NOUVEAU LIEU
L’Embarcadère : la nouvelle librairie indépendante de Saint-Nazaire
Retour sur la fermeture de la librairie indépendante Voix au chapitre et rencontre avec Agathe Mallaisé et Sarah Trichet-Allaire, membres de l’association à l’origine du projet de création de l’Embarcadère, qui ouvrira prochainement ses portes.
À l’origine il y a Voix au chapitre, la librairie indépendante nazairienne créée et dirigée par Gérard Lambert, l’homme aux bacchantes qui aurait inspiré la fameuse chanson de Renaud. Un personnage donc, autant dire un mythe local qui fidélise une clientèle de passionnés et en intimide une autre moins élitiste.
L’origine : le port d’attache
Ce n’est qu’après ses études nantaises que la nazairienne d’origine, Agathe Mallaisé, revient au bercail et fréquente la librairie les jours de marché, s’attachant au lieu et à son capitaine. Lentement, la viabilité commerciale périclite et Sarah Trichet-Allaire, collègue d’Agathe, ne croit tout d’abord pas au naufrage : « Quand il avait dit début 2012 que ça allait fermer je n’y croyais pas, il y avait déjà eu des appels au secours, il y avait eu des bons cadeaux, je me suis dit il va s’en sortir encore une fois et puis non, ça n’était plus possible, il n’y avait plus de trésorerie, il ne pouvait pas acheter de nouveautés donc ça a été la liquidation judiciaire en septembre. » La perspective d’une fermeture définitive lui parait impossible, une injustice infligée à la liberté de lire, son caractère engagé frémit « La réalité de la fermeture a été un sacré choc pour beaucoup de monde, cela faisait plus de 20 ans qu’il était sur St Nazaire. »
La perspective d’une fermeture définitive lui parait impossible, une injustice infligée à la liberté de lire, son caractère engagé frémit
Une association de soutien est alors créée et annonce sa collégialité en s’affichant au pluriel : Des voix au chapitre. Le but est clairement de « faire une association qui permettait de réfléchir à la création d’une librairie ».
Repenser le lieu, réviser les possibles, ouvrir à la participation : l’itinéraire
De fil en aiguille et sa situation personnelle le lui permettant, Agathe imagine reprendre la barre « j’étais pas du tout dans le milieu littéraire, je viens de l’informatique, c’était un moment où je cherchais un changement dans mon milieu professionnel. » Elle s’intéresse alors aux moyens de faire perdurer une librairie indépendante à Saint-Nazaire, qui n’en possédait qu’une seule jusqu’alors, repense le lieu dans la communauté, invite l’idée de collectivité « il y avait cette idée de trouver un autre schéma pour que la librairie marche (…), un autre modèle économique, l’économie sociale et solidaire peut être une réponse à un secteur qui est difficile, le secteur de la librairie (…), je crois à la force du collectif qui fait marcher les choses. »
Plusieurs projets sont abandonnés en chemin face à la réalité du marché, dont celui d’une librairie associative à cause notamment de « problèmes de crédibilité par rapport aux autres partenaires commerciaux » commente Agathe. « Quand je disais “librairie associative” les gens pensaient “librairie amateur” ». Ensuite « a émergé l’idée d’un statut coopératif » sous forme de « SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) avec l’idée d’associer les partenaires culturels de la ville (…) On a choisi une autre voie, c’était long à mettre en place » mais « je trouvais ça cohérent au niveau d’innovation de modèle économique » car « les structures culturelles d’une ville ont un intérêt à avoir une librairie ».
Finalement, c’est le statut d’entreprise qui sera retenu. Les citoyens ont été sollicités à contribuer à cette création via le site participatif Ulule : « on sollicite les nazairiens à s’exprimer au sein de l’entreprise (…) l’idée est de faire en sorte que les nazairiens s’approprient le lieu et que ce soit leur librairie » ajoute Sarah. La création de l’association, l’émulation citoyenne et le soutien de la presse locale auront en effet permis à Agathe de trouver un compagnon de route en la personne de Sarah Trichet-Allaire : « J’en avais entendu parler, je regardais ça d’un peu loin, j’étais dans un parcours de formation pour devenir libraire (…) j’en étais arrivée à la conclusion qu’il fallait être deux, porter un projet toute seule était trop lourd, épuisant, je me suis rapprochée d’eux. »
Ruptures et continuités : l’invitation au voyage
Si l’idée d’Agathe a germé suite à la fermeture de Voix au chapitre et a rencontré la bienveillance de l’ancien libraire, le projet des deux jeunes femmes affiche une identité propre « On arrive à avoir une continuité symbolique via l’association mais nous proposons un autre modèle de librairie qui s’appellera l’Embarcadère (…) Nous avons un projet de librairie généraliste qui ne se veut pas du tout élitiste, pointu (…) Ca a été très cordial quand nous avons rencontré Gérard Lambert. Il est plutôt content qu’il y ait continuité, il verra que nous faisons beaucoup plus de concessions que lui par rapport au fond et par rapport au produit, on aura des jeux, on fera du thé, du café, ce n’est pas quelque chose qu’il a envie de faire, ça ne marchait plus le métier tel qu’il ne concevait avec un fond très élitiste, il y a trop de pression sur les librairies. »
La curiosité, c’est la qualité majeure du libraire.
Chacune apporte son univers, ses goûts qu’elle souhaite encourager. Agathe affirme que « le rayon science fiction fantaisie sera un peu plus développé (…), la science fiction est souvent dénigrée, le mauvais genre, c’est peut être comme cela que nous allons intituler notre rayon, alors qu’il y a de l’extrême qualité. » Pour Sarah « la jeunesse sera très importante, j’aimerais faire un pont entre jeunesse et art graphique (…) j’aimerais bien amener les adultes vers la littérature jeunesse (…). Je viens du milieu littéraire et artistique, j’étais scénographe, tout ce qui est conception de l’espace pour le théâtre ou pour des expositions, dans mon travail graphique j’avais déjà une admiration pour la littérature jeunesse comme Hervé Tullet, je suis attachée à cet univers graphique hyper spontané chez l’enfant que notre société a tendance à casser. » Toutes deux assurent également « s’appliquer à coller à la demande du client. »
En véritable amatrice de science-fiction, Agathe se projette spontanément dans le futur « on a imaginé multiplier les points de vente sur Saint-Nazaire dans différents quartiers et éventuellement proposer une offre de livre sur les plages pendant l’été, des petits romans, des poches qui peuvent se lire facilement. » Et Sarah d’ajouter « on espère évoluer en terme de salariés, favoriser la transmission, avoir un apprenti, des choses comme ça ». En quelques qualificatifs elles définissent leur projet à tour de rôle « Aventure, convivialité, accueil, richesse humaine, découverte » et Sarah offre le dernier « la curiosité, c’est la qualité majeure du libraire. » Bon vent à l’Embarcadère !
Agnès Foissac
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