FOCUS
Après-midi écriture avec Casey
Un stylo et du papier. Rien de plus pour participer aux ateliers d’écriture à la Barakason les 25 et 26 février. La rappeuse parisienne Casey animait ces deux journées. Dialogue autour du rap, écriture jusqu’à réciter son texte sur une instrumentale. Plongé au cœur du rap, j’ai testé pour vous les ateliers d’écriture avec Casey.
La Barakason. Elle est dissimulée au milieu d’immeubles. Nous sommes au quartier Château à Rezé. Lundi 25 février. La rappeuse Casey donne des ateliers d’écriture à 14h. Un atelier qui se cale parfaitement pendant Hip Opsession. Casey donnait un concert à la Barakason le vendredi précédent. Bilan : salle comble. « L’année prochaine je reviendrai encore à Hip Opsession si on m’invite, précise Casey. Les concerts à Nantes, à chaque fois que je viens ça se passe bien. » La voilà de retour dans un tout autre contexte avec ces ateliers d’écriture. Une porte blanche marque l’entrée du bâtiment de la Barakason. Tout de suite, Thibaut Krzewina, responsable des actions culturelles, vous accueille. Il indique le lieu de l’atelier de Casey. Il traverse la salle de concert, transformée en salon lorsqu’il n’y a pas de représentation. Sept personnes attendent pour le prochain atelier à 16h. Thibaut Krzewina ouvre une porte violette. Casey apparaît et fait signe de rentrer. On se croirait dans une ancienne classe de maternelle. Il y a un lavabo au fond, vous savez ceux avec la barre de métal sur laquelle est planté un savon. Blouson en jean, survêtement, Casey tire une chaise.
Sexe, drogue et CRS
Je m’assieds. Je sors mon bloc-notes et un stylo. Les autres ont déjà commencé. Je suis en retard de quelques minutes. Ils ont tous écrit deux phrases sur le même rythme. Pour le moment, Casey insiste sur la rythmique, les rimes viendront plus tard. Je gribouille deux phrases. Les rappeurs ciblent souvent certains sujets : violences policières, drogue, sexe et argent. Je décide de rester dans le thème en parlant des affrontements entre civiles et CRS. J’en arrive à une rythmique de 10 pieds. J’ai trouvé mon rythme. Les rimes, c’est du bonus. Maintenant Casey nous demande de poursuivre avec huit lignes. En conservant notre rythme. J’écris donc la suite de mon texte. Je cherche aussi un peu de cohérence dans mes propos. Cependant je ne respecte pas l’exercice : je n’ai que six lignes… Mais j’ai les rimes et j’ai conservé la rythmique. Un point essentiel selon Casey : « Dans le rap tu es obligé d’être groove. Contrairement au slam où tu es a capella. » Maintenant retour à la case départ. Nouveau texte sur un rythme différent. Huit lignes et cette fois les rimes sont exigées. Parlons un peu d’actualité. L’aéroport. En plus là aussi je peux mentionner les CRS.
1 h 30 pour écrire 50 mots
Nous passons tour à tour et lisons nos textes. Casey paraît satisfaite de nos écrits. 16 h et c’est déjà la fin de l’atelier. Casey donne des devoirs. Un texte de 16 mesures à rédiger pour demain. Les huit premières mesures sur un même rythme avec des rimes, puis huit autres sur un rythme plus court. « L’objectif est de donner une accélération », explique Casey. Je sors de la salle. Je m’assieds sur une des chaises disposées dans l’espace de la salle de concert. Je rédige mon texte pour le lendemain. La Barakason est branchée sur Prun’. Le fond sonore hip-hop m’inspire pour mon texte. Sur la rythmique au moins. J’ai la musique de Blacko du groupe Sniper, Trop Vite, en tête. Ça me donne envie de créer une histoire sur un jeune commettant des délits pour vivre. Je parviens à écrire un texte. Entre réflexion et aller-retour au comptoir de la Barakason (des bonbons sont à disposition), j’en termine enfin. 17 h 30. Trente minutes plus tard, l’atelier suivant se termine. Je peux m’entretenir avec Casey sur l’écriture et son rapport avec les ateliers.
