
DÉBAT QUARTIER
La citoyenneté au cœur des quartiers
A quelques mois des élections présidentielles de 2012, la question de l’engagement citoyen est plus que jamais au cœur des discussions. Actuellement, les jeunes issus des quartiers populaires sont en passe de devenir des acteurs importants de la société. Une des manières de former leur esprit citoyen est de s’engager au sein de structures diverses, mises en place pour les accompagner dans leur démarche : des associations telles que Tissé Métisse ou des organisations publiques telles que le Conseil Nantais de la Jeunesse.
« Banlieues, cités, quartiers en difficulté, quartiers populaires, quartiers de relégation, quartiers sensibles, zone, zones de non-droit, ... » : tant de mots utilisés pour décrire les zones urbaines sensibles. Officiellement définies par la loi du 26 décembre 1996, les ZUS sont « caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d’habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi » et font l’objet de mesures spécifiques par les pouvoirs publics. Dans une ZUS, on trouve des logements à faible coût, accessibles à des populations aux faibles revenus.
On ne naît pas citoyen, on le devient
Entre 1949 et 1974, on a vu se multiplier les constructions de zones d’habitat populaire en France. Selon le rapport ONZUS (Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles), près d’un jeune sur trois habitant en ZUS a moins de 20 ans. Dans vingt ans, ce sont ces jeunes, qui représentent un quart de la population française, qui participeront aux débats et aux décisions publiques. Mais on ne naît pas citoyen, on le devient.
Or, dans son rapport de 2011, l’ONZUS nous expose une situation qui dure. 2005, les quartiers s’embrasent au rythme des émeutes. En 2010, le taux de délinquance constatée en ZUS s’élève en moyenne à 49,7 faits pour 1 000 habitants. Alors dans un contexte où les habitants de ces quartiers se sentent « assignés à résidence », avec 28% de la population qui ne s’estiment pas en sécurité dans leur quartier, toujours selon le rapport de l’ONZUS, il n’est pas toujours facile pour eux de participer au discours social. « Et toi tu votes ? », une phrase qui revient tout de suite quand on parle de citoyenneté et d’engagement. Pourtant, être citoyen, ce n’est pas forcément un engagement politique. Une manière de développer son esprit citoyen peut par exemple être de s’engager au sein d’une association. A Nantes, différentes structures existent dans un but d’accompagnement des jeunes en demande d’engagement citoyen.
Citoyen, rejoins-nous
Jeudi 18h30. On nous accueille dans les locaux du Lieu Unique, pour les ateliers du jeudi. Toutes les semaines, sont en effet organisés les ateliers du jeudi, à l’initiative du Conseil Nantais de la Jeunesse (CNJ). Son directeur nous présente son projet : « tous les jeunes nantais de 16 à 25 ans sont invités à participer à ces temps libres d’échanges et de paroles, pendant lesquels sont abordés divers sujets d’actualité ». Malheureusement, peu de jeunes sont présents en ce jeudi soir de novembre. Parmi une dizaine de participants, seulement trois jeunes issus des quartiers populaires de Nantes, au visage peu enjoué, en tant qu’invités engagés au sein chantier-école Motiv’Action. Si l’on en croit les études menées en France, l’engagement présenterait un lien fort avec notre appartenance à un milieu social. Une étude de l’INSEE démontre en effet que l’adhésion à une association dépend fortement de notre catégorie-professionnelle : seulement 17% des chômeurs seraient engagés au sein d’une association et 23% des personnes au foyer. Dans un contexte où le taux de chômage est important (20,9% de chômage en ZUS selon l’ONZUS), les jeunes de ces quartiers n’ont pas un réflexe d’engagement citoyen et ne font pas toujours la démarche d’aller vers les associations ou les structures telles que le CNJ.
