ENTRETIEN
"On gagnerait à se structurer ensemble"
François De Rugy, député d’Europe Écologie Les Verts de Loire-Atlantique connaît bien la région nantaise puisqu’il y est né. Président de la Commission des mobilités et membre du conseil d’administration de la SEMITAN, il a fait du transport sa spécialité. En tant que conseiller municipal à Orvault, il entend développer la culture dans sa commune. A 38 ans, ce breton de cœur mise sur la coopération entre les territoires pour plus d’attractivité économique et culturelle.
Fragil : vous êtes le député Verts de Loire-Atlantique, conseiller municipal à Orvault dans l’opposition, président de la commission des mobilités à Nantes, membre du conseil d’administration de la SEMITAN, depuis combien de temps êtes-vous à Nantes ?
François de Rugy : Je suis né à Nantes le 06 Décembre 1973. Diplômé de Sciences Politiques à Paris, j’ai été durant cinq ans assistant parlementaire avant d’être en 2007, député de Loire-Atlantique. Élu pendant sept ans au Conseil Municipal à Nantes, j’ai aussi été vice-président de la Communauté Urbaine de Nantes Métropole de 2001 à 2008. Je n’ai pas toujours été à Nantes, mais j’ai fais le choix d’y revenir et d’habiter à Orvault. J’y suis depuis un peu moins de quatre ans.
Quel regard portez-vous sur Nantes ?
Orvault et Nantes sont deux villes auxquelles je suis attaché. Nantes est un endroit où il y a une vraie qualité de vie. Le climat est très agréable et pour un écologiste ça compte. Il y a 600 000 habitants à Nantes, ça n’est pas une mégalopole, mais une ville à « taille humaine », qui possède des atouts : l’Erdre, la Loire, des espaces verts. Hormis Donges, nous sommes dans un endroit où il y a peu de sources de pollution. Nantes est aussi une ville qui s’est transformée depuis vingt ans avec des aménagements pour être de plus en plus agréable à vivre tels le Château des Ducs de Bretagne ou bien les Machines de l’Ile. Ce territoire propose des perspectives positives sur le plan urbain. Sur le terrain culturel et économique Nantes offre de la diversité, de la créativité.
Vous vous êtes positionné en faveur d’une réunification de la Bretagne et des Pays-de-La-Loire. Pourquoi ?
En Loire-Atlantique et à Nantes, je crois qu'il y a une identitée bretonne marquée. Par exemple, on dit bien le Château des Ducs de "Bretagne"
Je pense qu’il y a une forte identité bretonne ici. D’ailleurs je n’ai pas peur du mot « identité ». Ce n’est pas parce qu’il y a des dérives identitaires qu’on ne peut pas en parler. L’Histoire n’est pas une fin en soi ; d’ailleurs aux yeux de l’Histoire, les Pays de la Loire n’ont jamais existé. Durant mes études, j’ai réalisé un mémoire sur la politique de communication des Pays-de-La-Loire et de la Bretagne. Je me suis intéressé à la questions des logos. C’était un travail très intéressant, car le premier logo des Pays de la Loire a été fabriqué à partir des cinq départements, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe, Loire-Atlantique, Vendée. En terme d’identité, les Pays de la Loire n’ont pas d’existence propre. Mais ils peuvent s’appuyer sur l’identité de ces cinq régions, en reconnaissant alors au pays Nantais, son caractère breton. Les références historiques ne sont pas une fin en soi, ce sont des repères, qui permettent d’être bien identifié dans un contexte ouvert et en pleine mutation. Aujourd’hui, le Conseil Régional impose le terme de « ligériens ». En me rendant à Saint-Étienne, je me suis aperçu que là-bas aussi, ils emploient ce même terme pour se désigner. En Loire-Atlantique et à Nantes, je crois qu’il y a une identité bretonne marquée. Par exemple, on dit bien le Château des Ducs de « Bretagne ». Pour bien vivre dans la mondialisation il faut être clair sur ce que l’on est soi-même. La mondialisation est une source de bien, mais peut être aussi une source de peur, de perte culturelle pour certains. Je pense qu’il faut développer la « multi-appartenance ». On peut appartenir à un quartier, mais dans le même temps à une ville. Par exemple, les écologistes considèrent qu’ils appartiennent à une seule et même planète. Les sentiments d’appartenance s’imbriquent, se superposent. C’est une réalité, il n’y a pas une appartenance à la place d’une autre. Je pense que cette "multi-appartenance" est une force, y compris d’un point de vue économique, pour renforcer l’attractivité. Attention, je n’impose rien à personne. Je pense que les nouveaux entrants, notamment, aiment bien se raccrocher à une identité. Globalement, cette idée de la réunification est partagée par les écologistes. En tout cas on veut que des débats sur le sujet aient lieu.
A l’avenir, Nantes et Rennes pourraient se rapprocher. Sur quels axes de coopération ces deux villes peuvent travailler ensemble ?
