
François Boisrond, figure libre de la peinture
Rétrospective aux Sables-d’Olonne
Jusqu’au 17 juin, le musée de l’Abbaye Sainte-Croix aux Sables-d’Olonne présente le travail de François Boisrond, un des chefs de file, avec Hervé di Rosa, Robert Combas et Rémi Blanchard, du mouvement dit de la Figuration libre qui remet à l’honneur la peinture dans les années 1980. Une peinture franche, débridée et desinhibée. Visite de l’exposition en compagnie de l’artiste.
Pour bien comprendre l’impact de la Figuration libre dans l’histoire de l’art, un petit bond dans le temps s’impose. Nous sommes dans les années 1970, c’est l’apogée de l’art conceptuel, suite à mai 68 et aux révoltes étudiantes dans le monde, la vertu provocatrice de l’art a été remise au goût du jour. On voit éclore le body art, la performance artistique, les installations in situ… La peinture est devenue ringarde, surtout si elle se fait figurative. Alors imaginez le collectionneur Bernard Lamarche-Vadel qui, en 1981, organise dans son appartement une exposition intitulée Finir en beauté et qui adoube un vaste mouvement de retour à la peinture et à la figure. « J’avais 22 ans et absolument aucune idée de ce qui se passait alors. J’avais fait les Arts Déco à Paris où j’avais rencontré Hervé di Rosa et Robert Combas. On peignait parce qu’on ne savait faire que cela. Il n’y avait aucune provocation là-dedans, on ne faisait pas cela pour dire qu’on en avait marre du conceptuel et qu’on voulait un retour à une certaine idée de la peinture. Cette expo a été fondamentale pour la Figuration libre mais à aucun moment nous en avons eu conscience. Nous étions jeunes et naïfs » avoue modestement François Boisrond.
Pourtant, Finir en beauté fait parler et Boisrond et comparses exposeront par la suite avec leurs homologues américains : Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, Kenny Scharf, Tseng Kwong Chi… « J’achetais d’énormes pots de peinture à Castorama, je déchirais des morceaux de linge et comme je n’avais aucune imagination, je peignais ma tronche ! » C’est la période des œuvres très colorées, cernées de noir où le peintre se met en scène, devant la télévision, en train de dormir, devant la toile avec ses pinceaux… François Boisrond représente le quotidien, notamment le sien. Véritable enfant de la télé, « il appartient à cette génération qui a découvert la vie, l’amour, la guerre à travers la télévision ou le cinéma, et pour laquelle le réel n’est que l’imitation décevante de l’image transmise » analyse un critique. Les références sont donc nombreuses : affiches, jeux vidéos, émissions télévisuelles… L’artiste peint la rumeur de son époque et ses premières œuvres en sont imprégnées. « Puis, à un moment, j’en ai eu marre de voir ma gueule » s’amuse le peintre débonnaire, à la voix caverneuse et au charisme indéniable.
J'achetais d'énormes pots de peinture à Castorama, je déchirais des morceaux de linge et comme je n'avais aucune imagination, je peignais ma tronche
Paris et les panneaux JCDecaux
François Boisrond quitte alors l’atelier et vagabonde dans Paris à la recherche de nouvelles inspirations. Très vite, les panneaux JCDecaux résonnent en lui. « Vous savez, la fameuse métaphore de la toile comme une fenêtre et bien, là, c’était exactement cela. Je trouvais la mise en abyme intéressante ; le visiteur qui, regardant la toile, est propulsé dans le paysage urbain et qui vit ce que moi-même j’ai vécu devant ce panneau ». Et si sa « tronche » il ne peut plus la voir en peinture, sa silhouette, quand à elle, reste en filigrane. Dans chacune de ces toiles de la série des panneaux Decaux, on retrouve le peintre qui regarde, qui photographie… Comme quoi, la meilleure matière première reste peut-être bien cette « tronche » qu’on côtoie tous les matins devant le miroir !
Les œuvres de cette période saisies, non pas sur le motif, mais via son appareil photo qui ne le quitte jamais ou son caméscope, pourraient être des scènes extraites de films. Une influence familiale ? Rappelons que son père, Michel Boisrond était réalisateur et que sa mère, Annette Wademant est scénariste. Et son épouse, Myriel Roussel, a tourné pour Jean-Luc Godard dans le film Passion. Alors que sa peinture figurative résonne comme certains plans cinématographiques, c’est finalement assez logique. Mais bien plus qu’une simple retranscription – ce qui ne serait évidemment pas intéressant – François Boisrond y ajoute sa patte, entre petites touches impressionnistes et vision naturaliste.
Il appartient à cette génération qui a découvert la vie, l'amour, la guerre à travers la télévision ou le cinéma
Il appartient à cette génération qui a découvert la vie, l’amour, la guerre à travers la télévision ou le cinéma. Il pousse encore plus loin cette vision naturaliste lorsqu’en 2007, il investit littéralement le Centre Pompidou. En réponse à une invitation d’exposer au musée, il apporte tout ce dont il a besoin pour peindre – un tabouret, un chevalet, un placard à couleur, une caméra numérique, un ordinateur – et réalise sur place des peintures qui représentent des vues du musée et les autres œuvres exposées. Là où d’autres se seraient contentés de la performance physique, François Boisrond sublime le geste en créant des œuvres in situ et en prolongeant la réflexion sur l’espace et son appropriation. « Moi ce que j’aime par-dessus tout, c’est passer mes après-midis au musée, contempler des œuvres magnifiques, qu’est-ce qu’il y a de mieux que ça ? » confie l’artiste qui se décrit comme « un peu feignasse parfois ».« Et puis, à un moment, il faut bien se mettre soi-même à l’ouvrage » sourit le peintre. Et quand on voit le résultat, on se dit qu’il fait bien de se mettre à l’ouvrage parce que sa peinture, sous des dehors colorés, chatoyants, légers, est une source de réflexion inépuisable sur l’époque, passée, présente et future.
Delphine Blanchard
Sources photos :
Bannière : extrait de Sans titre, acrylique sur toile, 206 x 269 cm. 1985.
Toile 1 : Musée de l’homme 1, acrylique sur toile, 200 x 197 cm. Musée national d’art moderne, Paris. 1980.
Toile 2 La FIAC, acrylique sur toile, 197 x 202 cm. Collection Philippe Fromentin. 1989.
Toile 3 : La nouvelle biennale 2001, acrylique sur papier, 105 x 120 cm. Collection Hector Obalk. 2003
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