HIP HOP GAME CONCEPT
Le show de l’impro
Dans le brouillard. Le public ne savait pas vraiment à quoi s’attendre au Hip-Hop Game Concept à Capellia. Mais les spectateurs se sont vite rendus compte que tout se déroulerait en totale improvisation, des danseurs au présentateur. Pour sa première au festival Hip Opsession, le show a quasiment fait salle comble. Retour sur LA soirée qu’il ne fallait pas manquer.
Imaginons. Vous êtes envoyés sur scène pour danser avec une échelle. Que faites-vous ? Soyons honnêtes, si vous êtes normalement constitué, vous tenterez de l’escalader. Vous sauterez ou quelque chose dans le genre. C’est un exercice auquel a dû se prêter un danseur du Hip-Hop Game Concept. Une échelle pour l’un, un poids pour l’autre, un portant et même du brouillard… Expliquez-moi comment danser avec du brouillard ? Ce spectacle était présent pour la première fois à Hip Opsession. La salle Capellia de La Chapelle-sur-Erdre accueillait le show. Et elle affichait presque complet : environ 950 spectateurs. L’entrée en matière était gérée par Philemon qui tenait ensuite les entractes entre chaque épreuve. Et le rappeur fut excellent faisant le spectacle par son humour et ses morceaux de rap improvisés. Il annonçait les autres acteurs de la soirée à savoir le beatboxer, Shenroc, DJ Emohi et le groupe Red Pompers. Sans oublier Andry à la vidéo « un pilier du Hip-Hop Game Concept », soutient Romuald Brizolier, créateur de l’événement. Philemon laissait place aux quatre équipes de danseurs : La Tête dans les Baskets, la Hip-Hop Game Concept Team, les équipes nantaises des Rookies et des Misfits. Romuald Brizolier intervenait pour expliquer les règles de chaque épreuve. Philemon monopolisait la parole, mais restait surprenant de maîtrise. La débrouille étant le maître mot du spectacle.
Musique au hasard, rythme improvisé
Première épreuve : trois morceaux de 20 secondes. Les équipes envoient le danseur de leur choix. Le danseur doit se créer un style propre à chaque musique. Puis le DJ les passe dans le désordre forçant le danseur à réaliser les mouvements correspondant au style de la chanson. Des musiques plus ou moins dansantes. Du hip-hop à des sons plus rock. Certaines musiques contenaient simplement des bruitages. Des « bips » à répétition poussant les danseurs sur des danses robotisées. Les danseurs s’avéraient tous très bons dans leur improvisation. Twitchy des Rookies avait la faveur du jury et son équipe remportait l’épreuve. La deuxième épreuve se jouait avec les objets. Nifty des Misfits jouait avec l’échelle passant bras et pieds à travers les barreaux. Huaskar des Rookies héritait du portant et remportait l’épreuve. Juste avant Cash, pour la Hip-Hop Game Concept Team, avait gagné le droit de danser avec le brouillard. Il tentait d’attraper la fumée, disparaissait dans le fond puis mimait des gestes de nages. Un salto arrière pour impressionner le public. Puis il simulait un empoisonnement au gaz pour terminer sa danse.
Danser avec un inconnu
La troisième épreuve semblait improbable. Un danseur source, inconnu des équipes présentes, pratiquait son art. Un danseur d’une équipe disposait de 45 secondes pour analyser ses mouvements avant d’être lancé sur la scène. Objectif : rentrer dans la danse de la source. Le danseur des Rookies ouvrait le bal avec Amala Dianor, danseur hip-hop. Simple. Ou plutôt génial. Il parvenait à suivre la source et effectuait des mouvements en totale synchronisation. Bluffant. Pépito, danseur de la Hip-Hop Game Concept Team récoltait Côme Jodet, danseur… de claquettes ! Le spectacle était hilarant. Il s’en sortait parfaitement jouant tel un chat essayant de saisir les pieds du danseur de claquettes. La danseuse de la Tête dans les Baskets devait se coltiner Ben Bankal, jongleur. Mais l’inspiration n’était pas trop là. Puis venait Vanessa Granjon, danseuse de Charleston. Coste, des Misfits, était à son tour lâché sur scène. Il s’imprégnait parfaitement des mouvements de la danseuse et ils finissaient tous deux par swinguer ensemble, sous les applaudissements du public. On se doutait du vainqueur de l’épreuve.
Des singes sur scène
Entracte. Le temps d’installer le plan incliné nécessaire à la quatrième épreuve. Le danseur d’une équipe commence en solo. Il détermine ainsi un thème. Puis ses trois coéquipiers débarquent. Avec le plan incliné, cela donnait lieu à des mouvements particuliers. « On s’est donné une ligne directrice, explique Songa, le danseur des Misfits qui débutait sur le plan incliné. Notre thème c’était l’évolution de l’homme. » Les Misfits imitaient les gestes des singes avant d’évoluer vers des mouvements plus humains. Les Misfits l’emportaient encore. La dernière épreuve était celle du Joker. Chaque équipe disposait de cinq minutes libres. Premiers à passer, les Rookies s’étaient préparés. Impressionnant de synchronisation et de mouvements complexes. En plus d’une bande-son variée les faisant changer de rythme. La Tête dans les Baskets laissait le public perplexe. L’équipe débutait avec des bancs, a capella. Puis la musique arrivait et leur chorégraphie détonnait au milieu des quatre banquettes. Ce fut enfin le tour des Misfits. Un ton au-dessus des Rookies, ils remportaient cette dernière manche. Et par la même occasion, ils sortaient vainqueurs du premier Hip-Hop Game Concept Nantais.
