DEBAT CULTURE
Stakhanov, une porte s’ouvre à Nantes
Le Stakhanov [1] c’est un nouveau bar avec salle de concert qui ouvre ses portes en plein centre ville de Nantes le 22 décembre prochain. Cette structure veut s’inscrire dans un rapport d’accessibilité, de proximité avec les habitants ainsi que des associations. Un groupe de compères sont à l’origine du projet, dont Thierry Viaud, ancien gérant du café-concert le Violon Dingue [2]. Du Violon Dingue au Stakhanov, entretien avec Thierry Viaud en compagnie de son associé Thierry Bonnet, de l’association Yamoy.
Fragil : « All day and all night » au Violon Dingue ça a donné quoi ? En nombre de bières, de concerts ? De violons ?
Thierry Viaud : Depuis que j’ai repris le café en 2004, c’est au moins deux concerts organisés par semaine, plus de 600 en tout, sans aucun soutien financier. Le Violon Dingue ça a été plein de bonheur et de belles choses. Plus de dingues que de violons ! Ce que j’ai bu en hectolitres ? Je me suis arrangé pour avoir une clientèle qui picolait pas mal pour que ma consommation soit diluée... J’ai été gâté !
Une anecdote ?
Une fois, un claustrophobe a défoncé les portes des toilettes en plein concert...Pour les histoires d’amour, j’ai été témoin d’une vingtaine de mariages et parrain d’une quarantaine d’enfants. Il y en a eu des rencontres ! Je pars du Violon avec un pincement au cœur, mais l’aspect collectif de ce nouveau projet me plaît.
Stakhanov, c’est quoi ?
C'est une salle de concert mais aussi un bar, avec son côté intimiste qu’on adaptera en fonction des soirées.
Thierry Viaud : Depuis des années, on constatait un manque criant au niveau de l’offre et de l’accessibilité de la scène musicale sur Nantes. Un lieu central faisait défaut, qui soit à la fois abordable, adapté à différents styles musicaux et non ennuyé par des problèmes de nuisances sonores. On a dégoté l’endroit alors on s’est jetés sur l’opportunité. C’est un projet commun. Notre société s’appelle Yukunkun, on compte six engagés dont quatre co-gérants. Stakhanov se veut avant tout un espace accessible. L’entrée libre est majoritaire, des fois 5 où 7 euros les concerts et un prix raisonnable pour la bière. On a une capacité d’accueil de 200 personnes. C’est une salle de concert mais aussi un bar, avec son côté intimiste qu’on adaptera en fonction des soirées. Nous voulons être pointus en programmant des têtes d’affiche, mais une de nos fonctions principales est de faire jouer des groupes locaux.
Thierry Bonnet : « Bar à ambiance musicale » est le statut premier de Stakhanov, avant d’être une salle de concert. C’est notre attractivité parmi d’autres, peut-être la plus visible. Étant dans le tissu associatif nantais depuis longtemps, je connais le milieu galérien où on cherche des salles à tout bout de champ pour les groupes de musique. On voyait bien l’angoisse de Thierry quand on débarquait au Violon Dingue avec l’artillerie de sonos, guitares et batteries. Le but de Stakhanov est de combler ce manque.
Quelle programmation musicale ?
T.B : On ne privilégie pas de style particulier dans la programmation musicale, même si on est tous mus par la même envie autour du rock. La grande famille rock indé, qui va du free-jazz à l’électro, en passant par le folk-rock. C’est large... Si on s’est installés en plein quartier Bouffay, c’est aussi pour toucher le maximum de populations.
T.V : A la base, on a tous une culture rock. Mais on a aussi envie d’être surpris, donc on s’interdit rien, comme par exemple un super groupe de funk, ou de jazz...
Plutôt commerçant ou non-lucratif ?
T.V : On est des petits commerçants, mais notre démarche est différente, on n’est pas obnubilés par le tiroir caisse. On a une certaine façon de bosser, que ce soit avec les personnes ou les musiciens qu’on peut accueillir. Travailler avec des associations au Violon Dingue, c’était super dans tout ce que cela pouvait impliquer dans les relations avec les gens. Nous avons tissé des liens avec elles à travers une confiance commune. On n’ouvre pas une salle juste pour faire venir le maximum de gens. Même si c’est les associations qui programment, on porte ensemble la réussite ou l’échec d’une soirée.
T.B : Notre démarche est de tendre la main aux associations mais pas de faire du commerce de concerts ! Il faut nuancer. Par exemple, on ne leur loue pas la salle, contrairement à Stereolux. [3]Les associations pourront fonctionner en autonomie, elles apportent leur propre sono puis gèrent l’ingénierie son et la billetterie. On a rien à leur facturer.
