PORTRAIT
La jolie mélodie de Mélissa Laveaux
Entretien avec la chanteuse folk rock récemment passée par la case Stéréolux dans une soirée consacrée au label No Format !
Mélissa Laveaux a 28 ans. Originaire de Montréal, née de parents haïtiens, elle plaque tout en 2008 pour s’installer à Paris après avoir été repérée par le même label que celui de Gonzales. Coopératif, militant et farouchement indépendant. Ils étaient visiblement faits pour s’entendre.
Périple
« Ils m’ont envoyé un jour un commentaire sur mon MySpace », explique-t-elle. Un stagiaire qui écoutait par hasard sa démo dans les locaux du label « No Format ! » fait se dresser les oreilles de ses collègues. Ce sera le phénomène déclencheur d’un départ sous forme d’exil qui l’oblige à quitter le Canada et sa famille pour rejoindre la France. La séparation familiale s’avère difficile et c’est ce qui a en partie inspiré l’album Dying is a Wild Night. « Ma mère a cru que j’allais me droguer ou me prostituer, car pour mes parents la musique ce n’est pas un vrai métier ». Le titre phare qui a lancé l’album, Postman, raconte justement l’histoire d’une femme qui attend des nouvelles de ses proches, et que le facteur qui passe chaque jour tente de rassurer. « Mes parents avaient une vision très déterminée. Si j’étais partie continuer mes études en Suisse, cela aurait été très différent », s’amuse-t-elle à raconter. « Je pense qu’aujourd’hui, ils sont assez contents pour moi. » Et rassurés, même s’il subsiste encore une part de méfiance. « Tu peux continuer de faire de la musique encore un peu », lui disent-ils. Ça lui passera jusqu’à ce qu’elle rentre un jour dans le droit chemin...
Une femme m’a proposé un jour de me payer cinq euros de l’heure pour faire nounou bilingue. Avant de se raviser en me disant : vous ne m’avez pas l’air très motivée. De toute façon je trouverai bien quelqu’un d’autre pour ce prix-là
Processus d’intégration
Arrivée en 2008 à Paris, Mélissa a appris à connaître la France, ses travers, et surtout ses différences culturelles avec le Canada. « Mon processus d’intégration n’a pas été si difficile que ça », nous rassure-t-elle. « Je me suis forgée une maison avec mes proches que j’ai trouvée ici. » Pour autant, elle reconnaît s’être « mal préparée » et avoir été « très naïve ». « C’est un pays où on se permet de faire des blagues racistes », où l’on se moque aussi de son accent, la manière dont elle parle ou dont elle s’habille. « Je pense qu’à Paris tout le monde souhaite avoir le look que l’on voit dans les derniers magazines à la mode, ça les rend très classiques finalement. » Ces Français toujours un peu arrogants avec les autres, « combien de fois ai-je entendu : madame, en France, ça se passe comme ça... », toujours prompts à se moquer des accents ou de caricaturer, « culturellement au Canada, ça ne se fait pas ». Avant de pouvoir vivre de sa musique, elle a dû trouver au début quelques petits boulots dont du baby-sitting. « Une femme m’a proposé un jour de me payer cinq euros de l’heure pour faire nounou bilingue. Avant de se raviser en me disant : vous ne m’avez pas l’air très motivée. De toute façon, je trouverai bien quelqu’un d’autre pour ce prix-là ». L’exploitation des temps modernes.
À Ottawa, Mélissa Laveaux faisait partie d’une association d’aide et de réinsertion pour des femmes battues ou violées. La chanson Pretty Girls leur rend hommage.
Souvenirs de Nantes
Le 11 avril dernier, Mélissa s’est fait une petite frayeur. La vitre du van qui la conduisait sur Nantes s’est brisée pendant le trajet. « On est arrivés en retard, on était assez stressés du coup. On n’avait pas le même son que d’habitude. Mais finalement ça a été cool de travailler comme ça. Je pense qu’on aurait dû se lâcher plus », raconte-t-elle aujourd’hui. Sur scène, Mélissa Laveaux n’a pourtant pas démérité, offrant un set, certes un peu dans la retenue, mais qui a enthousiasmé la salle. Jusqu’à déclencher une vague de déhanchés dès les premières notes du titre Postman. « J’ai envie de rigoler comme une petite fille », pas mécontente de son petit effet nous confie-t-elle lorsqu’elle assiste à un tel emballement du public. Accompagnée d’un autre guitariste, un clavier, une bassiste, et d’une batteuse rencontrée sur MySpace (décidément), Mélissa Laveaux est arrivée sur scène comme une petite fille pleine d’espièglerie en collants et robe noirs, coiffée de petites oreilles de chat en diamants. Un hommage à Eartha Kitt, « c’est une actrice noire qui m’a marquée dans mon enfance ». Miss Kitt incarna également le rôle de Catwoman dans la série télé Batman à la fin des années 60.
Sur le second album figure un titre chanté en créole, Pie Bwa. Cependant, cela n’en fait pas un concept. Ses deux albums ont été composés et écrits au gré de ses humeurs et de son état d’esprit. Preuve ultime, elle ne conserve qu’un regard anecdotique sur le pays natal de ses parents. « Je n’y ai passé que trois semaines de ma vie, même si à la maison, on était à Haïti et à l’extérieur au Canada. » La musique de Mélissa Laveaux puise ainsi aussi bien dans ses propres racines que dans sa vie quotidienne. Un partage intime de soi avec son public qui découvre une artiste sensible et touchante, emporté par une musique aux essences de folk et de blues et aux paroles liées à la force de frappe du rock pour mieux marquer les esprits. « Toutes mes chansons sont hyper personnelles, y a mon sang dans cet album. »
Jérôme Romain
No Format ! [1]
[1] Le label No Format ! soutient la création loin des codes marketings et des circuits traditionnels du disque. Sous la forme d’un label participatif, chacun peut y souscrire pour un an. En échange de quoi, vous recevez les albums que vous avez contribué à produire, ainsi que les autres projets du label (dvd, livres, etc...), et être invité à des concerts privés, répétitions, rencontres avec les artistes du label, expos, festivals, soirées...
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