
Cloud Atlas : le New Age sur un nuage
Cloud Atlas (2013) d’Andy et Lana Wachowski et de Tom Tykwer se présente comme un film SF, mais il comporte en son sein de nombreuses références au New Age.
Le film dénonce toutes les formes d’aliénation et de domination à travers divers âges et époques (que ce soit l’esclavagisme, le sexisme, l’homophobie, le cannibalisme, le proxénétisme ou l’exploitation économique). C’est aussi une forte critique des dérives du libéralisme, apparues au XVIIIe siècle avec le commerce triangulaire. Critique du capitalisme donc, par ces trois cinéastes qui considèrent que le monde actuel court à sa perte, mais qu’il y a encore des points d’espoir grâce à quelques-uns. Le film décrit ainsi six périodes historiques différentes du XIXe au XXIIIe siècle, avec des personnages incarnés par les mêmes acteurs dans différentes époques. Nous retrouverons donc des habitués du box-office comme Hugh Grant, Tom Hanks, Halle Berry, Jim Sturgess, Susan Sarandon ou Jim Broadbent.
Toutes les périodes historiques sont des moments charnières, où les personnages sont enfermés dans leurs conditions sociales ou professionnelles. Ils sauront s’en libérer et affronter un monde qui les oppresse. Cela passe donc par des épreuves initiatiques et des rencontres marquantes (cela va aussi bien du personnage rentrant en maison de retraite, que du martyr de Sonmi-451, une jeune clone coréenne du XXIIIe siècle qui acquiert peu à peu une âme et cherche à libérer les autres clones de leur servitude).
Le film nous décrit ainsi les diverses composantes du mal à travers les époques, mais aussi des moyens de se libérer du joug d’autrui. Heureusement pour l’humanité et les hommes, certains agissent de manière désintéressée pour lutter contre l’oppression (exemple des hommes blancs anti-esclavagistes du XIXe siècle).
Des thématiques New Age récurrentes
Ainsi, avec Cloud Atlas, les Wachowski mettent en scène une fresque métaphysique, avec énigmes philosophiques et messages (parfois) incompréhensibles à décrypter. Des morales profondes du style : « La plus grande leçon de l’Histoire, c’est que l’on ne retient pas de leçon de l’Histoire » ou « le faible est la nourriture dont le fort se nourrit ». Par ce film, les hommes de pouvoir représentent l’adversaire, le prurit de l’humanité qu’il faut donc combattre.
Avec Cloud Atlas, les Wachowski mettent en scène une fresque métaphysique, avec énigmes philosophiques et messages (parfois) incompréhensibles à décrypter
Et comme pour toute philosophie New Age, le changement ça peut être maintenant. Si cela passe d’abord par un changement intérieur des hommes, avec notamment cette maxime du Mahatma Gandhi : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde ». Les divers personnages sont donc confrontés à toute une série d’épreuves initiatiques qui se répètent à travers les siècles, voire se rejoignent. On peut donc voir des thématiques récurrentes à travers les épisodes et les âges : la force de l’amour, la présence inéluctable de la mort, les diverses formes de rédemption ou les possibles de la réincarnation. Et David Mitchell, auteur du roman, le déclare lui-même : « Dans un monde où la réincarnation est possible et dans un film où le passé, le présent et le futur s’enchevêtrent, la mort est juste un nouveau point de passage d’un univers à l’autre ».
Un film à messages
Une infographie pour reprendre les différentes histoires de Cloud Atlas.
Et comme pour les précédents films des Wachowski, on retrouve la thématique de l’élu, héros seul contre tous, personnage messianique symbolisé par les aventures de Sonmi-451, jeune clone se mouvant en 2144 dans la péninsule de Corée sous le joug d’une Corpocratie, qui fait régner une idéologie appelée « l’Unanimité ». Elle saura se rebeller contre cet état de fait, avant d’être exécutée, et déclamera une Oraison de 18 minutes qui expose que "tout est lié, dans le temps comme dans l’espace, que l’on n’est jamais seul, que nos actes résultent de ce qui s’est produit dans le passé et que nos actes changent l’avenir". Elle sera condamnée, puis exécutée mais son message résonnera à travers les siècles.
Ce film est donc une description approfondie des possibles valeurs morales de l’espèce humaine, et de ce fait, sa vocation aussi à sa propre liberté et à son salut. D’où aussi de profondes pesanteurs vers la fin du film, où l’on nous impose des citations interminables et des pensums pseudo-philosophiques : « Quoique tu fasses, cela ne représentera qu’une infime goutte d’eau dans l’océan. Mais qu’est-ce qu’un océan, sinon une quantité infinie de gouttes d’eau . »
L’Élu qui devient guide spirituel
Fondamentalement, ce film reprend ainsi les grands préceptes New Age, à savoir que seuls certains peuvent être sauvés de ces monde décadents et voués à leurs pertes ; généralement des Élus ou des initiés (comme les spectateurs du film ?). Mouvement élitiste qui n’a donc pas un caractère universel, comme la religion chrétienne. Et comme dans le film, les personnages s’agitent dans un monde obscur et sans âme d’où le besoin impérieux d’un guide, d’un maître spirituel qui accompagnera les hommes dans leur rédemption. Guide qui s’accompagne de disciples le plus souvent, chargés d’apporter et de transmettre la bonne parole (comme dans la trilogie Matrix, entre Néo et ses disciples).
Ainsi, ces films dits New Age reprennent, à dessein, de grands principes alternatifs aux religions traditionnelles avec de nouveaux principes de croyance, d’état d’esprit et de rites d’initiation pour un petit nombre. La religion chrétienne, de par son histoire, n’a pas commencé autrement. Il est donc probable que pour bien affermir les messages philosophiques et les rites d’initiation, nous ayons droit à des suites prévues de Cloud Atlas, quoique le film ait été diversement apprécié aux USA (trop ésotérique ?). Pour preuve sa faible rentabilité au box-office par rapport à son budget initial (plus de 100 millions de dollars). Ça coûte cher les messages de vérité.
Dominique Vergnes
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