Slam et Rap : un combat imaginaire
Slam et hip-hop : une bonne occasion de refaire le monde. Si le rap affiche clairement son appartenance à la culture hip-hop, ce n’est pas le cas du slam. À l’occasion du Slamenco 2013, regard croisés sur ces deux pratiques.
Le son des capuches. C’est le titre d’une chanson du rappeur parisien Seth Gueko. Et ce titre reflète la vision que beaucoup se font des rappeurs. Des hommes à capuches. Des codes vestimentaires propres au monde hip-hop. « Au slam, tous les styles sont admis », signale le slameur Yannick Nédélec. Le slam n’appartiendrait pas à la sphère hip-hop ? Pourtant, rap et slam se ressemblent. Mais si l’on en croit les on-dit, slameurs et rappeurs ne sont pas très copains. Ce qui n’empêche pas certains de passer de l’un à l’autre. Le slameur nantais, Mamat, vient du rap à l’origine. Ce qui ne l’a pas empêché de remporter le championnat de France de slam par équipe en 2011. Et le 15 février dernier, il s’est imposé en finale du Slamenco 2013. « Dans le rap j’ai du mal à me poser sur une instru, indique-t-il. C’est beaucoup plus technique, je n’arrive pas à être aussi sincère. » Il est clair que le slam de Mamat se rapproche d’un style rap. Mais des rappeurs dans le slam, ce n’est pas nouveau. « On est slameur à partir du moment où l’on monte sur scène pour partager ses textes, souligne Alice Ligier, animatrice du Slamenco et slameuse nantaise. J’ai des amis rappeurs qui viennent slamer. Et ils se rendent compte que ce n’est pas si simple. C’est un peu parisien de dire que les mauvais rappeurs font du slam. »
Du rap au slam, pas un drame
Le slam c’est moins dansant. C’est un truc plus cérébral. Et les médias s’occupent des choses qui pètent, qui font du spectacle
Abd al Malik, lui, a décidé de conjuguer les deux. À la fois décrit comme rappeur et slameur, le Parisien s’est fait une place dans le hip-hop français. Le rappeur nantais Kial cite d’ailleurs Abd al Malik comme exemple de rappeur/slameur avant d’ajouter : « Il y a une partie du rap où, à la base, ce sont des poètes de quartiers. Pour moi, tout rappeur a commencé par slamer. Le hip-hop regroupe plusieurs styles : rap, slam, danse, graff… Et il défend certaines valeurs qui incitent à se serrer les coudes. » Abd al Malik, une référence qui revient encore lorsque l’on demande l’avis à Neka de la Muerté, vainqueur régional du tremplin hip-hop Buzz Booster et qui représentera les Pays de la Loire lors de la finale nationale à Marseille, en avril. « J’aime bien Abd al Malik. Pour moi le slam c’est du rap sans la batterie derrière. Il y a moins d’instru, les slameurs se penchent plus sur la poésie. D’ailleurs je lis des poèmes en alexandrins et en quatrains. Personnellement, je suis vraiment amoureux du hip-hop et de son boum-boum tchak. » Un tempo plus simple d’écoute que le slam qui, à l’origine, ne comporte que la voix de l’artiste. Sur cette sous-médiatisation du slam, le beatmaker de Neka, Raf aka V-Real, complète : « Le slam c’est moins dansant. C’est un truc plus cérébral. Et les médias s’occupent des choses qui pètent, qui font du spectacle. » Le TNT ce n’est pas le Zenith, c’est sûr. Il n’empêche, l’ambiance était au rendez-vous pour ce Slamenco 2013.