C’est un enjeu à court terme. Certains élus disent « surtout pas ces deux villes dans la même région ». Je pense que cette réaction ne facilite pas le rapprochement. Attention il ne s’agit pas de faire une agglomération mais de travailler conjointement sur différents points. On peut plancher sur l’Université, l’Enseignement Supérieur ensemble, et créer « l’Université de Bretagne ». Nantes et Rennes seraient sous le même chapeau. Ce serait utile et enrichissant s’il y avait plus de coopération avec l’Université de Rennes. Je suis persuadé que l’on gagnerait à se structurer ensemble. De même qu’il faudrait davantage de facilités pour se déplacer de Nantes à Rennes. L’idéal serait de faire Nantes-Rennes en une heure en train.
On observe qu’à Rennes, le ticket de métro est à 1,30 euros. A Nantes, les prix des transports sont relativement chers (1,50 le ticket de tramway). N’est-ce pas un frein pour les nantais ?
Je ne pense pas que le prix soit un frein, déjà parce que nous utilisons plus les transports en commun à Nantes qu’à Rennes. A Nantes, on remarque également qu’il y a un très fort taux d’abonnés, dont 1/ 3 sont des étudiants. Un prix d’abonnement au mois pour les transports en commun est bien moins coûteux qu’un plein de voiture. Je crois qu’il faut travailler en priorité sur la rapidité, la régularité, l’accessibilité, le confort, pour améliorer les transports. On propose déjà des politiques d’abonnements à usage illimité. Si d’autres villes l’ont déjà fait, je suis opposé à la gratuité des transports en commun à Nantes. Nous avons déjà du mal à trouver des moyens pour financer les transports en commun. 60% des financements viennent des subventions publiques.
Le projet du Voyage à Nantes verra le jour en 2012. Actuellement, à Nantes, mis à part le ticket de tram 24h, il est difficile d’avoir des tarifs préférentiels pour les étrangers par exemple. Allez-vous proposer des offres à ce sujet ?
Dans un premier temps cela dépend de la manière dont les étrangers se rendent à Nantes, quels moyens de transports ils utilisent. S’il n’y a pas de tarifs préférentiels actuellement, alors il faudra les développer au moment du Voyage à Nantes. Il faut coupler les accès aux transports en commun avec les manifestations culturelles prévues. Sans oublier des prix adaptés aux besoins de chacun. Il y a aussi un autre facteur : ce sont les relais, les offices de tourisme, les commerçants. Ces acteurs doivent informer les clients de ces offres.
Vous êtes conseiller municipal à Orvault, quelle est votre position sur la culture dans votre ville ? Est-ce que celle ci a du mal à exister par rapport à Nantes ?
C’est sûr c’est difficile d’exister à côté de Nantes. La culture c’est aussi une compétence communale, et c’est ce que nous souhaitons développer à travers la coopération entre les communes pour que tout le monde ne fasse pas la même chose. Globalement, on créer par thèmes dans les différentes communes, mais Orvault est peut-être moins identifiée. Mais on sait très bien qu’on ne va pas demander à avoir un petit éléphant. J’ai un regret concernant la culture à Nantes, c’est le Zénith. Je trouve dommage qu’il ne soit pas plus proche et plus intégré à la ville. L’accès se fait seulement en voiture.
Quelles mesures sont prises à Orvault pour donner un élan à la culture ?
Je pense qu’on a donné une impulsion dans l’accès aux livres. Il y avait une grande pauvreté à Orvault en la matière, c’est pourquoi il y a eu l’initiative de la Médiathèque. C’était logique d’avoir un outil autour du livre qui soit cohérent avec la taille de la population. La médiathèque est un endroit où il y a de la création, de la proximité, du lien avec les écoles, les spectacles. C’est aussi très important pour les enfants, l’éveil à la culture.
Qu’est-ce que le parti Europe Écologie les Verts peut apporter en plus pour la culture ?
La culture, ce n'est pas une affaire de député ou de législation
Il est faux de dire que chaque parti a une politique spéciale en matière de culture. Accès, éveil, c’est ce qu’il faut se demander lorsque nous évoquons la culture. C’est pourquoi le rôle des politiques publiques, des financements est important. Je pense que c’est important de profiter de ce qui existe déjà en terme de culture, mais il faut aussi susciter l’éveil culturel, créer. En France nous avons des progrès à faire car on est un peu trop frileux. Cet éveil culturel passe par l’école, une heure de dessin ou de musique au collège ce n’est pas toujours pertinent. Les enfants sont moins valorisés car ils ont peu de temps. Je pense qu’en proposant des ateliers chorale ou groupes de musique, on va vers cet éveil. L’accès à la culture n’est pas qu’une question de tarif. La question est fondamentalement culturelle. Est-ce que les individus ont une ouverture à la culture ? Il est important de s’adapter. Par exemple, les profs gagneraient à décrypter mieux Internet, la télévision, pour que les élèves s’approprient les outils mais aussi pour qu’ils prennent du recul.
En tant que député engagé, quel message voulez-vous faire passer ?
La culture, ce n’est pas une affaire de député ou de législation. Je suis simplement pour plus de décentralisation en terme culturel. Il faut davantage de diffusion sur les territoires par le biais des régions. En donnant du poids aux régions, on développe la créativité et la diversité. Veiller à la liberté de création, de diversité est essentiel, mais parfois compliqué car certaines œuvres peuvent heurter certaines sensibilités.
Propos recueillis par Hélène Hamon
Photos : Pauline Vermeulen
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