Au cœur de notre époque
Cuore, un opéra contemporain
Cuore, le livre culte de plusieurs générations de petits italiens, trouve une juste et moderne transposition dans un opéra de chambre contemporain conçu par la librettiste Caroline Gautier et le jeune compositeur italien Carlo Carcano.
Cet opéra de chambre conçu par la metteur en scène et librettiste Caroline Gautier et le jeune compositeur padouan Carlo Carcano reprend un livre culte en Italie : Cuore ou le livre cœur, un best seller de la littérature enfantine italienne. Traversant les saisons, ce journal d’un écolier de Turin restitue le quotidien d’une école de la fin du 19ème siècle. Ecrit par Edmondo de Amicis une génération après les guerres de l’Unité italienne, Cuore exalte l’école pour tous qui se révèle être un puissant facteur d’unification entre les provinces dispersées et réunit des classes sociales que tout opposent. Les vertus de l’enseignement y sont prônées et l’école est célébrée comme un véritable lieu d’apprentissage de la vie. Le compositeur Carlo Carcano admet que « c’est un livre aimé, détesté car plein de rhétoriques, il faut plutôt le replacer dans le contexte historique. C’est la première fois que l’école était obligatoire pour tout le monde. C’était un lieu où l’Italie pouvait exprimer cette unification et où toutes les classes sociales se retrouvaient. »
Cette classe est composée d’enfants issus d’origines sociales différentes. Ce trait a particulièrement plu à Carlo Carcano : « on a beaucoup d’opéras avec des chœurs d’enfants mais à ma connaissance, il n’y a pas d’opéra qui donne une aussi haute importance aux enfants en tant que solistes ou chœurs. » Pour cette création d’un opéra contemporain, Angers Nantes Opéra a fait appel à la Maîtrise des Pays de la Loire. Le travail avec les enfants a été d’une riche intensité : « le chœur d’enfant m’intéressait car c’est une voix fragile et puissante en même temps. [...] C’est la voix d’un enfant qui amène tout un univers fait d’innocence, de cruauté, de jeux, de violence, de curiosité et j’étais intéressé d’utiliser toute la palette expressive de cette voix. » Les adultes accompagnant les élèves sont les institutrices et le directeur de l’école, l’appariteur ou les ouvriers du cours du soir. Esquissés par la metteur en scène Caroline Gautier, ces portraits sont empruntés à d’autres livres de l’auteur de Cuore. Pluralité des timbres vocaux et de langues, Caroline Gautier a « désiré conserver certains passages en italien, la langue fonctionnant alors comme décor sonore ».
Improvisation
Planté au milieu de la scène, l’arbre symbolise les quatre saisons qui correspondent aux quatre actes : « j’ai ainsi décidé de leur donner une couleur instrumentale différente ». L’orchestre est composé de sept instruments : violon, contrebasse, clarinette, trombone, puis de manière plus insolite on note la présence bienvenue d’un accordéon et d’une guitare électrique. « Ces instruments jouent des parties improvisées dans mon opéra. Je voulais amener une énergie particulière que seule l’improvisation peut amener. La guitare et l’accordéon improvisent à chaque fois sur des données précises. Je donne aux instrumentistes des points de repères émotionnels qui se matérialisent par des mots ou une description métaphorique de ce que j’aimerais entendre. » Pour Carlo Carcano, ce n’est pas une opération intellectuelle de mêler les genres : « cela vient tout naturellement, j’ai grandi en écoutant du rock, de la pop et en même temps j’ai étudié la musique classique ». On retrouve sur scène la présence inédite des musiciens. Le percussionniste, placé à proximité du public sur une petite scène, utilise aussi des instruments objets, tels des tessons de bouteilles, des cartons déchirés... Les autres musiciens parfois visibles ou dissimulés jouent les rôles des parents ou des ouvriers du cours du soir. Ainsi Philippe Nahon, directeur musical de l’ensemble Ars Nova, campe le rôle de Don Celzani, l’appariteur.
L’écoute de l’ensemble instrumental ne déplairait pas aux amateurs de musiques post rock ou expérimentales tant les compositions de Carlo Carcano s’en approchent. Cuore est une brillante synthèse de l’utilisation des instruments classiques avec les expérimentations de notre époque. La narration de cet opéra contemporain emprunte également ces mêmes chemins. La scénographie très léchée avec un subtil dosage des lumières effleurant les décors souligne à merveille les quatre saisons du journal de l’écolier italien de la fin du 19ème siècle.
Pascal Couffin
Bloc-Notes
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