Slam et quinquagénaire
Spectacle, théâtre : cela peut aussi conduire au slam. Yannick Nédélec, comédien depuis 30 ans, réalise des one-man-shows. Ce conteur de fables est arrivé dans le slam par hasard. « J’étais en tournée et il y avait une scène slam, se rappelle-t-il. Par curiosité j’y suis allé. J’ai trouvé le concept très sympathique. J’ai participé et j’ai gagné. Puis j’ai continué à participer à quelques scènes. En 2011, j’ai obtenu le titre rigolo de champion de France de slam. Rigolo parce que dans le slam, c’est le jury qui décide. Il suffit que vous ne soyez pas à leur goût et ça complique les choses. » Tenant du titre du Slamenco, le Tourangeau n’est pas parvenu en finale. « Ce soir c’était à celui qui crierait le fort, le plus vite, en parlant de chatte » (sic), souriait-il après son élimination. Difficile pour le quinquagénaire de rivaliser avec le débit de l’ancien rappeur Mamat. Car le texte ne suffit pas. « Il faut prendre en compte le tempo, le regard, confie Yannick Nédélec. Certains ont une bonne écriture mais ne mettent pas les textes en valeur. » Le rap est plus technique. Le slam semble donc accessible pour les rappeurs qui souhaitent découvrir cet exercice. Mais la plupart ne s’y intéressent pas. « À Nantes, je connais le slameur Nina Kibuanda, avoue Didoo, rappeur Nantais du groupe La Formule. Je suis allé plusieurs fois voir des scènes slam. Mais l’approche est différente. Le slam c’est a capella. Il ne faut pas écouter du slam comme on écoute du rap. » Ce serait considérer le hard rock comme du métal. Et inversement. Impensable.
Vivre de son art
L’ombre de Grand Corps Malade plane encore sur le slam. Si l’artiste a permis à son art d’être mis en avant il l’a, malgré lui, enfermée dans les clichés. « C’est vrai que c’est le seul slameur que les gens connaissent », reconnaît Alice Ligier. Moi j’aimais bien son premier album. Moins les suivants. On entend souvent : "je n’aime pas Grand Corps Malade, je n’aime pas le slam". » Pour Alice Ligier, cela a facilité son opportunité de vivre du slam. « J’anime des ateliers d’écriture dans les lycées, explique-t-elle. Et je pense que ça plaît aux lycéens. Ce qui est bien c’est que tout le monde a la parole. On a eu des étudiants d’Erasmus qui ont slamé dans d’autres langues. Patricio qui anime des scènes slam à Nantes est d’origine Chilienne. Parfois il slam en Espagnol. » Une ouverture qui s’adresse aussi aux rappeurs. « Je ne fais pas de discrimination entre le slam et le rap, affirme Eupédien, deuxième du Slamenco 2013. Je ne sais pas ce que pensent les rappeurs je n’en connais pas, mais ils sont les bienvenus. » Et inversement. « Je ne suis pas fermé à l’idée de collaborer avec un slameur, déclare Kial. Cela dépend des propositions. » Déjà faut-il qu’il y en ait.
Deux arts de la rime
Dernier venu sur la scène slam, Iokanaan. Troisième du Slamenco pour sa première participation, il a traversé la France. « J’habitais à Grenoble et ça fait un mois que je suis parti sur les routes, raconte le jeune homme. La personne qui m’hébergeait sur Poitiers connaissait Onizuka (ndlr : le coach des slameurs de Poitiers). J’ai pu dire deux de mes slams. Je suis revenu la fois suivante et j’ai terminé premier. Là j’ai appris que c’était la phase qualificative pour le Slamenco. Je ne m’y attendais pas. » Slameur depuis seulement un mois il a côtoyé d’autres genres musicaux. « À la base je suis auteur-compositeur, confie-t-il. Je faisais parti d’un groupe de chanson française. On jouait du métal, rap, rock… J’ai cru comprendre qu’il y avait un genre de conflit entre le rap et le slam qui n’a pas lieu d’être. Ce sont deux styles à part mais qui se retrouvent. Le slam est mis de côté car c’est un art encore décrié. Moi je veux mélanger tous les styles. » L’affrontement entre le slam et le rap est-il le fruit d’une invention pour faire parler ? Visiblement ça marche. Mais ce duel ne semble pas exister. Les artistes choisissent leur style et le revendiquent. Certains rappeurs ont été accueillis par le slam à bras ouverts. Les slameurs, eux, ne se reconnaissent simplement pas dans le rap, plus chanté, plus brutal. Mais la poésie les réunit. Et le rap peut s’enregistrer en studio. Le slam, lui, se vit au micro.
Retrouver une vidéo d’Eupédien, deuxième du Slamenco 2013
Yann Clochard
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