
REPORTAGE
Tunisie : devant la maison, été comme hiver
Vie collective et précarité. Le travail mené pendant la semaine d’ateliers à Dar El Amen visait à faire évoluer la perception de l’espace public et du collectif. Le quartier est à tout le monde. Nous étions sur place une semaine en novembre 2012. Éclairage de ce projet de coopération à l’occasion des deux ans de la révolution tunisienne.
Le projet de coopération entre les associations nantaises et kairouanaises vise à accompagner la mise en place d’une maison des habitants au sein du quartier populaire de Dar El Amen. En partant d’un constat simple côté français : la connaissance de la précarité, de l’éducation populaire et de l’animation. D’un quartier populaire à l’autre en quelque sorte, séparés géographiquement par plus de 1000 kilomètres.
...De l'éco-citoyenneté donc, les mains dans les poubelles
Cette précarité est éprouvante pour les habitants. Le premier exemple visible est le traitement des déchets. Depuis la révolution, il n’y a pas de ramassage. On y jette donc les détritus au centre de la place publique : pour un peu, une chèvre ou un chat s’en chargera. D’un point de vue sanitaire, la situation est relativement mauvaise. En réaction à ce constat, les associations se sont mobilisées une demi-journée pour ramasser, avec les habitants, les déchets de la place ; de l’éco-citoyenneté donc, les mains dans les poubelles. Efficace, cette action portera ses fruits puisque les plus jeunes y trouvent un aspect ludique et valorisant pour le quartier. La municipalité, prévenue par notre intermédiaire sur place de l’action de nettoyage, n’a pu se déplacer ; les agents municipaux ne travaillant pas l’après-midi, personne pour évacuer les pollutions. Pendant que les enfants et les membres des associations ramassaient les déchets, un tractopelle amené par un ami d’un voisin se chargeait de renflouer la place. La scène - contrastée entre le travail manuel et l’imposant engin de chantier - donne à voir la réactivité des habitants dans la solidarité et l’entraide. Un « effet papillon » couplé à de la bonne volonté. Entre citoyens.
Charbon de bois et parpaing creux
Mais la précarité prend d’autres visages. A travers le logement. Ceux de Dar El Amen sont souvent de forme carrée avec un rez-de chaussée. Le toit, en terrasse, permet par la suite d’empiler les étages ; symbole de prospérité ou plus simplement d’élargissement de la famille.
Ces constructions semblent assez récentes. Et la modernité n’est pas ici gage d’efficacité. Un soir, une épaisse fumée de houille émane d’une place connexe. En s’y rendant, nous rencontrons deux femmes. Mère et fille, foulard autour de la bouche. Et pour cause : l’air est difficilement respirable. Elles se retrouvent en fin de journée pour consumer du bois de faible densité et tenter de faire du charbon de bois. Par un enchevêtrement de terre, de bois et d’un feu impétueux, elles obtiennent le précieux charbon ensuite empaqueté dans d’imposants sacs de jute. Ce charbon sert en réalité de chauffage à l’intérieur des maisonnettes de la place. Les nouvelles constructions privilégient un parpaing creux ne conférant pas à la maison une bonne inertie thermique. Les logements ne sont donc jamais à la bonne température : l’hiver, le froid s’engouffre dans la construction et l’été les habitants dorment à même la rue, devant le pas de porte. Cette carence énergétique dans les logements réservés aux plus démunis s’explique d’autant moins que le matériau traditionnel était plus adapté au climat. En attendant, on comble en brûlant du charbon de bois.
Par habitude, à Dar El Amen, on est souvent dehors. L’espace public. Le lieu de vie, d’échange et de rencontre. On y tient le mur, debout, à observer le moindre détail de la vie quotidienne. Les jeunes y jouent au ballon ou se bagarrent gentiment. Les femmes y font parfois la cuisine, en égorgeant le poulet servi le midi. Ce lieu de vie sert aussi à amorcer la relation et faire comprendre quelque chose de simple : si cette place publique n’appartient à personne (et donc personne ne s’en occupe), elle est en réalité à tout le monde. D’où le nettoyage. Un symbole simple, pour encourager la vie collective de ce micro-quartier de Dar El Amen.
Romain Ledroit
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