La jeunesse n'est pas un critère générateur
Le CNJ a misé sur le Lieu Unique pour recevoir les jeunes nantais chaque jeudi, mais ce n’est pas forcément dans cette structure institutionnelle qu’ils se reconnaîtront. Ce dispositif, créé dans un but d’engagement citoyen des jeunes nantais, peut apparaître comme pré-mâché, dans lequel tous ne se reconnaissent pas, dans un contexte où la confiance de la population en les institutions diminue : seulement 32% des français ont confiance en les institutions, selon une étude de Fondapol. Lors de cette réunion, face aux jeunes de Motiv’Action : deux jeunes très actifs au sein du CNJ, issus eux des quartiers résidentiels de l’est de Nantes. Et l’impression d’un fossé entre les deux groupes. Cela montre bien que la jeunesse n’est pas forcément un critère générateur, mais qu’elle doit prendre en compte les différentes individualités qui la composent.
Nantes : paysage de structures d’accompagnement
Le réseau associatif nantais est vaste, et propose de nombreuses possibilités pour les jeunes en quête d’un engagement. L’association est un espace libre qui peut permettre aux jeunes d’évoluer individuellement ou au contraire en groupe et de leur plein gré. S’impliquer et proposer un projet devient alors plus simple. Cet engagement au sein d’une structure, quelle qu’elle soit, fait partie du système pour s’épanouir dans la sphère publique, et peut aider à devenir un citoyen accompli. En adhérant au milieu associatif, les jeunes sont épaulés. Cyrille Prévaud, coordinateur de l’association Nantaise Tissé Métisse nous explique : « L’association est une structure d’accompagnement pour la jeunesse, un outil à la disposition des jeunes », qui lui permet de mener à bien leurs ambitions. Pour lui, il est primordial que les jeunes soient là car ils en ont envie, et non pas qu’ils aient été forcés à s’engager. Il s’agit bien là d’une démarche personnelle, qui fonctionne sur le principe du volontariat. Car dans la « banlieue », comme partout, il y a des jeunes qui sont très conscients et s’engagent, nous rappelle Cyrille, lui-même issu d’un de ces quartiers. Pour l’équipe de Tissé Métisse, c’est ce principe qui donne aux jeunes une certaine liberté et apporte une atmosphère différente à leur engagement : ils sont amenés à être indépendants et se responsabiliser. S’il y a une chose que l’association veut mettre en avant, c’est le principe d’éducation populaire : il est important que « le jeune fasse » avant tout. BJBN (Blanc Jaune Beur Noir) en est l’exemple parfait. Ce journal a été le premier journal de quartier de Nantes à l’initiative de jeunes du quartier de Bellevue. « L’idée était avant tout de développer un journal d’opinions », nous annonce Cyrille, qui a fait partie de la rédaction durant quelques années. Ce métissage au sein de la rédaction déclenchait bon nombre de débats importants et nécessaires à la production d’articles un temps soit peu percutants. Cette association, composée de personnalités de tous horizons, permettait a chacun de développer un esprit citoyen clairement défini, tout en créant du lien social au sein du quartier.
L'association est un outil à la disposition des jeunes
Mais quartier rime aussi avec citoyenneté. D’un point de vue national, on peut également se pencher sur les actions de AClefeu : Association Collectif Liberté, Égalité, Fraternité, Ensemble, Unis. Ce collectif, né en région parisienne à la suite des émeutes de novembre 2005, a pour objectif de communiquer la voix des habitants des quartiers auprès des institutions, mais également élaborer un projet de société à proposer aux représentants de la Nation. C’est peut-être finalement de ces « banlieues, cités, quartiers en difficulté, quartiers populaires, quartiers de relégation, quartiers sensibles, zone, zones de non-droit, ... » que peuvent émaner différentes initiatives citoyennes. Si l’information a une fonction de prise de conscience des enjeux politiques et sociétaux, ce sont les prescripteurs d’information qui tiennent ce rôle dans les quartiers, en témoigne l’engagement associatif important.
Bérénice Kesteloot et Johanna Réau
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