
FOCUS
Du LU Ã la rue
Forte mobilisation du collectif « un toit pour toutes et tous  » avant la trêve hivernale
Le Lieu Unique est occupé depuis deux semaines par des sans-logis. Cela entraîne un déballage médiatique et un jeu d’acteurs institutionnels bien orchestrés. Toute cette agitation semble être le symptôme d’un problème de fond au niveau local, comme au niveau national.
La tour du Lieu Unique, un symbole de la ville de Nantes. Des banderoles sont suspendues aux escaliers extérieurs du bâtiment principal : « Nous voulons des logements, pas des policiers. » Depuis deux semaines, le premier étage est occupé par des personnes sans logis et des associations regroupées en collectif « un toit pour toutes et tous ». Ils ont choisi ce lieu emblématique pour interpeller l’opinion publique, les médias, et les autorités locales sur la situation dramatique de l’hébergement d’urgence. Cet événement intervient dans un climat de tension dans la métropole Nantaise. Les journaux locaux titrent tous les jours des feuilletons en « ion » : « expulsion », « manifestation », « occupation » mais pas forcément en gnons. Des cars de CRS sont postés devant la préfecture et à chaque coin de rue pendant que 500 gendarmes et policiers sont mobilisés à Notre-Dames-des-Landes pour déloger les opposants au projet d’aéroport.
Un feuilleton médiatique
« On va aller dormir à l’Élysée ! », plaisante Habib, un jeune homme sans-abri, en guise de réconfort à l’un de ses camarades de fortune au LU. Ils sont dans l’attente de l’audience du Tribunal de Nantes quant à la requête de la mairie ordonnant leur expulsion immédiate. Au premier étage, quelques dizaines de personnes sans logement sont installées depuis deux semaines. Soutenues par des associations et rassemblées en un collectif « un toit pour tous et toutes » créé à la fin de l’été. Suite au manque de réponse des autorités locales à leurs appels répétés, ils décident, collectivement, de procéder à cette « réquisition citoyenne ». Pour loger les personnes à la rue et forcer la ville de Nantes à réagir. Le coup médiatique est réussi, la préfecture répond avec des promesses de chiffres relayés par les journaux :« 100 places débloquées », « Le préfet confirme 60 places »... Seulement, au LU, les sans-abris sont toujours là. Quelques personnes ont été relogées mais certaines sont déjà revenues après deux ou trois nuits à l’hôtel. « Je suis à la rue, je n’ai pas de solution », indique Habib par téléphone au samu social. Autour de lui, la musique d’attente du 115 se fait entendre en simultané sur les portables de ses camarades. Cet appel est un rituel, un petit jeu entre eux, dans lequel ils testent le fossé entre les promesses et leur réalité immédiate. « C’est trop bien ici, je ne veux pas que cela se termine » exprime d’un air dépité un autre jeune. L’ambiance entre les gens accueillis est conviviale, sécurisante, on se sent moins seul. Malgré le fait que le lieu soit inadapté à un hébergement collectif, avec les matelas à même le sol, une vraie organisation de la vie quotidienne s’est mise en place. « Chacun a réussi à s’aménager un petit espace à soi. Il y a de l’entraide, on partage le peu qu’on a, les repas, les colis alimentaires » renseigne Habib, « Il y a beaucoup de respect . » L’audience du Tribunal a lieu le lendemain, ils espèrent avoir encore un délai, un répit avant de retourner à leur galère solitaire.
Autour de lui, la musique d'attente du 115 se fait entendre en simultané sur les portables de ses camarades
Réveil difficile. « Rien ne prouve qu’il y ait réellement des sans-logis au Lieu Unique », argumente l’avocat de la ville, Romain Réveau. Le lendemain au Tribunal : « C’est une occupation militante pour des revendications politiques. Si on laisse faire, on finira par dire aux exploitants et salariés du Lieu Unique qu’ils sont au chômage » [1]
En face, l’avocate des occupants, Sylvie Bourjon, tente de rappeler qu’il s’agit de « personnes réelles, à la rue » elle veut obtenir des délais pour leur trouver des solutions. La décision du juge est remise au lendemain. « On va revenir pour la suite du feuilleton » lance une journaliste. Sans plus attendre, un nouveau rebond arrive dans le « feuilleton » : le collectif fait savoir qu’il a réquisitionné le foyer « Gustave Roch » réservé aux plans grand froid. Ouvert 31 nuits l’année dernière [2]. « C’est un lieu d’hébergement, pas comme le LU, la mairie sera obligée de se rendre à l’évidence qu’il y a des bâtiments d’accueil disponibles de suite. Tant que les gens dorment dans la rue sans mourir les autorités ne les ouvrent pas, ça tient du cynisme » explique Michel Rafin, bénévole à une association de solidarité avec les immigrés, le GASPROM. Les médias ainsi qu’une centaine de CRS sont au rendez-vous, l’expulsion est presque immédiate. Retour au LU.
