
REPORTAGE
Les noirs désirs de Youssoupha au Stereolux
« Geste Do It », « T’avais jamais entendu de rap français  ». Un coup d’œil aux tshirts des nantais postés sous les nefs des machines de l’île nous laisse deviner que le Geste Tour est de passage à Nantes. Youssoupha pose son mic au Stereolux le temps d’un soir, avec un public aussi « show  » que le MC.
« Le meilleur rappeur de France a un cheveu sur la langue » et s’appelle Youssoupha. Un titre qu’il s’attribue et qu’il mérite si l’on en croit le public et la critique. Un arrêt de son Geste Tour à Nantes pour nous le démontrer. Début du concert. Sur scène, le « geste band » : un batteur, un claviériste, une choriste et son DJ officiel. DJ Myst, qui balance l’instru de 4h37, l’outro de Noir D****, le dernier album de Youssoupha. C’est le moment pour le MC et son backeur S-Pi d’entrer en scène. Le show peut commencer.
Geste Life
Sous les nefs des machines de l’île, un gimmick résonne « T’avais jamais entendu de rap français ! »
Youssoupha, c’est une dizaine de slogans, gimmicks et blazes confondus. Youssoupha, c’est aussi une cinquantaine de morceaux. Tous maîtrisés par le public. Un public hip-hop, qui reprennent tous les 16 du MC originaire de Kinshasa, et gestent avec lui. Gester ? Concept inventé par le crew Bomaye Musik, il en a fait sa marque de fabrique depuis la sortie de son dernier opus. Beaucoup s’entendent pour dire quil s’agit de faire quelque chose avec style, mais est-il vraiment nécessaire de le définir ? A chacun de l’interpréter. Ce qui est sûr, c’est que le public de Youssoupha est prêt à gester. A peine arrivé sur scène, le public est mis à contribution. Sous les Nefs des Machines de l’île, un gimmick résonne « T’avais jamais entendu de rap français ! » Simple slogan égotrip ? Oui, évidemment, c’est un slogan egotrip, une tradition dans le hip-hop. Mais pas seulement. C’est aussi une remise en question permanente pour le lyriciste Bantu. « Jette ton Y en l’air », « On se connaît », « Ce qui ne te tue pas te rend têtu », et j’en passe. Les B-Boys nantais ont bien appris leur leçon, et tous backent en cœur lorsque le MC entame sa phrase. Le fils du célèbre Tabu Ley Rochereau réussit même à lancer une « rumba session » de quelques minutes. Et pour finir la soirée en beauté, quoi de mieux que de laisser le public clôturer le show ? Pour cela, un défi. Chantonner le refrain du morceau On se connait, inédit de la réédition de Noir D****, le plus longtemps possible. Plus de neuf minutes pour le public nantais, avant le salut final de Youssoupha et son « geste band ». Certainement une manière de « dire tout son amour » à ceux qui le soutiennent. Certainement une manière de leur rappeler qu’il ne serait pas là sans eux. Certainement une manière de les remercier.
« Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position ? »
Souvenez-vous. «J'mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d'Eric Zemmour.» Cette punchline lui avait valu une plainte du polémiste pour menace de mort et injure publique
Les gesteurs aiment la polémique et n’hésitent pas à le montrer quand Youss’ entame A force de le dire. Ce morceau qui avait fait polémique en 2009. Ce morceau qui avait projeté le rappeur sur le devant de la scène médiatique. Souvenez-vous. « J’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour. » Cette punchline lui avait valu une plainte du polémiste pour menace de mort et injure publique. Remportée par Zemmour, Youssoupha est condamné à des dommages et intérêts, et sa track censuré. Ce qui donne lieu à un jeu qui amuse bien le public révolté, qui n’hésite pas à brailler « Zemmour, on t’encule » pendant les concerts de Youssoupha, qui leur donne « rendez-vous tout le monde au tribunal. » Finalement, il obtient raison en juin 2012, après avoir fait appel. Plus qu’une simple anecdote, car tous les médias en parlent, et il trouve du soutien, du public mais aussi du milieu hip-hop. Sniper, La Rumeur, etc. Ces piliers du rap game français s’invitent sur la track Menace de mort. Une suite logique pour son live puisqu’il reprend l’affaire Zemmour pour critiquer l’image du rap véhiculée dans les médias. Une punchline à la fin du morceau par chacun des MCs pour dénoncer les plaintes abusives : « Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position ? »
Entre noir désir et rap d’amour
Cet album, acclamé par la critique dès sa sortie, peut être considéré comme l'un des meilleurs albums du rap français
Les rappeurs peuvent remballer leurs chaînes et leurs grills. Véritable lyriciste, Youssoupha revendique faire « du rap d’amour pas du rap de rue » dans son dernier album Noir D****. Sorti en janvier dernier, une réédition avec des morceaux inédits a vu le jour le 15 octobre. Une semaine jour pour jour après cette date nantaise, Youssoupha reçoit un disque de platine pour son album. Cet album, acclamé par la critique dès sa sortie, peut être considéré comme l’un des meilleurs albums du rap français. Mainstream (Dreamin’, Histoires vraies), sombre (La vie est belle, L’enfer c’est les autres), polémique (Menace de mort) , hommage à ses origines (Les disques de mon père, Noir Désir), etc. Le Prim’s parolier maîtrise et met tout le monde d’accord. Lumière sur deux titres. La vie est belle, certainement le morceau le plus puissant de l’album. Prod’ dubstep accompagnée de lyrics critiques sur notre société. Sûrement une définition du noir désir selon Youssoupha. Une sorte d’espoir sans espoir de pouvoir faire évoluer les choses. Un seul regret : l’abandon de cette même prod’ dubstep en live pour quelque chose de plus mélodique. Comme une impression de perdre un peu de la force du morceau. Espérance de vie, track qui clôture les shows du Geste Tour. « Le nombre de mesures de ce texte si t’y penses est juste égale à l’âge moyen de l’espérance de vie en France ». 84 ans pour vivre. 84 mesures pour espérer. Bien loin des considérations démographiques, Youss’ nourrit ses lyrics d’une réflexion sur l’espoir. Amour, travers de la société, Afrique, censure, etc. Autant de thèmes abordés dans son album qui nourrissent Espérance de vie et sa réflexion sur ce que nous laisse espérer.
Flop Booster
Aucun nom à retenir donc de cette soirée Buzz Booster à Stereolux. A l'inverse de la soirée au Ferrailleur qui nous avait réservé de belles surprises
Plus tôt dans la soirée, on assistait à la finale régionale de Buzz Booster. Un tremplin ouvert aux jeunes MCs de la région, pré-sélectionnés chacun dans leur région d’origine. Ce jeudi soir, c’est donc le 44/85, le 49, le 53 et le 72 qui s’affrontent. Néka de la Muerte, un MC vendéen, décroche le titre, pour participer à la finale nationale qui aura lieu à Marseille au printemps prochain. En jeu ? Une tournée dans les plus prestigieux festivals hip-hop français. Une finale régionale bien décevante lorsqu’on a assisté à la finale départementale. Représentant du 44/85, Néka avait remporté une semaine plus tôt la finale départementale au Ferrailleur. Une finale départementale bien plus intéressante que la finale régionale. Aucun nom à retenir donc de cette soirée Buzz Booster à Stereolux. A l’inverse de la soirée au Ferrailleur qui nous avait réservé de belles surprises. Par exemple les cinq MCs de La Formule. Un jeune collectif nantais qui nous offre un show avec une impressionnante démonstration de MPC par le MC beatmaker du groupe. Parmi les concurrents au titre départemental, un autre MC se démarque : Deez. Sur scène avec son backeur et sa DJ, Deez « aka Jimmy Conway », nous offre également une prestation de qualité. Dommage d’avoir un tel niveau en finale départementale, et de faire un flop en finale régionale !
Bérénice Kesteloot
Crédits photo :
Bannière + colonne 1 et 2 : Believe Recordings
Colonne 3 : La Formule au tremplin Buzz Booster par Just44hiphop
Bloc-Notes
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