
DÉBAT QUARTIER
Réinventer l’information dans les quartiers
En 2005, la France a été marquée par une série de violences urbaines. Si le calme est revenu depuis, en sept ans, la relation presse-quartiers reste toujours aussi tendue. Sans jeter la pierre aux médias ou aux banlieues, les journalistes doivent revoir leur copie, et veiller à ce que les quartiers populaires ne soient pas toujours victimes des mêmes clichés.
2005. La France s’embrase. Les banlieues, à commencer par Clichy-sous-bois voient la violence gagner du terrain. Tout commence par un drame sans précédent.
Trois adolescents se réfugient dans un transformateur EDF à Clichy-sous-bois, après avoir été, selon certains propos, poursuivis par des policiers. Ces derniers le contestent. Les deux premiers adolescents décèdent, tandis que le troisième est gravement blessé. Le soir même, les banlieues s’embrasent. Les voitures brûlent, le climat d’incertitude persiste. Dans les jours qui suivront, de nombreuses autres agglomérations verront leurs cités s’assombrir. Mi-novembre sonnera la fin des hostilités, on compte alors entre cent trente et deux cent blessés, et quatre mille sept cents personnes interpellées. Se sentant délaissées, abandonnées, les banlieues souffrent d’un manque de reconnaissance, d’un manque de valorisation : « Les médias, les politiques, la société ont tendance à ne parler des banlieues que quand elles brûlent. Comment reprocher aux électeurs de se désintéresser d’élections pour des institutions dont ils se sentent exclus, dans ces territoires abandonnés de la République ? » s’exclame l’ancien maire de Clichy sous Bois, Claude Dilan dans Télérama. Décriés, les journalistes se contentent-ils de ne faire qu’un traitement partial de ce qui se passe dans les quartiers populaires ? Sept ans plus tard, comment ont évolué les liaisons dangereuses entre journalistes et quartiers ?
Stupeurs et tremblements des journalistes
Sans basculer dans un monde manichéen, où le journaliste est le méchant, et le quartier le gentil, la sphère médiatique doit prendre en compte le fait qu'une banlieue n'est pas qu'un endroit où des faits divers se produisent
En 2009, la sociologue Julie Sedel, a mené une enquête sur le rapport entre les banlieues et les médias. Dans son ouvrage Les médias et la banlieue, elle évoque le fait que le spectaculaire prime sur le travail de fond : « Les sujets compliqués ont de moins en moins de place dans les journaux. La solution de facilité pour le traitement de la banlieue, c’est de le reléguer en faits divers. Avec la despécialisation des journalistes, appelés à être polyvalents par mesure d’économie, le spectaculaire prime sur le travail de fond ». Si les journalistes sont de moins en moins connaisseurs sur ce type de sujets, ils deviennent aussi de plus en plus frileux lorsqu’il s’agit d’enquêtes. Le dépérissement du journaliste d’enquête au profit de l’acquisition d’informations « chocs », contribue à ce que la banlieue ne soit plus qu’un pêle-mêle de faits divers.
Si la profession n’offre pas toujours une analyse très nuancée des quartiers populaires, c’est peut-être parce qu’elle l’appréhende mal : « La vraie faiblesse c’est que le métier ne connait pas la thématique urbaine », reconnaît Nordine Nabili, directeur de l’ESJ Bondy. Alors, ces quartiers méconnus, les journalistes les ont peut-être délaissés, en ne voyant que cette surface écorchée vive, sans aller au-delà des clichés. Le directeur d’une des radios les plus écoutées par la communauté marocaine insiste : « La passivité et la fainéantise du journaliste qui n’est pas toujours partant pour y aller. Il n’a pas le temps, il doit aller à l’essentiel, il est investi par sa rédaction sans connaissance des réalités. Souvent on y envoie une personne qui ne va pas rester, le stagiaire ou un spécialiste de l’économie ». De ce fait, les habitants des quartiers populaires ont délaissé à leur tour l’information, parce qu’elle les décevait, parce qu’elle n’était pas assez accessible ou parce qu’elle leur faisait peur. Ainsi, selon le sociologue Vincent Goulet, si la télévision reste le média le plus suivi dans les banlieues, il n’en demeure pas moins que les habitants ont du mal à aller vers l’information. Il est difficile pour ces individus d’aller vers l’expression. Sans basculer dans un monde manichéen où le journaliste est le méchant et le quartier le gentil, la sphère médiatique doit prendre en compte le fait qu’une banlieue n’est pas qu’un endroit où des faits divers se produisent. Là encore, l’inverse a aussi lieu, Edouard Zambeaux, journaliste à France Inter dénonce la surenchère de positif à propos des banlieues : « On s’enthousiasme pour la moindre association de quartier, pour le moindre slameur bidon ». Pour éviter de tomber dans le piège du « tout va très bien Madame la Marquise », les banlieues auraient besoin d’être considérées à leur juste valeur sans basculer dans les excès. Sans dramatisation excessive et sans les mettre sans arrêt sur un piédestal. Les journalistes doivent donc trouver le bon compromis lorsqu’il s’agit de traiter le thème des banlieues. S’intéresser aux quartiers populaires en profondeur, c’est s’intéresser au quotidien de ces hommes et ces femmes qui aspirent à mener une vie normale.
Hélène Hamon
Crédits Photos : Alain Bachellier
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