Les Misfits, sans hésiter
Si le public te voit hésiter, ça bloque ce que tu veux transmettre. Il faut te laisser aller
Les Misfits étaient à la recherche d’un nouveau défi. « Ce concept, ça m’était à l’épreuve notre manière de danser, affirme Songa. Un défi freestyle il faut montrer ce que tu as. » Le tout sans s’entraîner beaucoup plus. « Nous ne nous sommes jamais entraînés sur le plan incliné, confie Songa. Le concept c’est : on se débrouille. Après, chacun parle à son tour. Nous avons des codes. Par exemple si je suis en contact avec un autre, il va enchaîner. Il y a la connexion visuelle. Si tu vois qu’un tel fait un mouvement, tu fais le miroir de ses gestes. Enfin, il y a la musicalité. Nous essayons de suivre la musique. » Jamais d’hésitation. C’est le secret des danseurs. « Dès que tu penses à un mouvement, tu le fais, indique Coste. Si le public te voit hésiter, ça bloque ce que tu veux transmettre. Il faut te laisser aller. Sur les claquettes, j’aurais joué sur ce que je sais déjà faire. Et j’ai trouvé Pépito vraiment fort. Il est parvenu à une idée super. Le Charleston je n’en ai jamais fait. Mais le temps que l’on a pour analyser la gestuelle permet déjà de penser à ce qu’on peut faire. »
Un champion de hip-hop
20 ans de hip-hop. Romuald Brizolier, avant de créer son concept, est surtout danseur. Romss, de son surnom, a été champion du monde de danse hip-hop à Las Vegas, en 2009. Puis il a décidé de lancer les jeux de la danse. « Je ne me retrouvais plus dans les battles classiques, explique-t-il. J’ai décidé d’allier spectacle et technique. Et puis, dans ce concept, nous nous amusons, nous cherchons ensemble. Une battle c’est du face-à-face où tu fais ton enchaînement et l’autre doit faire mieux. Là, tu as beau faire trois sauts périlleux, si tu ne lâches pas prise… » L’improvisation, Romuald Brizolier l’a déjà vécue lui-même en école artistique : « On m’a mis face à des contraintes pour développer un personnage, un caractère, une émotion… Le but était de raconter quelque chose avec quelque chose. Le spectacle montre la magie de l’instant. Car nous nous mettons dans des situations d’improvisation que nous ne pourrons pas refaire ailleurs. Parfois, on peut réaliser un mouvement identique sans transmettre la même émotion. » Les danseurs sont briefés avant le spectacle. Ils savent qu’ils devront danser avec quelqu’un d’autre ou bien avec un objet. Sans plus d’information. « Tout le monde veut venir jouer, signale Romss. Les danseurs cherchent la fragilité. » Quand il s’agit de monter sur scène et d’improviser plus moyen de faire marche arrière.
On m’a mis face à des contraintes pour développer un personnage, un caractère, une émotion… Le spectacle montre la magie de l’instant
Présent en 2014
Mettre en avant les régionaux. C’est aussi une valeur importante voulue par Romss : « Ces jeux de la danse servent à croiser des gens de la région. Et inversement. Les jeunes ont pu rencontrer Pépito, vainqueur du premier Hip-Hop Game Concept. Là nous étions en partenariat avec Pick Up. D’ailleurs c’est Nico (Nicolas Réverdito) qui m’a conseillé Philemon. Je le connaissais déjà, mais je n’y avais pas forcément pensé. Du coup c’est devenu une évidence. Je lui ai expliqué le concept et il a sauté les deux pieds dedans. Moi je le cadrais au niveau du timing. Quand il est arrivé, il ne savait même pas ce qui allait se passer. » Romuald Brizolier est toujours sur scène, mais plus en tant que danseur. Un peu rageant de ne pas participer au spectacle. Mais il assure être passé à autre chose : « Quand les gens sortent et nous disent que c’est une tuerie, ça fait plaisir. Et puis ce sont des choses que j’ai déjà pratiquées. Maintenant il faut donner. » Donner oui. Mais pas de prix. Les gagnants obtenaient à la place une aide de Pick Up pour réaliser un projet. Un autre concept de danse improvisée en vue ? Pas sûr. En revanche, la présence l’an prochain du Hip-Hop Game Concept est, elle, déjà garantie.
Yann Clochard
Crédits photos : Patrice Molle
Retrouver des vidéos du Hip Hop Game Concept ici
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