
FOCUS
Les filles et la vie dans les quartiers : mode d’emploi
Le mercredi 21 mars à la maison des Haubans, Déborah Alloan et Himène Betthai présentaient leur exposition de photos intitulée « Je suis une jeune femme de 20 ans et je circule dans un quartier ». Toutes deux sont bénévoles dans l’association Tissé Métisse. Leur travail a été réalisé grâce aux jeunes filles qui ont accepté de poser devant l’objectif. L’échange qui a suivi, a été appuyé par les témoignages des participantes. Une exposition qui vise avant tout de mettre à mal les préjugés.
Beaucoup d’idées reçues circulent sur la vie dans les quartiers. Il y a une volonté des jeunes filles présentes de faire partager la réalité des choses. Elles trouvent « lourde la réaction des gens ». Vivre dans les quartiers fonctionne sur un mode d’emploi bien particulier. Mais les jeunes filles n’ont pas peur. L’une d’entre elles confie qu’elle se sent moins en sécurité en ville à deux heures du matin, que dans son propre quartier à la même heure. Les hommes occupent une place plus visible dans les quartiers. Constat très facilement vérifiable. Ils n’ont cependant pas cette dominance poussée sur les femmes. La plupart était au courant du projet et n’ont jamais empêché de le mener à terme. Dans la mesure où du temps était pris pour leur expliquer le fond. Les hommes n’imposent pas obligatoirement un comportement aux femmes qui les entourrent. Bien qu’ils surveillent plus ou moins leurs faits et gestes. Lors d’une séance photo, des hommes se tenaient non loin. Ils ont dit à l’apprentie modèle « tu fais n’importe quoi ». Mais la jeune fille a répliqué qu’elle était libre de faire ce qu’elle voulait. Les jeunes filles expliquent qu’elles n’ont pas peur de vivre dans les quartiers. Elles s’y sentent bien. Mais ne voient pas y construire leur avenir familial.
Les hommes occupent l’espace
Une éducation différente entraîne des comportement différents. Les pères sont souvent inquiets de savoir leurs filles seules dans le quartier. Ou le grand frère pour sa sœur. Ils n’imposent pas vraiment des limites. Le premier territoire, que l’individu connaît est celui qui lui est le plus proche. Ces lieux deviennent un espace de socialisation. Par exemple les cages d’escaliers, les jeunes hommes s’approprient ces lieux non pas pour gêner les adultes, mais pour s’enfuir du mal être domestique. Créant une distance entre le monde domestique et citadin. Au contraire, les jeunes filles quittent plus tôt les espaces de proximité. Elles s’imposent des heures limites pour rentrer. Les hommes quant à eux stationnent. Ils occupent plus un poste de surveillant. Ainsi, ils peuvent savoir qui rentre et qui sort. Pour mettre en avant le fait qu’ils stationnent, l’exemple d’une serveuse est évoqué. Elle travaille au Chruchill bar. Ce bar est très prisé par les hommes. Ils aiment s’y rendre, observer et discuter. Les préjugés diraient que ce serait pour « regarder passer les meufs toute la journée » confie elle-même Déborah. Mais l’exemple de la serveuse montre que ce n’est pas le cas. Elle s’y sent bien. Elle ne voit aucune ambiguïté s’installer, elle est contente d’aller travailler. Effectivement, des lieux sont avant tout dominés par les hommes. Déborah confie une nouvelle fois que dans ce bar, elle ne peut pas s’y rendre seule. Ou pas sans une présence masculine familière. Les hommes dominent les lieux car ils stationnent. Ce qui n’est pas le cas des femmes à cause de leur rapide passage.
L’espace virtuel est lui aussi occupé différemment. Les filles vont faire attention à ce qu’elles vont mettre sur la toile, ce qu’elles vont montrer de leur vie ou non, sur les réseaux sociaux. Il peut être dur d’assumer les soirées entre amis. Quant aux hommes, ils trouvent dans ces réseaux de communication, un autre moyen de drague.
« On s’impose nous-mêmes des limites »
Les jeunes filles existent. Mais d’une manière totalement différente. Elles vont être plus discrètes. Elles veulent avoir une place, être « les boss ». La parole leur a été confiée, pour dire stop aux inégalités. Parler leur a permis d’exister. De faire partager la réalité de leur quotidien. Elles ne sentent pas des contraintes imposées. Elles ont ce sentiment de faire ce qu’elles souhaitent. Elles s’imposent elles-mêmes des limites. Ce qu’elles voient comme une forme de respect envers elles-mêmes et leurs proches. Car le bouche à oreille fait des dégâts. Par exemple, une fille qui ne reste qu’avec les hommes va avoir une « mauvaise réputation ». A travers cette exposition, les filles ont voulu montrer qu’elles existaient. Que dans les quartiers « ok il y a de la racaille, mais pas que ».
Mélanie Javelaud
Copyright : ©Tissé Métisse - H. Bettahi - D. Alloan
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