
PORTRAIT
Colin Stetson : orage mécanique
Colin Stetson a réveillé une nuit de la Route du Rock qui partait dans les hypnotiques nuages de Mazzy Star. Un aller simple bruitiste et urgent, envoyé de force et avec grâce à un public de curieux.
Dire que l’on attendait Colin Stetson, c’est peu dire. L’homme a de quoi intriguer : le dernier album, New history warfare vol.2 : judges édité chez Constellation a renversé bon nombre de critiques, à commencer par un magnifique concert à emporter de la Blogothèque, une chronique inspirée de Said the Gramophone. Dans un coin, il jouait au Transmusicales de Rennes pour surprendre d’un coup d’un seul le public entre deux scènes. A croire qu’il tire quand on l’attend le moins, Stetson.
Six-coups
Voilà maintenant deux jours que nous attendions l’homme, programmé le dimanche soir de la Route du Rock édition 2012. Devant la scène, des curieux, et sûrement bon nombre de fans déjà convaincus. Il faut dire que Colin Stetson, canadien, est devenu en quelques mois de plus en plus présent dans les discussions. L’album, on en ressort pas vraiment indemne : une déflagration sans détour, des paysages déserts et mécaniques. Le souffle continu, un vrombissement tout en muscles feint le râle, au bord de l’asphyxie. L’artiste joue de plusieurs saxophones, dont un basse, qui a l’air d’une véloce sculpture steampunk entre ses mains. Le souffle continu lui permet d’exécuter des morceaux instrumentaux dépassant les dix minutes. Il utilise une de ses mains pour frapper le rythme avec les capots bas du saxophone. Pourtant, à l’entendre, on pourrait croire qu’il multiplie les effets à l’aide de pédales. Il n’en est rien, et il le revendique : « recorded with no overdubs or looping, with 24 different mic positions » est même précisé sur son site, qui propose d’acheter l’album. Là, on tient quelque chose. Comme un athlète sans dopage, il revendique la performance brute et physique, sans facilité ni faux-semblant.
Le souffle continu, un vrombissement tout en muscles feint le râle, au bord de l'asphyxie
L’exemple fut donné lors de son concert. Malgré une grippe carabinée, Stetson tranche en quelques souffles le Fort de Saint-Père. Le public, pendu aux lèvres du musicien, a de quoi être décontenancé. En plus d’un bourdon grave et virevoltant, le souffle continu lui permet de chanter des bribes de mots, de notes, qui viennent s’ajouter une seconde mélodie. La rythmique frappée sur la carlingue de son saxophone donne un résultat définitivement singulier, sinon étranger à beaucoup de performances live vues dernièrement. Il opine à peine du chef, préfère se balancer d’avant en arrière, pour mieux projeter ses sons. Dès le premier morceau, Judges, le ton est donné. En six coups, Colin Stetson s’en retournera non sans avoir remercié à de maintes reprises le public. Il faudra que le set suivant commence pour que lui s’arrête, exténué.
Adoubé par la presse spécialisée et les prix, Colin Stetson n’en est pas pour autant à son coup d’essai. Son premier album date de 2003. Tout en donnant une dimension particulière au saxophone basse, il a collaboré avec bon nombre d’artistes de la scène indie et rock, dont les Arcade Fire, Feist ou encore Tom Waits. Sur son dernier LP, on retrouve deux collaborations de choix : Laurie Anderson et Shara Worden, de My brightest diamond. Peu ou pas de connexions apparentes entre les deux, mais une même manière de s’immiscer dans l’univers d’un homme musicalement à part, à écouter et bientôt à voir à Nantes en novembre au toujours très bon Pôle Etudiant.
Romain Ledroit
Crédits photos :
Bannière : CC Thomas J Harnett sur Flickr
Colonne : CC Poryorick sur Flickr
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses