
Nouveau lieu culturel à Nantes
Le « 38  » veut contrer la fatalité par la poésie
C’est un lieu improbable. On y trouve des caravanes dotées de conscience, une famille de chercheurs poétiques, et une volonté de réenchanter le quotidien par l’ingéniosité. Tout ça grâce au financement de fondations bien connues pour leur conscience sociale : Vinci et Veolia. Bienvenue au hangar Le 38.
On ne peut pas le louper. A deux pas du Marché d’intérêt national sur l’île de Nantes, un gros écriteau rouge indique le lieu : Le 38. Nous sommes justement au 38 boulevard Gustave-Roch, hangar abandonné depuis 15 ans, squatté par intermittence, et occupé depuis quelques mois par l’association des Badauds associés. Dix-huit personnes au quotidien qui œuvrent pour que la poésie tisse sa toile entre les êtres.
Dix-huit personnes au quotidien qui œuvrent pour que la poésie tisse sa toile entre les êtres
- Guitare
- Les ateliers du 38 ont créé divers caravanes plus folles les unes que les autres.
A l’intérieur : un village. Huit caravanes transformées à l’aide de matériaux de récupération invitent le visiteur à une flânerie presque irréelle. Chaque élément a son caractère propre. Il y a la caravane ludique de la Compagnie Bafodi, un studio mobile doté de micros, de caméras et d’écrans, la caravane-maison faisant office de médiathèque, ou encore une autre surmontée d’un immense manche de guitare. Une caravane-ciné côtoie une caravane-expo : on ne sait plus où donner de l’œil. Au cœur du village, une scène centrale articule tous ces éléments. Sur le côté, un bateau-bar est en train d’être monté... ou démonté, on ne sait plus trop… Car toutes ces caravanes n’en font qu’à leur tête. Et leurs occupants ne sont là que pour leur rendre service.
Le public co-acteur
Fondée en 1993, l’association des Badauds associés a déjà fait parler d’elle sur Nantes, notamment du côté de Malakoff. Ses projets culturels tournent autour des notions de communication participative, de dialogue citoyen, dialogue de proximité. Au 38, l’association, qui travaille avec une quarantaine d’entreprises locales pour récupérer divers matériaux, dispose d’un vaste atelier de construction. Elle y élabore les décors les plus inattendus qui servent à la fois à habiller le lieu et à animer leur spectacle. Car depuis la fin mai, les Badauds associés proposent un spectacle, une à deux fois par mois, au hangar.
« Réveillons-nous, demain est le rêve d’aujourd’hui » est en fait un spectacle en construction qui sera représenté une trentaine de fois d’ici décembre. Le public est non seulement co-acteur, mais aussi co-auteur du projet. A chaque représentation s’ajoutent des éléments qui sont réutilisés, réadaptés. Il y a bien sûr une trame de base, assez simple : les caravanes ont exprimé le souhait de se moderniser, de changer d’allure… Charge au public et aux membres de l’association, de répondre à leur volonté.
« Au-delà du spectacle, explique Gaëtan Bourdin, scénariste du projet, nous voulons faire de ce hangar un creuset, un lieu d’émergence d’idées, sans que nous en contrôlions tous les tenants et les aboutissants. Nous voulons compléter l’écosystème culturel de l’île de Nantes de manière un peu décalée, alternative, sans nous positionner à l’encontre des institutions que sont Stéréolux ou la Fabrique. Ça n’aurait aucun sens ! Nous voulons créer un espace interstitiel où règne l’ingéniosité, un lieu de rencontres autour du Do it yourself. »
Vinci et Veolia
Prendre sept mois pour construire un spectacle. Récupérer des matériaux pour en faire de la poésie
Prendre sept mois pour construire un spectacle. Récupérer des matériaux pour en faire de la poésie. Créer un lieu culturel et social ouvert sur l’extérieur. Telles sont finalement les vocations du 38, lieu d’interaction entre réalité sociale et imaginaire modelé par le développement durable. Oui mais voilà… Dans le projet des Badauds associés, on trouve deux principaux financeurs dont les bénéfices nets ne riment pas spécialement avec développement durable : les fondations Vinci et Veolia. Faut-il y voir un pragmatisme forçant le respect ou une schizophrénie aiguë ? Gaëtan Bourdin évoque déjà la volonté d’être financièrement indépendant des pouvoirs publics. « Nous sommes très peu financés par la Ville de Nantes et c’est un choix de notre part. Nous préférons être partenaire plutôt que soumis. Après, être financé par Vinci ou Veolia peut apparaître schizophrénique. A juste titre. Mais justement, notre job, ce n’est pas de juger les uns et les autres. Notre job, c’est d’entretenir les liens potentiellement existants entre les gens. Dans l’entreprise Vinci, il y a des gens qui travaillent, des êtres humains, comme vous et moi. Et c’est ça qui nous intéresse : réfléchir, parler avec ces gens-là. Concernant Veolia, on sait aujourd’hui qu’ils ont un comportement de chien à l’égard des gens du voyage, qu’ils comptent mettre la main sur leur unique ressource : le métal. OK, on pourrait gueuler tout ce qu’on veut, ce n’est pas nous qui allons faire avancer les choses. Nous, on veut garder la porte ouverte et essayer de faire comprendre aux gens de Veolia qu’ils sont en train de faire du mal aux gens du voyage. »
- Récupération
- Les ateliers de récupération du 38 donnent naissance à des objets insolites.
Le 38 : une utopie ? Certainement… Gaëtan Bourdin persiste et signe : « est-ce que la poésie peut changer le monde ? Dans la réalité, ce n’est pas vraiment vrai. Mais nous, on en est convaincu. Dans tous les cas : la tentative est essentielle ». Réveillons-nous, demain est le rêve d’aujourd’hui…
Texte : Pierre-Adrien Roux
Photos : Patrice Molle
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