comme des conducteurs d’énergie positive, comme autant de cordées pour ensemble gravir des sommets.
Bien entouré
Dès l’entame du set par la très anglophone Fancy Foresight, le public est happé par cet univers travaillé avec soin bien que plein de fraîcheur : sur les passages électroniques de la chanson, les cinq acolytes nous prennent par surprise en se mettant à tourner sur eux-mêmes et à sauter de concert dans une ritournelle entraînante et attendrissante. Frànçois, au clavier et au chant de premier plan, fait résonner son timbre toujours sur le fil, maniéré, tandis que les Atlas Mountains - Amaury, Pierre, Gerard et Jean - entonnent leurs chœurs angéliques. Ces quatre-là ne sont en aucun cas des pièces rapportées, eux qui sont les arrangeurs - voire les compositeurs dans certains cas - de l’album Piano Ombre, eux qui mènent de front des projets parallèles féconds et singuliers tels que Jaune, Babe, Archipel ou Petit Fantôme, ils constituent les contrepoints physiques et harmoniques du compositeur en titre.
Flamboyant
En deuxième position, Bien sûr, le morceau enlevé qui clôt ce nouvel opus, envahit la salle d’une puissance sonore absente sur disque, dans un final resplendissant, qui donne le ton de ce set flamboyant.
En deuxième position, Bien sûr, le morceau enlevé qui clôt ce nouvel opus, envahit la salle d'une puissance sonore absente sur disque, dans un final resplendissant, qui donne le ton de ce set flamboyant
Le batteur Jean se lève alors pour caresser percussions et carillons qui dressent le décor solennel de Bois, fable en boucle sur la peur d’être abandonné, celle de souffrir aussi : « Heureusement qu’il y a la musique magique, l’amour a déçu », répète Frànçois, dont le piano et la force de la composition l’ont sauvé d’une mauvaise passe peu avant l’enregistrement de Piano Ombre. Avant de saisir une trompette pour terminer en transe cette incantation dans le clair-obscur semé d’éclairs de la scène.
Il n’y aura dans cette set-list que peu de place pour la langueur de la magnifique Fille aux cheveux de soie ou le mid-tempo de Réveil Inconnu, écartés au profit du titre éponyme dans lequel Frànçois sonde de son regard perçant les premiers rangs. Le chanteur est peu loquace au cours de ce concert, regrettant seulement ne pas avoir trouvé le disque Auguri de Dominique À au Leclerc de Rennes, tandis que le guitariste Pierre Loustaunau (alias Petit Fantôme) loue un public rennais toujours bien éduqué devant l’ambiance un peu policée du début de set.
Élan collectif
Le club des cinq préfère repartir de plus belle dans une sarabande agitée : Jean Thévenin bondit sur ses fûts, Amaury Ranger (dont le bermuda laisse entrevoir un genou « mercurochromé ») secoue sa jambe équipée de maracas en s’acharnant sur sa basse - quand il ne frappe pas ses percussions - tandis que l’Ecossais Gerard Black insuffle un peu de bleu à l’âme dans des lignes de synthé oniriques sur l’exotique Summer of a heart. Pour le single survolté La vérité, le sautillant et africanisant inédit Dessine ou l’incandescente chorale de The way to the forest, les gars reprennent leurs chorégraphies gracieusement synchronisées qui nous collent à tous le sourire, le groupe ressemblant à ces danseurs contemporains qui nous emmènent dans un élan collectif un peu bancal, les regards complices et la joie de vivre en plus.
les gars reprennent leurs chorégraphies gracieusement synchronisées qui nous collent à tous le sourire, le groupe ressemblant à ces danseurs contemporains qui nous emmènent dans un élan collectif un peu bancal, les regards complices et la joie de vivre en plus
Quand les premiers vers poétiques de La vie dure emplissent l’Antipode (« Mais quand l’azur relâche ses premières étoiles / Même un croissant de lune, je revois la plage où déambulait ma brune / Perdue par le plaisir consommé dans les dunes »), Frànçois décide d’investir en rampant la fosse sous le regard amusé de tous pour entonner sa réflexion sur la vie d’artiste en tournée : « Considères-tu qu’il faille perdre de vue tout ce que nous fûmes en visant vers le luxe ? Considères-tu qu’il faille travailler plus, mener la vie dure à ceux que tu aimes le plus ? »
Atteindre des sommets
Les titres de Piano Ombre prennent le pas sur d’anciennes amours : ce n’est qu’à la fin du set que Frànçois et ses acolytes revisitent La piscine, Slow Love puis le tube Les plus beaux, avant de nous perdre quelque peu dans une version trans-expérimentale de Be Water (Je suis de l’eau) aux basses puissantes. Mais c’est sans doute le risque à prendre pour un groupe qui ose se présenter à nu, dans une connivence non feinte, état second de béatitude qui leur fait tutoyer les sommets.
Ce qui n’empêchera nullement les cinq copains de venir tutoyer longuement le public en attente d’un mot bienveillant et d’une gribouille de l’artiste. On gardera en tête l’image de Frànçois, yeux félins et voix traînante, on ne peut plus disponible après l’énergie laissée sur scène. Il est là, assis par terre, entouré de ses piles de vinyles, tel un vendeur ambulant, du rêve encore plein les cartons.
Sandrine Lesage
Crédit photo : Rachel Rouet
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