T.V : On se cale sur des projets artistiques qui nous plaisent. C’est une mise à disposition car on connaît l’économie et la fragilité des petites associations. C’est simple, ils viennent avec leur groupe, on leur fait à manger et on leur paye des coups, dans la limite du raisonnable...
Vous ouvrez une salle après l’inauguration de Stereolux, un clash, une cure, ou une autre brique dans le mur ?
Vous ouvrez une salle après l’inauguration de Stereolux, un clash, une cure, ou une autre brique dans le mur ?
T.V : Ça fait 25 ans que le Violon Dingue contribue à la culture de la ville, sans jamais être subventionné. C’est ce que l’on va faire perdurer avec Stakhanov, sans être contre quiconque, on a autre chose à faire ! On se veut autonomes financièrement, politiquement et d’un point de vue éthique. On n’est pas focalisés sur Stereolux ; notre projet tend effectivement à éviter qu’il soit la seule offre sur une ville comme Nantes. Mais on n’est pas les seuls. Cela va de soi qu’il faut de la diversité en terme d’acteurs et de programmation musicale. Il en va aussi de l’âme d’un lieu, de son accessibilité géographique et financière.
T.B : Après réflexion...une porte ! On est une porte ! Ouverte sur de nouvelles possibilités.
Stakhanov, une « contre » culture à Nantes ?
T.B et T.V : Ni pour ni contre, bien au contraire !
T.V : On n’est pas dans une démarche « underground » ou « alternative », mais on fait notre truc à côté, en marge. On n’est pas non plus investis dans la « politique culturelle » à Nantes, même si on est baignés dans la « culture » et Nantes. C’est une salle de concert mais aussi un bar avec tout ce que cela peut représenter comme rapports avec la population. Comme c’était le cas au Violon Dingue. Il y avait plein de gens qui venaient aux concerts parce qu’ils habitaient dans le quartier. Je veux pas faire un vieux discours « socio-cul » (sic), mais c’est quand même une réalité. Il y a des gens qui poussaient la porte du Violon, comme ils le feront ici et qui ne vont pas ailleurs... Cette proximité là, j’adore ça et je vais continuer dans ce sens. On va pas être dans l’entre-soi tout le temps, comme cela peut être le cas des lieux institutionnels. Nous, on propose autre chose. Pas "contre", mais autre chose.
Une boîte à « Stakhanover » la musique ? Pourquoi le nom Stakhanov ?
Il y a un petit clin d'œil politique, on n'a pas choisi «Jeanne d’Arc»...Mais on porte pas de drapeaux !
T.V : Produire à fond, non. On s’est pas dit qu’on allait « stakhanover » la musique ! Stakhanov pour la résonance du nom ! Notre idée, c’est d’être un club rock mais on voulait pas un nom connoté anglais ou trop institutionnel. Alors on s’est permis un petit pas de côté. Après des semaines, on a réussi à trouver l’unanimité après une soirée de beuverie ! Il y a un petit clin d’œil politique, on n’a pas choisi « Jeanne d’Arc »...Mais on porte pas de drapeaux ! Il ne faut pas chercher trop loin dans les interprétations du nom, les gens en feront leur propre tambouille. Ils y mettront le sens qu’ils veulent, on ne peut pas maîtriser cela, et c’est tant mieux.
Stakhanov, plutôt CBGB, BCBG ? Costard-cravate ou cuir ?
T.V : Bien BCBG bien sûr !
T.B : Plutôt moustache ! Mais ce sera avec baskets... baskets autorisées !
Et Maintenant ?
T.V : On a hâte ! Après beaucoup de sueurs froides et de palabres à tous les niveaux ; cela ne fait qu’une semaine qu’on est dans le lieu. On met les mains dans le « cambouis » ! On est pressés d’avoir des gens face à nous et que tout ça parte !
Propos recueillis par Geneviève Brillet
[1] 7,rue de la Bâclerie / 44000 Nantes / Ouverture de 19h à 2h, du mardi au samedi / 02-40-47-14-00
[2] Le Violon Dingue continue de faire grincer les cordes de sa programmation en accord avec le Stakhanov.
[3] Une question a émergé à la suite de cet entretien sur l’accessibilité de la nouvelle scène publique de Nantes « Stereolux », qui fait partie du projet de la Fabrique. « Construite à l’initiative de la Ville de Nantes, La Fabrique s’inscrit dans une démarche de proximité culturelle et artistique, d’aménagement du territoire et de mise en réseau des acteurs culturels ». Il apparaît que cette scène publique est très difficile d’accès pour les associations locales, même pour celles faisant partie de la Fabrique. Aucun tarif préférentiel n’est appliqué et la programmation 2012 est déjà bouclée. Les associations se tournent donc vers le privé, les cafés ou bars concerts beaucoup plus abordables.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses