
DÉBAT SOLIDARITÉ
Lier écologie et solidarité, pari gagné pour «  la Ressourcerie de l’île  »
Depuis 2008 à Rezé, l’association «  La Ressourcerie de l’île  », anciennement appelée ECOREV, œuvre pour le réemploi, le tri et la réduction des déchets. Mais derrière l’enjeu écologique, on découvre une véritable revalorisation de ces objets destinés à être jetés, et aujourd’hui revendus à moindre prix. Écologie, créativité et solidarité rythment le quotidien des bénévoles et salariés de l’organisme.
Livres, bibelots, vaisselles, vêtements, meubles, jouets... « La Ressourcerie » offre de nombreux trésors à qui prend le temps de jeter un coup d’oeil dans ce grand hangar transformé en boutique. « Ces objets ont tous suivi un cheminement bien précis avant d’être accessibles à la vente », explique Carole Pelluault, chargée de communication de l’association. Ils sont d’abord collectés, soit par des membres de l’association se rendant à la déchetterie, soit grâce aux dons des habitants. Vient ensuite la phase de tri, éliminant les objets trop endommagés ainsi que tous les appareils électroniques. Troisième temps et non des moindres, la valorisation, « une petite réparation, un rafraîchissement, un nettoyage » qui offre une seconde jeunesse à l’objet. Pour sortir de l’image du réemploi classique, certains objets passent par la partie « création », ils prennent alors une dimension plus artistique. On y trouve de la peinture sur tissus, des confections de vêtements, de la création de meubles dans un style plus design, complètement rénovés. Ces articles seront exposés et vendus à un prix supérieur aux autres objets.
C'est un geste écologique solidaire qui arrange tout le monde finalement
Enfin, une mission de sensibilisation est mise en place par les bénévoles et employés, soit à la déchetterie, par la mise à disposition de conseils pratiques, de visites guidées du site, d’animation d’ateliers et de conférences, l’organisation d’événements… « La communication est un outil indispensable, c’est par le biais de tous ces évènements que l’on peut se faire connaître, provoquer une prise de conscience de la part des citoyens. » Un bus a été offert par la TAN, une sorte de magasin ambulant afin de permettre à la Ressourcerie de diffuser ses informations à une échelle plus importante, et également de se rendre dans des quartiers plus difficiles d’accès. « Ce bus, c’est un peu un créateur de lien social, nous explique Carole Pelluault, il va à la rencontre de ceux qui en ont le plus besoin, les précaires, souvent les moins bien informés sur ce type d’organismes solidaires ». Car si la Ressourcerie permet de se loger, de s’habiller à moindre coût, son emplacement nécessite l’utilisation de transports en commun, peu pratique pour ceux qui ne bénéficient pas d’une voiture.
Un geste solidaire et écologique
En 2012, ce sont 409 tonnes d’objets qui ont été collectées pour pouvoir ainsi être réutilisées. L’objectif environnemental semble donc atteint. « On ne se rend pas compte du poids que peuvent peser nos objets. Grâce à la Ressourcerie, on réduit le volume des déchets à incinérer, et donc on évite la consommation de bois et autres matériaux nécessaires pour produire des objets neufs. » Les tonnes d’objets récupérés sont pesées et c’est en fonction du poids de ces déchets que la Ressourcerie acquiert un paiement de la part de Nantes Métropole. En effet, l’association est prestataire de la ville de Nantes puisqu’elle participe à la diminution d’une partie des déchets. L’association offre également des résultats économiques durables puisque les objets et matériaux collectés deviennent des ressources, et leur valorisation permet la création d’emplois puisque aujourd’hui, ce sont 17 salariés et 10 bénévoles qui participent au projet. « C’est un geste écologique solidaire qui arrange tout le monde finalement » se réjouit Carole Pelluault.