Le symptôme d’un problème de fond
« Nous enregistrons en moyenne 200 à 300 demandes d’hébergement d’urgence pour moins d’une centaine de places disponibles par jour », explique une employée du samu social de Nantes. Le dispositif du 115 déjà saturé, doit faire face à une augmentation des demandes. Ce problème se retrouve au niveau national. Révélé par la fédération des associations d’accueil et de réinsertion, le baromètre du 115 indique que « en septembre 2012, trois personnes sur quatre restent à la rue faute de place. » Un phénomène nouveau, l’afflux des demandes d’hébergement d’urgence de familles. En région parisienne, elles dépassent celles des personnes seules. « Loin devant les cas de SDF isolés, celles-ci représentent en 2012, pour la première fois, plus de la moitié (55 %) des demandes traitées chaque jour par le 115 ».
les 50 millions d'euros promis, divisé par 100 départements de France, ça fait 500 000 Euros... C'est le prix d'une maison à Nantes
La ministre de l’égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot, vient d’annoncer un renforcement du plan hivernal et le déblocage de 50 millions d’euros. « Les associations attendent le plan hivernal annoncé par le gouvernement. Mais si on fait le calcul, les 50 millions d’euros promis, divisé par 100 départements de France, ça fait 500 000 Euros... C’est le prix d’une maison à Nantes », ironise Michel Rafin du GASPROM. D’ailleurs, la moitié des 50 millions sera consacrée à l’Île-de-France. Les associations d’accueil et de réinsertion ont écrit une lettre ouverte au gouvernement faisant part de la grande insuffisance de cette somme face à « l’ampleur de la crise du logement et de l’hébergement qui s’enracine dans notre pays »
Du LU au LU
Retour au LU. Le lendemain, mercredi 24 Octobre, la décision d’expulsion est tombée, la cinquantaine de sans-abris encore réfugiés au LU ont 24h pour quitter les lieux. La justice tranche, le LU ne peut être assimilé à un immeuble d’habitation. Le collectif veut continuer le feuilleton. Ils invitent à une manifestation de soutien, samedi 27 Octobre, à 15h place de Bretagne ainsi qu’une soirée à 20h aux ateliers de Bitche à Nantes. Pour que le droit au logement, inscrit dans la constitution française devienne applicable pour tous.
En parallèle de ce feuilleton, relayé par les médias locaux, celui de l’expulsion des opposants au projet d’aéroport de Notre-Dames-des-Landes, porté au niveau national. La question, non résolue, des sans-logis au LU a été rapidement contrôlée par les autorités.
Geneviève Brillet
Crédits photos :
Bannière et photos : CC BY-NC-SA Geneviève Brillet
[1] Un serveur du LU : « J’ai remarqué aucun incident, la programmation et les concerts se déroulent normalement. Et je ne vois pas de sans abris traîner devant le bâtiment. Si on était pas au courant, on ne saurait même pas qu’il y a des gens qui dorment à l’étage »
[2] Le plan hivernal : chaque année, les Préfets de Région sont chargés de mettre en œuvre le « dispositif de mise à l’abri pendant la période hivernale ». En fonction du déclenchement d’un des trois plans existants, des locaux d’hébergement vides restent à disposition des autorités. Le 1e plan « temps froid » est déclenché à partir de -5C°. Le 2e « temps grand froid » à partir de -10C°, et le 3e « temps froid extrême » pour des conditions climatiques exceptionnelles. [Mais en Loire Atlantique, la température descend rarement en dessous de 5C°[[http://www.nantes-meteo.fr/climattemperature.htm
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