Des graffeurs squattent le LU
Exposition Faire le mur jusqu’au 8 janvier 2012 au LU
Un bus, des cabines téléphoniques, des containers, une rampe de skate, des boîtes aux lettres… Le point commun de tous ces objets urbains ? On les retrouve tous au LU, taggués, pour l’exposition Faire le mur consacrée à une forme artistique qui suscite depuis les années 80 en France un intérêt croissant dans les milieux de l’art contemporain, de la musique, de la mode, du design et du cinéma : le graffiti.
Depuis quelques années, le street art – art de la rue – s’amuse des codes et trouve de plus en plus sa place dans les institutions, musées et galeries. En 2009, le graffeur Banksy investissait le Bristol Museum ; Invader, connu pour ses Space Invaders pixellisés en carreaux de céramique se voyait ouvrir les portes de La Générale à Paris en juin dernier ; l’affichiste JR expose en ce moment même à la célèbre galerie Emmanuel Perrotin et on ne présente plus Miss.tic qui passe des murs de La Butte aux Cailles aux galeries parisiennes avec facilité et sans complexe. À Nantes, ce sont donc des graffeurs qui investissent le Lieu Unique jusqu’au 8 janvier prochain.
Du graff dans un musée ?
"Quand Claire Calogirou – chargée de recherche au CNRS et au MuCEM – à l’initiative du projet, m’a contactée pour me parler de cette idée d’expo, je dois bien l’avouer, moi-même j’ai douté. Je me suis tout de suite dit : Est-ce que le graff peut s’exposer ? Et surtout comment bien l’exposer ?" confie Patricia Buck, responsable des Arts plastiques au LU et commissaire de l’exposition. "Et puis, le LU ce n’est pas un musée comme les autres alors j’ai vite vu qu’il y avait des possibilités. Il ne fallait en aucun cas institutionnaliser le graff et faire quelques chose de précieux. Alors on a pensé à ces œuvres in situ qu’on allait pouvoir mettre en place". Et c’est là où réside la force de Faire le mur. Le graffiti n’est pas entré au musée mais a investi un lieu ; le hangar du LU se fait espace urbain à part entière. De manière générale, on n’entre pas au musée en allant au LU mais, avec cette exposition, encore moins. On arrive dans un espace culturel accueillant des formes artistiques toujours variées.
On y croise donc un bus de la TAN graffé ("qu’on va repeindre à la fin de l’expo et redonner aux services de la TAN qui a bien voulu nous le prêter" explique Patricia Buck), des boîtes aux lettres, une rampe de skate, des cabines téléphoniques ("qu’on rendra également !"), des containers mais aussi des toiles sur cimaise et des vitrines d’objets… comme dans un "vrai" musée ! Sauf que le dispositif est, une fois encore, adapté au graffiti. "Il aurait été ridicule de proposer aux visiteurs des vitrines classiques. Le graff n’est pas un art classique alors on a entreposé un container dans lequel on a mis divers objets faisant partie de la culture graff : des vinyles, des skates…" Les codes des musées ont été repris, digéré et surtout adapté au street art. "Le street art fait partie du marché de l’art. Ça se vend donc c’est un art à part entière. La seule chose qui est compliquée, c’est que tout cela est en train de se constituer, le graff n’est apparu que dans les années 1960, c’est récent dans la chronologie de l’histoire de l’art donc on a encore du mal à avoir du recul" poursuit Patricia Buck.
"On fait entrer ici des gens qui ne vont pas forcément au musée le reste du temps et c'est exactement la mission qu'a le Lieu Unique : ouvrir les portes de la culture au plus grand nombre"
Des Nantais en force
Faire le mur ce sont près de 130 œuvres d’une dizaine d’artistes à la fois internationaux comme Mode2 (Londres), Rae Martini (Italie), Zeta1970 (Espagne), Paul du Bois-Reymond (Allemagne) mais également locaux avec les Nantais Persu du collectif 100Pression, Nasher, Moner, Meyer. "C’était une des conditions pour qu’on accepte cette expo. Il fallait qu’il y ait des Nantais et c’est compliqué de s’infiltrer dans ce milieu-là. Alors Claire Calogirou a pris les contacts avec des associations de hip-hop et on a réussi à tisser un lien". Et c’est ce qui fait la richesse de cette exposition, les artistes locaux ont une place à part entière et le public vient voir ce qu’ils ont produit ; il y a un rapport de proximité qui fait de cette proposition artistique une exposition à part.
"Le public de cette expo est, du coup, différent. On vient voir le graffeur du coin et on découvre les graffeurs d’ailleurs. On fait entrer ici des gens qui ne vont pas forcément au musée le reste du temps et c’est exactement la mission qu’a le Lieu Unique : ouvrir les portes de la culture au plus grand nombre". Et quand, en sortant, on entend ce quadragénaire dire "Cette expo, plus je la vois et plus je l’aime. Le jour du vernissage, je n’ai pas été convaincu et puis finalement si, ça me parle", on se dit que c’est gagné ! Le graff a réussi à se faire une place dans le monde des arts majeurs, ceux qui passent la porte du musée, même si le street art restera à jamais un art qui se vit au quotidien, dans la rue, et qui trouve son inspiration dans ce monde extérieur, loin des cimaises. Et la consécration arrivera avec l’ouverture du MuCEM (Musée national des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) à Marseille, en 2013, puisque la ville sera capitale européenne de la culture cette année-là. Enfin un lieu qui fera la part belle à l’art du graffiti ! "On espère pouvoir organiser en 2014 un Faire le mur là-bas avec des graffeurs marseillais cette fois" lâche Patricia Buck.
Delphine Blanchard
Photos : Patrice Molle
À venir sur le magazine : une interview de Moner, de l’association +2 Couleurs.
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