
FESTIVAL
Univerciné : de la crème anglaise plein l’écran
Le Festival Univerciné saison 2012-2013 poursuit sa programmation avec le cycle du cinéma britannique qui vient de s’achever. Retour sur trois films en compétition dont le film d’ouverture et deux documentaires parmi lesquels le gagnant du Prix du Public.
On s’était quitté avec le Festival du cinéma allemand (à retrouver en cliquant ici) et un film de science-fiction. On ouvre ce Festival du cinéma britannique avec de nouveau un film de science-fiction baptisé, Dimensions, a line, a loop, a tangle of threads. Réalisé par Sloan U’Ren - qui a notamment été directrice artistique sur Batman Begins, rien que ça - Dimensions est surtout un film poétique plein de romantisme. Un véritable conte dont l’histoire se passe dans les années 20. Traumatisé par la mort tragique de celle qu’il aimait lorsqu’ils étaient enfants, Stephen poursuit des études scientifiques qui le conduisent plus tard à expérimenter une machine à remonter le temps avec l’espoir secret de pouvoir corriger ce passé qui le hante. Dans la ville de Jules Verne, ce clin d’oeil sur grand écran a de quoi séduire. Bien loin de la dynamique des films à gros budgets auxquels elle a participé, la réalisatrice filme à contrepied en s’attachant à prendre le temps de raconter cette histoire bouleversante marquée par des plans d’une incroyable beauté.
Dimensions, a line, a loop, a tangle of threads est réalisé par Sloan U'Ren qui a notamment été directrice artistique sur Batman Begins
Un manoir, mais pas de Bruce Wayne
Comme dans Batman, il est aussi question d’un puits dans Dimensions. Ce long boyau de pierre obscur, humide et froid happe sans cesse le spectateur vers ses profondeurs tout comme la douleur infinie qui torture Stephen. Interrogée lors de la soirée d’ouverture du Festival, la réalisatrice a ironisé sur le fait qu’on lui conseillait d’éviter la science-fiction pour un film à petit budget. Malgré l’absence d’effets spéciaux spectaculaires, le film mise en revanche sur des scènes découpées comme un puzzle jusqu’à une reconstitution finale grandiose.
Docu friction
Retour à la réalité avec les documentaires We are Poets et Tempest qui croisent la vie de jeunes britanniques issus des quartiers, et la plupart enfants d’immigrés d’Afrique noire ou du Maghreb. Fortement imprégnés par la télé-réalité, les deux films pourraient largement, si on n’y prenait garde, se confondre avec un télé crochet. Dans We are Poets, qui a obtenu le Prix du Public, on suit l’ascension fulgurante de six adolescents qui partent représenter le Royaume-Uni au concours international Brave New Voices à Washington. La référence anglo-saxonne pour qui pratique le slam. Qu’à cela ne tienne, ne vous y méprenez pas, pas question ici de voir jouer pendant une heure et demie un Grand Con Malade comme nous le connaissons dans l’hexagone. Il est surtout impressionnant de voir la gymnastique artistique et rythmique qui se forme avec la langue de Shakespeare. Shakespeare justement, il en est question avec l’étonnant Tempest. Cette fois-ci, de jeunes Londoniens trouvent dans le théâtre une sorte d’exutoire et une manière de regagner confiance en eux. Touchés par cette pièce où s’entremêlent différents sentiments humains avec notamment un regard critique sur l’esclavage et la colonisation.
De jeunes Londoniens trouvent dans le théâtre une sorte d'exutoire et une manière de regagner confiance en eux
Docu réalité
Que ce soit à travers le théâtre ou le slam, les deux documentaires dressent également l’état des lieux d’une jeunesse britannique qui connaît les mêmes difficultés que ses voisins européens. Le chômage, l’insécurité dans les quartiers, l’échec scolaire, le rejet de la société qui les entoure, du racisme à l’islamophobie. Dans We are Poets, une jeune fille explique que le port du voile est sa façon à elle de considérer le corps comme sacré et qu’il doit par conséquent être non pas caché, mais protégé. Le slam est pour elle aussi l’occasion de défendre sa religion que les médias ont fini par décrire comme intolérante, violente voire l’assimiler à un appel au crime.
S’épanouir avec Shakespeare
Filmé de façon haletante pour maintenir le suspense jusqu’à la finale du concours de slam dans We are Poets, la pièce qui se joue dans Tempest tout au long du documentaire est pour sa part plus déroutante. On finit par s’attacher à ces jeunes que l’on ne perçoit qu’à travers leur rôle et dont on ne découvre la véritable existence que sur la fin. Une déclaration d’amour au plus célèbre auteur britannique qu’on avait fini par abandonner au triste sort de Romeo+Juliette avec Di Caprio. Ces jeunes Londoniens avouent avec enthousiasme qu’ils ont acquis grâce au théâtre des marques de reconnaissance et des valeurs comme le respect des règles en communauté. L’épanouissement que leur procure ce goût pour la littérature, que l’école n’avait pas su leur apprendre, s’accompagne d’une immense fierté de ce qu’ils ont su mettre en œuvre.
Avec ces deux documentaires, il nous est donné une preuve ultime s’il en est que la culture a valeur d’ascenseur social. Prochain cycle Univerciné consacré au cinéma italien du 13 au 17 février prochain.
Jérôme Romain
Bloc-Notes
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