
PORTRAIT
Entre mamans
L’homoparentalité ou la lutte d’un couple homosexuel pour avoir un enfant
Amour, mariage, enfants – pour beaucoup de gens la formule de base pour une vie de famille heureuse. L’amour, Florence Mary l’a trouvé il y a 9 ans avec Sandrine. Mais ce qui a manqué pour leur bonheur, pour fonder une famille, c’était un enfant. La réalisatrice nantaise documente dans le film « Les carpes remontent le fleuve avec courage et persévérance  » son combat intime pour avoir un enfant. Notre contributrice Nadja Altpeter a discuté avec elle.
Fragil : Dans quel contexte le film est-il né ?
En même temps, moi j’ai eu envie et besoin de faire un film, parce que j’étais peut être pas encore complètement prête pour un enfant
Florence Mary : J’ai tourné entre 2008 et 2010, mais l’idée de faire un film m’est venue en 2006/2007. À cette époque, je savais qu’avoir un enfant était très important pour ma compagne Sandrine. Elle a commencé à m’en parler de plus en plus parce qu’elle a un an de plus que moi et alors elle voyait « l’horloge biologique » tourner. En même temps, moi j’ai eu envie et besoin de faire un film, parce que j’étais peut être pas encore complètement prête pour un enfant.
Fragil : Le film documente les difficultés qu’un couple homosexuel doit affronter pour avoir un enfant. Où en êtes-vous dans votre combat aujourd’hui ?
F.M. : On a un petit garçon, Milo, qui a 18 mois. Nous sommes toutes les deux mamans dans la vie quotidienne, mais je ne suis pas officiellement reconnu en tant que mère. S’il arrivait quelque chose à Sandrine, je n’aurai pas le droit de garder Milo au niveau de la loi. La reconnaissance de la parentalité est donc un des gros soucis pour les familles homoparentales en France et c’est aussi pour ça que je voulais faire ce film.
Fragil : Quels droits les couples homosexuels ont-ils en France aujourd’hui ?
F.M. : Disons que depuis les années 2000 ça ne bouge pas trop en France. Les couples homosexuels peuvent se pacser, mais le pacs ne donne pas accès à l’adoption et autres droits qu’il faudrait avoir quand on a une famille. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays qu’on pourrait penser plus frileux, même quand ils sont plus catholiques comme l’Espagne, le Portugal ou l’Argentine. Mais avec le nouveau Président on peut espérer que ça bouge.
Fragil : Alors pour avoir un enfant… ?
F.M. : Les couples homosexuels n’ont pas le droit d’adoption en France. On peut adopter un enfant en tant que célibataire ; Sandrine et moi, nous sommes pacsées, alors il aurait fallu que l’on se « dé-pacse » et que l’on mente sur notre couple. Nous n’avions pas du tout eu envie de mentir. Donc la seule possibilité qu’il nous restait était de partir à l’étranger pour une insémination, une procédure qui coute très cher. Ceux qui n’ont pas les moyens financiers pour partir à l’étranger essaient des fois de « se débrouiller » à la maison avec des personnes qu’ils connaissent. Quand on a envie d’avoir un enfant, il n’y a pas grande chose qui peut arrêter ce désir.
Fragil : Comment faut-il s’imaginer l’éducation d’un enfant par deux femmes ou deux hommes ?
F.M. : Chez nous, c’est « maman Flo » et « maman Sandrine ». On ne se pose pas du tout la question de remplacer un père, car un homme comme une femme peuvent apporter des qualités importantes dans l’éducation.
Fragil : Que répondez-vous aux gens qui sont opposés à l’homoparentalité parce qu’ils craignent une potentielle influence sur la sexualité de l’enfant ?
F.M. : Je suis homosexuelle, pourtant mes parents ne l’étaient pas. En général, ça fait déjà réfléchir les gens. Les structures de famille ont tellement changé aujourd’hui et les familles ne sont pas toujours idéales. Ce qui est important c’est que l’enfant grandisse dans un environnement avec deux référents. Le médecin belge qui nous suivait nous a confié par exemple qu’elle préférerait un couple homosexuel pour une insémination plutôt qu’une femme célibataire.
Fragil : Des railleries de la part de camarades de classe ne sont-elles pas le lot commun pour des enfants éduqués par des parents homosexuels ?
F.M. : On ne se cache pas qu’il y aurait certainement des questions auxquelles il va falloir répondre. Les enfants ne sont en général pas tendres entre eux. Le tout dépendra bien sûr aussi de son caractère. Mais on va dire, au moins il aura appris à se défendre assez petit.
Fragil : Quelles mesures à prendre pour améliorer la situation des couples homosexuels ?
F.M. : L’essentiel, c’est d’avoir le droit de se marier ; cela veut dire que nous pouvons adopter. Sinon par rapport l’homosexualité en général, j’ai l’impression que parmi les jeunes, l’homophobie ne diminue pas forcément, donc on devrait peut-être augmenter la sensibilisation à l’école. Il faut être assez vigilant là-dessus.
Quel avis ont les Nantais sur l’homoparentalité ?
Les Nantais prennent position sur ce sujet. Enquête micro-trottoir dans les rues du centre-ville.
Présenté en avant-première à Nantes lors du festival Ciné-Pride 2011, le film « Les carpes remontent le fleuve avec courage et persévérance » a tourné dans plusieurs villes : Evreux (prix coup de cœur citoyen du festival du film d’éducation), Paris, Clermont-Ferrand, Guadeloupe, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rezé et Rome en août 2012. Il est en vente sur le site internet Les chats perchés.
Texte : Nadja Altpeter
Microtrottoir : Jérôme Romain, Nadja Altpeter
Photos : Pauline Vermeulen, Florence Mary, Recyclart
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