
NUIT DU VAN
VAN : Virée Artistique Nocturne
C’est beau, une ville la nuit. Une ville remplie d’art où les fantômes des artistes disparus resurgissent à chaque coin de rue, en jetant un œil bienveillant sur la production des artistes contemporains. En route pour un périple Nantes by night à l’occasion de la Nuit du VAN.
18h15. L’arrivée se fait en douceur. Ce n’est pas encore l’effervescence. Le tram transporte son lot quotidien de voyageurs habituels. Personne ne suit encore la ligne rose tracée au sol pour trouver le chemin des œuvres. Le Nantais n’est pas un mouton, il laisse cela aux touristes ! Enfin, on l’aperçoit, le van rutilant, emblème de ce Voyage à Nantes, garé en face du château. Aux portes de la grille, tout se complique soudain. Ils étaient donc tous là ! Une file de plus en plus dense attend l’ouverture aux portes du pont-levis pour la première du spectacle de Royal de Luxe, Rue de la chute.
Royal de Luxe : burlesque et déjanté
19h. Tout le monde a désormais pris place dans la cour du château. Le spectacle peut commencer malgré le crachin breton. Chuchotements, hourra, puis applaudissements… Non, ce n’est pas le début du spectacle qui provoque autant de mouvements mais l’arrivée de Jean-Marc Ayrault en son pays, volant ainsi la vedette aux comédiens de Royal de Luxe. Tout le monde en place, Rue de la chute peut débuter : son saloon, ses colts, son village de Fall Street, son hôtel Big Town… c’est Règlements de comptes à OK Corral. Un spectacle très différent des marionnettes géantes qu’on connait bien ici, à Nantes. Peut-être un peu moins poétique mais beaucoup plus burlesque. Voire complètement déjanté par moment quand les comédiens se mettent à chanter La Californie de Julien Clerc ou Gigi L’Amoroso de Dalida dans une ambiance plutôt Ennio Morricone. C’est régressif et réjouissant.
Yan Pei-Ming entre Rubens et Beinaschi
Après cette folie douce entre coups de colt et pendaisons en tout genre, un peu de calme ne ferait pas de mal. Direction la chapelle de l’Oratoire. L’artiste chinois Yan Pei-Ming y présente Un jour parfait : trois grands autoportraits dans une pose de méditation faisant écho à deux chefs-d’œuvre de la collection baroque du musée des Beaux-Arts, un tableau de Beinaschi et un de Rubens. Ces peintures à l’aquarelle, traitées en grisaille, très gestuelles, traduisent la fougue de l’artiste. Né dans une famille ouvrière, il a grandi dans l’ambiance de la guerre civile de la fin de la révolution culturelle chinoise. En France depuis 1980, son œuvre reste pour autant imprégnée de cette enfance particulière. L’enceinte de la chapelle est un écrin parfait pour cette exposition poignante. Peu d’œuvres mais d’une force incomparable.
Lomo, fanions et autres folies nocturnes
En sortant de la chapelle, on est un peu ailleurs, flottant légèrement. C’est cela toute la force de l’art. La nuit commence à tomber. Filons place Saint-Pierre pour une petite pause détente. Il paraît que la boutique « Photo Saint Pierre » propose une soirée « Portrait Lomography ». Effectivement, dans l’arrière-boutique, un studio photo éphémère est en place, les mannequins d’un jour se succèdent. Le photographe, gérant de la boutique, met tout le monde à l’aise, on se laisse alors prendre au jeu : perruque blonde, chapeau… et c’est parti pour les poses les plus folles. Avec son Lomo en main, le gentil gérant n’a rien à envier à un Karl Lagerfeld. On rigole bien, c’est détendu et à la bonne franquette. Désormais, quand on passera place Saint-Pierre, on se remémorera ces quelques minutes hors du temps, dans la boutique aux Lomo et aux Pola.
"La ville renversée par l'art" dit le sous-titre du Voyage à Nantes : mission 100 % réussie.
À deux pas de là, on croise Dominique A, simple badaud ce soir, mais tout cela contribue à la magie de cette nuit un peu spéciale. Il fait de plus en plus noir, mais on voit encore les fanions au-dessus de nos têtes, réalisations des artistes Drapo-po et Fanion-nion alias Quentin Faucompré et Olivier Texier. Pour ce projet intitulé « Tissus urbains » , ils sont allés dans les quartiers nantais, plusieurs mois, à la rencontre des habitants. De ces petites histoires personnelles, ils en ont fait des drapeaux, accrochés dans les rues du centre-ville. À l’heure où on pourrait penser aux drapeaux des équipes de foot participant à l’Euro, mettre en avant le parcours des habitants lambda est un pari citoyen intéressant. En passant dans les rues du quartier Bouffay, les supporters ont investi les bars, match Ukraine-France oblige et nous, on poursuit notre parcours. Tiens, un nid de guêpes revisité dans lequel on peut monter pour un point de vue atypique sur la ville. Plus loin, une façade d’immeuble suspendue dans les airs. Au passage Sainte-Croix, des œuvres du musée s’offrent une nouvelle vie, loin des cimaises académiques. Rue de l’Emery, c’est une chambre d’hôtel ambulante qui s’est installée sur le trottoir. « La ville renversée par l’art » dit le sous-titre du Voyage à Nantes : mission 100 % réussie.
Le passage Pommeraye, Agnès Varda et Jacques Demy
En route pour le mythique passage Pommeraye, d’habitude fermé la nuit. Le passage est quasi désert, on s’imagine croisant la Lola de Jacques Demy. Mais c’est un autre film qu’Agnès Varda a choisi de mettre en lumière au 1er étage : reconstitution à l’identique de la boutique de téléviseurs d’ Une chambre en ville. Bluffant. Acteur d’un soir, on se retrouve plongé dans l’univers du réalisateur, quelques extraits du film passant dans une pièce à côté. Sur les téléviseurs : des images en noir et blanc et des images très contemporaines comme l’élection du 6 mai dernier. Une pincée de nostalgie et une pointe d’actualité : Agnès Varda a créé une installation percutante. Elle touche juste. À quelques encablures de là, rue Santeuil, seconde installation de la nantaise de cœur sur le thème du squat. À voir de toute urgence. Elle dénonce sans misérabilisme, elle s’engage sans bien-pensance, elle donne à voir sans discours moralisateur. On sort, le fantôme de Jacques Demy est bel et bien là. On remonte la rue Crébillon, le théâtre Graslin, La Cigale… On s’attend à ce que Lola sorte à tout moment de son music-hall. Personne ne sort mais un petit courant d’air nous fait frissonner.
Une petite descente du côté du quai de la Fosse s’impose. Passage Jacques Demy – encore lui, oui – en haut des escaliers, la ruelle où habite Lola dans le film, celle qui voit passée son marin enamouré et son vieil ami d’enfance. Ici c’est la plateforme Superama, un cristal qui semble se fragmenter. De loin, une œuvre impressionnante. À l’intérieur, tout en haut, une vue remarquable sur la Loire et l’île de Nantes en face.
Il est près de minuit. Le périple se termine au pied de la Tour Bretagne. Là-haut, au 32e étage, à 114 mètres du sol, un bar et un nid d’oiseaux nous attendent, l’œuvre de Jean Jullien. Promis, ce sera pour une prochaine fois. Le VAN se déguste à petites gorgées, voire à petites bolées du côté de Crêpetown. On se fera alors une tournée des grands ducs et la nuit, cette fois, sera blanche ou ne sera pas.
Delphine Blanchard
Bloc-Notes
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