
DÉBAT SOLIDARITÉS
La solidarité : un contrat à durée indéterminée
Quand exercer son métier est vu comme une évidence, difficile d’admettre qu’il faille se retirer de la vie active. Pour quatre infirmières retraitées – mais non moins passionnées –, la solidarité internationale est apparue comme la manière idéale afin de poursuivre leur vocation. Par le biais de l’association des Pays de la Loire «  Enfants Réfugiés du Monde  », ces femmes donnent de leur personne pour aider les générations en détresse.
« Être infirmière, c’est un métier pour les autres », affirme Anne-Marie Jamesse, infirmière retraitée. « Une vocation », renchérit-elle. Difficile de se résigner à ne plus venir en aide à son prochain quand vient l’heure de quitter son poste. « On a du mal à noter retraitée quand on remplit des papiers », plaisantent Colette Blais — infirmière – et Christine Blagny — infirmière puéricultrice — , elles aussi à la retraite. Et comme l’explique Suzanne Guillou, infirmière puéricultrice et ex-formatrice, quand on mène une carrière dans la santé ou le social, la retraite n’est pas systématiquement un frein à la poursuite de son activité. C’est donc grâce à une véritable passion pour leur emploi qu’elles se sont retrouvées à mener des missions humanitaires au sein de l’association « Enfants Réfugiés du Monde ». Leur but est de faire ce qu’elles ont toujours fait : aider les autres, mais à l’international cette fois. « Le métier d’infirmière c’est du pain béni, un passeport pour l’humanitaire », résume Colette. Un désir d’activité, mais surtout de soutien et d’accompagnement, a conduit ces quatre (ex)infirmières vers un même engagement.
Des parcours variés pour un projet commun
Le métier d'infirmière c'est du pain béni, un passeport pour l'humanitaire
Cette association humanitaire des Pays de la Loire (ERM) a vu le jour dans les années 1980, en partie à l’initiative de Jean-Noël Dugast – son actuel président – afin de venir en aide bénévolement au peuple réfugié Sahraoui. Un soutien à deux niveaux. D’une part, la création d’une école de formation du personnel de la santé. D’autre part, l’accueil chaque été d’une dizaine d’enfants réfugiés âgés de 10 à 12 ans dans la commune de Rezé. C’est donc en 1992, lors de la création par « Enfants Réfugiés du Monde » d’une école de formation d’infirmières, souhaitée par le ministère de santé Sahraoui, que Colette a fait son premier séjour dans les campements de réfugiés au Sahara. « Une semaine là-bas, j’ai pris une claque phénoménale » raconte-t-elle, « Il faut que je m’investisse là-dedans ». Deux ans plus tard, elle y retourne et est amenée à intervenir auprès d’un campement qui subit de graves inondations. C’est finalement en 1999 qu’elle s’engage officiellement dans l’association. 14 ans plus tard, force est de constater qu’elle n’a pas perdu sa détermination. « Quand on met le pied dedans, c’est foutu », justifie-t-elle. La même année, Anne-Marie, qui a connu l’association grâce à son infirmière cadre – présidente de l’association à l’époque – fait à son tour son entrée chez « Enfants Réfugiés du Monde ». Ces dernières seront rejointes en 2010 par Christine « repartie à la maison avec 25 ans de savoir » et désireuse de le transmettre. Puis Suzanne, en 2011, qui souhaitait consacrer sa retraite à l’humanitaire. Une attirance pour l’international qui réunit ces femmes autour d’un même projet : mener des missions à l’étranger pour former et soutenir du personnel de santé dans les campements des Sahraouis, mais aussi tenter de répondre à une problématique autour de l’enfant qui est liée à sa condition de réfugié. Avec des visites annuelles, elles permettent à des jeunes en formation d’acquérir des savoirs médicaux, grâce à l’enseignement d’un programme élaboré à partir du programme français, adapté selon les besoins des Sahraouis. Un examen final permet d’obtenir un diplôme d’études, la clé pour exercer en tant qu’infirmiers, sages-femmes ou médecins, selon la formation.
La solidarité : un château de sable construit dans le désert
Tu y vas avec ton cœur, dans un esprit de partage. La solidarité se perçoit dans l’attitude
La solidarité est bien présente entre ces infirmières bénévoles et le peuple du désert. Mais ça n’était pas le cas immédiatement. Petit à petit, ces étrangères ont su se faire accepter et effacer la méfiance des Sahraouis, en faisant preuve de patience et de beaucoup de compréhension. Aujourd’hui, réfugiés et infirmières coopèrent main dans la main, pour le plus grand bénéfice de tous. Car il faut le souligner, la solidarité n’est pas à sens unique. Pour ces femmes, la solidarité est un véritable échange, même si le retour n’est pas attendu. « Tu y vas avec ton cœur, dans un esprit de partage. La solidarité se perçoit dans l’attitude. » Ce qu’elles donnent est compensé par « quelque chose que l’on sent. » S’engager dans cette association leur apporte beaucoup en matière de relationnel. « On y va pour s’intéresser à eux, les comprendre, puis en parler, raconter », expliquent-elles. Dans les camps de réfugiés, ces infirmières ont découvert une situation géopolitique difficile et bien différente de la nôtre. Elles ont appris à s’imprégner d’une autre culture afin d’adapter leur métier aux coutumes locales. Une nécessité de respecter des habitudes surprenantes pour les Occidentaux. Par exemple, dans la pédiatrie, les bébés dorment par terre et les valises se posent sur les lits, leur hôpital n’a pas les mesures sanitaires impératives en France, n’est pas approvisionné en eau. « En arrivant, on est choqué. Mais c’est comme ça là-bas. » Malgré ces aides, les infirmières admettent que la situation politique des réfugiés est très décourageante. « Des fois, les élèves aussi nous découragent » dédramatisent-elles. Mais grâce à leur persévérance, les réfugiés ont aujourd’hui et depuis 20 ans, la possibilité de se former aux métiers de la santé et d’améliorer leur accès aux soins. Pas à pas, ces femmes retraitées montrent que par leur vocation et la volonté d’aider les autres générations, une solidarité se crée. Avant l’argent, donner ce que l’on a et ce qu’on sait à l’autre semble être le moteur du soutien.
Aline Porée
Crédits photos : Jean-Noël Dugast
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