Mais, au-delà de l’objectif écologique, il y a une réelle visée sociale, puisque la vente de ces biens d’occasions à prix cassés, permet ainsi aux personnes précaires de se meubler pour peu cher. « En donnant, les gens font à la fois un geste écologique et un geste solidaire. » Canapés à 5 €, meubles massifs à 10 € ou encore assiette à 20 centimes l’unité. Des offres alléchantes défiant toute concurrence, qui séduisent finalement un public assez large, allant d’une classe sociale plus modeste, aux bobos, aux écolos, en passant par les créatifs, les chineurs de brocantes, les familles, les étudiants... Des profils d’acheteurs donc très différents, tout comme celui des donneurs qui sont à la fois des familles, des personnes âgées ou encore des gens dans le besoin. « Il n’y a pas vraiment de profil type du donneur ou de l’acheteur. C’est extrêmement varié. Mais il est vrai que les personnes précaires ne sont pas les plus nombreuses. » En ces temps de crise, la fréquentation de la Ressourcerie s’est vue augmenter ; des classes moyennes qui préfèrent acheter une table presque neuve à moindre coût plutôt qu’en magasin, des étudiants cherchant de quoi se meubler pour peu cher, ou des familles, notamment pour les vêtements d’enfants. « Un body pour nourrisson ne sera porté que quelques semaines par l’enfant, c’est pourquoi les parents choisissent les vêtements d’occasions plutôt que neufs dans cette situation par exemple. » Un véritable cercle écologique et solidaire permettant de trouver des solutions pour dépenser moins durant cette économie de crise.
La récupération, un procédé à la mode
l'association reste pour autant peu connue dans les quartiers populaires, pourtant les plus visés par l'organisme
Mais on peut également penser que la Ressourcerie surfe sur la vague de l’effet de mode du vintage et de l’écologie. Porter le gilet de mamie et récupérer les vieilles chaises de son grand-oncle, c’est tendance ; cultiver soi-même ses légumes et se meubler avec de l’ancien c’est également très bobo. Le concept de la Ressourcerie attire donc un autre profil d’acheteurs qui, plus que dans un but économique, viennent dénicher la perle rare, le pull « hipster » à la mode, l’accessoire un peu vieillot qui fera la différence. « Mais si leur démarche est différente, ils participent néanmoins à l’économie de l’association tout en faisant un geste environnemental, et c’est là le plus important », souligne Carole Pelluault. Si la Ressourcerie voit le nombre de ses visites augmenter, l’association reste gagne à être connue dans certains quartiers populaires, pourtant les plus visés par l’organisme. En effet, sur 22 personnes interrogées à Bellevue lors d’un micro-trottoir, personne ne connaissait la Ressourcerie (ni Ecorev), et la moitié ont évoqué Emmaüs comme association de récupération de meubles. Aussi, en cherchant sur le moteur de recherche Google, on s’aperçoit que l’organisme est mal référencé puisqu’en tapant « revente de meubles Nantes » ou « se meubler pas cher Nantes », la Ressourcerie n’apparaît pas. Si le bus offert par la TAN permet à l’association d’aller à la rencontre de ceux qui en ont le plus besoin, la boutique de Rezé reste difficile d’accès pour les personnes précaires, et ramener un meuble chez soi nécessite l’emprunt d’un camion ou d’une voiture ce qui engendre de nouveaux frais. Car si l’association se déplace à domicile pour récupérer les meubles difficilement transportables, elle n’offre pas de service de livraison. « On garde les meubles achetés en réserve plusieurs jours le temps que les personnes s’organisent pour trouver un moyen de transport », explique la chargée de communication.
« La Ressourcerie de l’île » semble avoir trouvé l’équilibre entre écologie et solidarité, permettant aux personnes de se meubler et s’habiller à moindre coût. Malgré tout, l’association reste difficile d’accès pour les personnes précaires et mal connue dans certains quartiers populaires, les personnes les plus concernées ne semblent malheureusement pas être les plus informées au sujet des organismes de solidarité.
Camille Moreau
Photos : Bérénice Kesteloot
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