Dans le rap tu es obligé d’être groove. Contrairement au slam où tu es a capella
Envie d’imiter
« J’ai écrit mon premier texte à 13 ans », raconte la rappeuse. Baignée dans le rap par un de ses cousins, elle découvre alors le rap français. Puis elle se met à écrire. « Au début j’écrivais par mimétisme, affirme-t-elle. Après tu grandis, les sujets changent et la façon de les traiter également. Mais je n’ai pas fait de bilan entre ma manière d’écrire aujourd’hui et avant. Le kiff ce n’est pas de se regarder en aimant ce qu’on fait. C’est le fait de le faire. » Casey donne des ateliers depuis 10 ans. Quand on lui a demandé d’animer des ateliers, la rappeuse a repoussé l’activité, dans un premier temps. « Je ne m’en sentais pas capable, ni légitime, et je voyais ça comme un enseignement professoral, avoue-t-elle. Je portais un regard distant, méfiant. Et puis je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison. Il n’y a rien d’établi. C’est toi qui décides un peu ce que tu en fais. Dans le fond je n’apprends rien à personne. Je sens surtout que c’est un prétexte pour d’autres gens qui peut-être n’ont pas confiance en eux de se lâcher. Vu que je fais du rap ils se sentent plus légitimes pour se lancer. »
Les ateliers : un lieu d’échange
Les apprentis rappeurs savent déjà tout. « Aux ateliers tu peux apprendre ce qu’est la rime, la mesure, les temps, signale Casey. Mais ça, tu pourrais le savoir n’importe où. Après c’est peut-être plus intéressant en groupe. Ça donne plus de force que d’aller chercher les informations dans un livre ou sur internet. Moi en plus ça me remet en question. Dans le fond, les ateliers tu essayes d’expliquer à d’autres comment toi tu perçois le truc et comment il fonctionne. Alors que personnellement, je ne me suis jamais attardé dessus. » Les ateliers, un bon prétexte pour rencontrer des gens. Et quand elle ne donne pas de concert, Casey vit grâce à ça. « Si ça me permet d’en vivre tant mieux mais sinon je ne sais même pas pourquoi je le fais, confie-t-elle. Simplement parce que j’aime bien en fait. C’est une façon d’échanger sur le rap. En concert, tu n’as pas d’échange. Les ateliers, c’est plus détendu. On discute, chacun s’exprime sur sa vision du rap. Tu crées un rapport sur le long terme que tu n’as pas en concert. » Pour des informations sur son prochain album, il faudra repasser. Pas de date définie. Et la rappeuse n’aime pas parler d’elle. Sauf si cela se justifie. Sans les ateliers, c’était râpé.
Le kiff ce n’est pas de se regarder en aimant ce qu’on fait. C’est le fait de le faire
Polémique sur l’esclavage
Je reviens le lendemain. Maintenant nous allons poser notre texte sur une instru de rap. Mais le travail laisse d’abord place à une longue discussion avec Casey sur l’esclavage. Un sujet dont parle Casey sur plusieurs de ses morceaux de rap. Elle est allée voir le Mémorial de l’abolition de l’esclavage au Quai de la Fosse. « J’ai cru que j’allais péter un plomb, s’exclame-t-elle. Je pensais que c’était un musée. En fait non c’est une promenade où des mecs font leur jogging… Mais à Nantes comme à Bordeaux, qui ont été autrefois des grandes plateformes dans la traite négrière, les mentalités semblent difficiles à changer. » Une heure de discussion intensive. Les participants dénoncent aussi cette non-reconnaissance des faits. Puis Casey branche son baladeur sur une enceinte portable. Elle enclenche le morceau instrumental. Tour à tour nous rappons sur nos écrits. Chacun dicte son texte à sa façon, chantée ou non. C’est déjà la fin. Les gens sortent de la salle. Thibault Krzewina m’explique qu’il y a des ateliers d’écriture tous les deux, trois mois en moyenne. À 20 € les deux séances de deux heures. Le Crachoir, organisé le mercredi 27 février, réunissait d’ailleurs quelques artistes issus des ateliers de l’an dernier.
Yann Clochard
Bloc-Notes
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