
REPORTAGE
A Paris, on aime vert
Live-report de la seconde édition du We Love Green festival
Dernier événement musical de l’été 2012 (du 14 au 16 septembre), We Love Green montre l’ambition de se démarquer des autres festivals en jouant la carte écolo. Plus qu’une stratégie marketing, le festival a l’authentique ambition de marier rendez-vous musical & citoyen... Presque un impératif ? We Love Green tient en effet lieu dans le prestigieux Parc parisien de Bagatelle, qu’il est nécessaire de préserver des dégâts provoqués par le rassemblement.
Festival tout jeune – il s’agit en 2012 de sa deuxième édition, We Love Green compte bien s’imposer dans la durée comme un événement d’aussi grande ampleur que son voisin Rock en Seine. En 2011 comme en 2012, la programmation affiche à la fois rendez-vous immanquables (et pour la plupart inédits en France sur la période culturelle estivale !) et découvertes plus expérimentales : à l’occasion de la même soirée, la très suave Norah Jones côtoie ainsi à quelques heures près le déhanché déjanté d’Adam Brainbridge (aka Kindness), habillé tout en satin pour ouvrir le vendredi 14 septembre le festival.
Green energy
La programmation affiche à la fois rendez-vous immanquables et découvertes plus expérimentales
Tout est rôdé au millimètre près par le staff, interdisant aux groupes de déborder en temps ne serait-ce que pour répondre au public qui demande un rappel. 1h de concert pour les têtes d’affiche, 40 minutes pour les autres : rien ne pourra y changer. On pourrait trouver cette limite frustrante, mais les groupes contournent cette limite par une énergie débordante. Outre Kindness, tout en sauts, qui envahit la scénographie pour se mêler au public, arborer parapluie & couronnes de fleurs, on retiendra également la performance de Django Django. Sur l’album éponyme, leur rock pouvait en comparaison paraître bien sage, et leurs clips encore timides : même sur l’énergique Default, Vincent Neff (le chanteur de Django Django) semblait mélancolique, le regard dans le vide, comme absent... Rien à voir avec le live ! Les rythmes, déjà dansants, sont encore plus accusés, et Neff paraît comme en transe, communicant avec le public d’une voix tonitruante et habitée. Le groupe étire leurs titres en longueur, leur donnent une tonalité plus electro : on reconnaît l’album, mais la performance live de We Love Green lui donne une autre dimension, que l’on ne peut juger ni meilleure ni « moins bien » (on ne peut dire « pire » devant la qualité de l’album), mais qui est à coup sûr marquante et audacieuse.
Beaucoup plus de monde présent le samedi, car l’on peut sentir que c’est Beirut le groupe le plus attendu du festival : lors de leur concert, on entendra murmurer le titre de chaque chansons que le groupe commence à jouer. Un public venu en masse qui offre une jolie audience à des groupes plus méconnus comme La Femme ou Micachu & The Shapes. L’ambiance monte d’un cran quand Camille monte sur scène, sorte de bête de scène femme-enfant, pour jouer sa pop/folk délurée ; entre chansons énergiques, parodiques et nostalgiques. Exultation quand c’est au tour de Beirut de jouer. Fort d’une nouvelle maturité musicale, le groupe – Zach Condon en tête - affiche un autre style sur scène : plus posé, plus sérieux... en témoigne la nouvelle manière de s’habiller des musiciens ; l’uniforme costume – chemise a remplacé les t-shirts d’antan. Par ailleurs, si Beirut révise l’ensemble de son répertoire musical, peu de chansons issues de Gulag Orkestar seront jouées, si ce n’est la chanson éponyme comme clou acclamé du spectacle. Signe de la volonté de Zach Condon de ne plus « être ce type qui fait de la musique des Balkans pour toujours » [1] ?
De l’écologie à la sauce parisienne ?
We Love Green, ce n’est pas que de la musique ! La scénographie elle-même vaut le détour ; œuvre bénévole d’’artistes et d’étudiants de l’Ecole Camondo qui partagent la même conscience éco-citoyenne. Du bois et de la récup’ forment ainsi l’essentiel du mobilier présent, entièrement recyclable. Espace d’expérimentation, We Love Green est entièrement alimenté en énergie grâce à des panneaux solaires disséminés un peu partout dans le parc. Des efforts écologiques reconnus : si en 2011 We Love Green a été le seul festival français récompensé par l’ONG « A Greener Award Festival », cette année c’est au tour du réseau Yourope de labellisé le festival « Green’n Clean ».
on oublie les traditionnels merguez-frites pour des sandwichs et tartes faits maison.
Rendez-vous citoyen, We Love Green prévoit également des espaces de réflexion et de sensibilisation aux enjeux environnementaux. Présent sur le festival, un tipi « Greenovation » donne la parole aux associations les plus mobilisées sur ces questions (WWF, Emmaüs, GoodPlanet) & offre un public un espace paisible (« l’Académie ») où feuilleter livres et revues. Parmi celles-ci ; Courrier International ou Terra Eco. Un endroit fréquenté et rendu ludique par la présence jeux responsables : on y apprend la composition de différents types de bières, la durée de vie des déchets...
En se promenant sur le domaine, on peut rencontrer quelques curiosités également : un espace SFR où l’on peut recharger la batterie des téléphones portables grâce à l’énergie solaire, un coin enfant (« Green Peas ») dans lequel les jeux fonctionnent grâce à l’énergie créée par nos chers bambins en action ! Et bien sûr, côté nourriture, du bio, du bio et encore du bio : on oublie les traditionnels merguez-frites pour des sandwichs et tartes faits maison.
En somme, un festival exigeant, que l’on pourrait également qualifier d’élitiste : la programmation est certes de qualité, mais à un prix plus élevé que les autres festivals de même envergure (44€ la soirée). L’alimentation est certes biologique, mais basique et bien plus chère que dans le commerce. Le public, quant à lui, paraît essentiellement parisien ; les tracts distribués à l’occasion ne concernent que des événements culturels de Paris et sa périphérie, les – peu nombreuses – voitures n’annoncent pas de provinciaux. Si à We Love Green on aime le vert, l’ambiance reste d’avantage celle d’une soirée branchée (avec tenue correcte exigée) qu’au rassemblement hippie. Mais comme le festival est encore méconnu, on attend l’édition 2013 !
Sophia Galière
Crédits photos :
Kindness par @KidOreo
Beirut par © Yulya Shadrinsky (site de We Love Green, Memories Day 2)
[1] Voire chronique de l’album The Rip Tide par Les Inrockuptibles - Octobre 2011 : http://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/beirut-radieux-et-apaise/2/
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