Cap-oral : hip-hop partageur
Le concert des 30 ans pour la Marche pour l’Egalité et contre le Racisme s’est déroulé le vendredi 27 novembre à Stereolux, organisé par le CID (Centre Interculturel de Documentation) pour clôturer une semaine de débats et conférences. Rencontre avec Cap-Oral, rappeur nantais, qui en a assuré la première partie.
Cap-Oral est un rappeur nantais de 28 ans. « Mon style se situe entre le rap et le reggae, ce qui lui donne une signature particulière. » Sa maîtrise de l’écriture et son aisance scénique font de lui un artiste que l’on prend plaisir à voir et à écouter. On pense notamment à la scène ouverte de Takataka Takataka Poésie Fuchaaaaa, animée par Nina Kibuanda, poète slameur, qui se déroulait une fois par mois à l’Altercafé. « J’aime la scène, c’est un lieu d’échange et de partage avec les gens. (...) J’écris sur les travers d’un monde qui ne tourne pas très rond sans pour autant me classifier dans une catégorie de rap, je laisse le public libre de décider. »
Né à Haïti, Cap-Oral est arrivé 1988 à Angers. Il écrit ses premiers textes à 12 ans avec son pote Wisda : « J’ai été pris de passion par la vague du hip-hop très rapidement. » À cette époque, il se voyait « comme un personnage de jeu vidéo armé de tous ses pouvoirs pour avancer dans la vie. » Cette envie d’expression lui permettait, selon lui, de prendre conscience de sa propre force. Ses rencontres et l’écriture de textes s’enchaînent. Sa rencontre au lycée avec son ami Bamari qui « était plus grand, plus noir, meilleur rappeur et plus cultivé » a beaucoup influencé l’artiste. C’est lors d’un festival, que le groupe Kanjar’Ocde entend parler des performances du jeune rappeur et le propulse sur scène, alors qu’il a seulement 15 ans. Il en gardera un souvenir mémorable et intense. Cap-Oral préfère « continuer à forger ses armes et attendre avant de signer avec un label. »
J'ai vu que c'était une marche pacifique, un mouvement positif, non violent, mais que pour se faire, il a fallu se faire violence ; et il y a un paradoxe à cela
Arrivé en 2003 à Nantes, Cap-Oral découvre toute la dimension historique de la ville et le lien qui la lie à Haïti par les actions associatives de la communauté haïtienne, lui qui ne connaissait son pays d’origine qu’à travers les livres d’histoire. C’est à Nantes, point de départ du commerce triangulaire, qu’on chargeait les bateaux pour les échanger contre des esclaves, d’Afrique jusqu’en Haïti. « Je prends conscience du poids de l’Histoire du passé du commerce triangulaire, je trouve mon identité à travers cette ville même si je sais que cela ne fera pas de moi un Breton, mais je me sens Nantais à part entière. »
C’est lors d’une scène à l’apéro-slam Culture pour tous, animé par Nina Kibuanda à Insula en octobre, que le CID l’invite pour fêter les 30 ans de la marche pour l’égalité et contre le Racisme. Mais ne connaissant pas cet événement, il se renseigne de son côté, et découvre que « 83% des moins de 30 ans ne connaissent pas la marche pour l’égalité et contre le Racisme » qui a vu le jour en 1983 de Marseille à Paris, suite à de nombreux faits divers à caractère raciste. « j’ai vu que c’était une marche pacifique, un mouvement positif, non violent, mais que pour ce faire, il a fallut se faire violence ; et il y a un paradoxe à cela. »
Rappelons que le rap a 30 ans, l’un des piliers du mouvement hip-hop - avec le djing, la danse et le graffiti - s’est imposé comme un style majeur du paysage musical français. Cap-Oral se sent « doublement honoré de l’invitation à monter sur scène, je suis fier de mon identité et de mes valeurs. »
La marche à Stereolux
Et pour cause. Sur scène, l’émotion est palpable. Par son jeu de scène bien maîtrisé, le jeune artiste en véritable maître de cérémonie a démontré tout son talent par une aisance scénique qui fait de lui un réel atout pour la scène hip-hop nantaise à venir selon JM d’Alkamy (Rappeur) et Nina Kibuanda « j’aime chanter et faire participer le public. La scène, c’est tout pour moi », un lieu où il peut célébrer son fils et s’exprimer sur les injustices, les galères d’un jeune homme dans une époque où rien n’est acquis mais tout est à construire et pour cela il faut avancer tout en laissant de côté ses peurs.
Malgré la banalisation du racisme et des injustices qui se sont installées avec le temps, Cap-Oral est là aussi pour exprimer ses valeurs humanistes en valorisant les actions collectives. Juste avant de monter sur scène, il nous déclare, humblement, « que le temps passe mais l’identité reste, et ne fermons pas les yeux face aux injustices, aussi petites soient-elles ! » Il est conscient qu’en tant qu’artiste engagé « l’art se doit de divertir mais il est là aussi, et surtout, pour avertir. »
Nina Dia
Crédits photos : Eric Morse et Ladislass
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