FESTIVAL DU CINÉMA ESPAGNOL
L’ESCAC ou l’avenir du cinéma espagnol
Tout part d’un atelier de l’Ecole Supérieure de Cinéma et d’Audiovisuel de Catalogne : l’ESCAC. Le travail est de faire un long-métrage en 27 jours. Lors de réunions informelles chez les uns et autres ou de sorties improvisées dans les bars, les étudiants, plutôt que de réaliser un film personnel, décident de créer une œuvre collective : une histoire d’amour entre deux étudiants d’Erasmus. Ils sont treize, l’histoire se déroulera donc sur treize mois et chacun prendra la direction d’un mois. Le scénario est écrit dans les grandes lignes pour que le film reste cohérent. Puis tirage au sort : les treize équipes de tournages doivent reconstituer ce puzzle amoureux. Une performance qui a mérité les applaudissements unanimes du public venu nombreux pour la première projection française.
José Luis de Linares, l’un des treize réalisateurs monte timidement sur la scène du Katorza. Il ne s’attendait pas à ce que Puzzled Love attire autant de public. Il faut dire que tout est allé très vite pour ces étudiants encore en apprentissage du septième art. « C’est parti d’un délire. On ne s’imaginait pas le présenter en dehors de notre établissement et encore moins de l’Espagne. » Ce n’est pas la première fois que le Festival du Cinéma Espagnol s’intéresse aux projets de cet école. Déjà en 2010 et 2011, Trois jours en famille (Goya de la meilleure jeune réalisatrice entre autres), et Blog avaient été vivement accueillis par le public nantais. Il faut dire que depuis 1999, Escándalo Films, la boîte de production officielle de l’ESCAC encourage les jeunes créateurs et favorise leur entrée dans l’industrie du cinéma.
Une histoire qui parle à tous
Quelle histoire suffisamment forte et de résonance universelle pourrait se dérouler sur treize mois ? La réponse fut consensuelle pour ces treize étudiants-réalisateurs : l’amour. « Franchement, tout seul, on aurait jamais réalisé un film sur l’amour mais à plusieurs, on a trouvé le défi intéressant. Chacun pourrait porter un regard sur une histoire d’amour qui peut contenir toute la palette des émotions. » Ajoutés à cela : le regard jeune (les réalisateurs ont en moyenne 25 ans), audacieux et dynamique des réalisateurs, le cadre de la ville multiple et vivante de Barcelone et le contexte exotique d’Erasmus.
Tout en humour et sensibilité, cette parenthèse de la vie (qui se refermera ou pas), a donné des envies d'évasion aux plus jeunes et fait surgir des souvenirs précieux chez les autres
Contrairement à ce que beaucoup pensaient, il ne s’agit pas du tout d’un remake de l’Auberge Espagnole. Le film raconte l’histoire de Sun et Lucas, deux étudiants de Chicago et Majorque qui vivent en collocation avec Irene, Topo et Pierre. Au début, tout démarre mal. Suite à une erreur de « casting » des propriétaires, ils se retrouvent à se disputer l’unique chambre de l’appartement pour ne pas hériter du cagibi sans fenêtre ni balcon. Sun est une jeune fille maligne, ensorceleuse qui arrive toujours à ses fins. Lucas est un fils à maman, un peu vieux jeu qui a du mal à se faire à la vie inconséquente des Erasmus. Mois après mois, mauvais tours après mauvais tours, insultes après insultes, les deux que tout oppose tombent éperdument amoureux. Le compte à rebours est déclenché : ils ont treize mois pour profiter pleinement de leur amour et sans doute de la meilleure année de leur vie. Puzzled love nous embarque dans cette « montagne russe de sentiments » où les personnages mettent à nu leurs corps et leurs âmes. Tout en humour et sensibilité, cette parenthèse de la vie (qui se refermera ou pas), a donné des envies d’évasion aux plus jeunes et fait surgir des souvenirs précieux chez les autres. Ce n’est pas sans compter sur l’interprétation fraîche et spontanée des deux comédiens : Saras Gil et Marcel Borràs. « L’histoire du casting est particulière. On cherchait des étudiants étrangers qui sachent bien parler espagnol. Pour la fille, on a trouvé tout de suite. Par contre aucun des garçons étrangers ne maîtrisait bien l’espagnol. On a donc proposé au jeune comédien Marcel Borràs ; il avait déjà joué dans plusieurs films notamment Le Pacte du Mal d’Óskar Santos. Contre toute attente, il a été super emballé par l’idée de la réalisation collective. Heureusement, que Sarah et Marcel avait un assistant d’acteurs, sinon avec treize réalisateurs, ils seraient vite devenus schizophrènes. » explique José Luis de Linares, qui a dirigé le mois de novembre.
Puzzle et casses-têtes réussis
Ces futurs cinéastes ont su affirmer leur patte tout en nous faisant partager leur passion pour le monde de l'audiovisuel
Sur 27 jours, chaque réalisateur n’avait que deux ou un jour et demi pour tourner leur « très » court métrage. Malgré quelques rares incohérences techniques, le résultat est bluffant. Chaque séquence est imprégné d’un univers (plans, musique, couleurs) sans rompre pour autant l’unité de l’histoire. Ces futurs cinéastes ont su affirmer leur patte tout en nous faisant partager leur passion pour le monde de l’audiovisuel. Le mois d’août est tourné sous forme de documentaire ; le mois de septembre est une parodie bien menée des sitcoms américaines ; le mois de novembre joue sur les rythmes de la musique rock Hearts a Mess du belgo-australien Gotye avec une esthétique particulièrement bien réussie ; le mois de février est un parallèle poétique entre les ébats amoureux de Sun et Lucas au cinéma et les plus belles scènes d’amour du Cinéma ; la séquence du carnaval du mois de mars ressemble à du cinéma expérimental ; la scène passionnelle du mois d’avril est digne de celle Du Facteur sonne toujours deux fois avec Jack Nicholson et Jessica Lange.
Le film a été tourné avec 12 000 €. Il a fallu une année et 150 personnes pour reconstituer ce puzzle cinématographique. Entre le montage des parties indépendantes, les enchaînements entre les courts métrages, les « retournages » de scènes supplémentaires, les treize équipes ont dépensé 8000 € et Escándalo Films a versé 80 000 € en plus pour payer les droits d’auteurs. A noter d’ailleurs la bande-originale excellente avec notamment le groupe rock barcelonnais Ninette & The Goldfish.
Les étudiants de l’ESCAC assurent l’avenir du cinéma espagnol.
Pauline Vermeulen
Crédit photos : Escándalo Films
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