INTERVIEW
Gérard Legrand : « nous ne devrions être que le relais des parents  »
Rencontre avec le directeur du collège Stendhal à Nantes
Depuis un an et demi, Gérard Legrand est directeur du Collège Stendhal à Nantes en ZEP (Zone d’Education Prioritaire). Pour contribuer à la réussite de ses élèves, Gérard Legrand mise sur une « discipline intelligente  » regrettant parfois que l’ensemble des équipes pédagogiques soit trop sollicitée.
Fragil : vous êtes le directeur du Collège Stendhal à Nantes, quel a été votre parcours professionnel jusqu’ici ?
Gérard Legrand : J’ai 51 ans. J’ai démarré en 1985 dans le lycée Alfred Kastler à Denain dans le Nord en tant que professeur d’EPS (Education Physique et Sportive), puis j’ai continué dans le lycée professionnel Charles Tellier à Condé sur Noireau dans le Calvados. En 2004 j’ai décidé de passer le concours de personnel de direction. Je suis au collège Stendhal depuis un an et demi. Parallèlement, j’ai été vice-président de la ligue de Basse Normandie d’Athlétisme, j’ai également été président du club d’Athlétisme de Flers de l’Orne. Mes activités professionnelles me prennent beaucoup de temps donc je suis moins présent dans la vie associative maintenant.
Quel souvenir gardez vous de vos années passées à l’école ?
J’étais pensionnaire, je commençais le lundi à huit heures et je terminais le samedi à midi. Les week-end étaient courts. Esprit de groupe, solidarité, fraternité, c’est ce qui m’a marqué au sein du pensionnat. Pourtant ces liens qui se construisaient entre internes ne nous empêchaient pas d’apprendre. Travail scolaire et internat ont été une étape primordiale qui a guidé mon parcours notamment associatif, mon regard sur la construction pédagogique et sur l’esprit de groupe.
Selon vous, est-ce que l’éducation se dégrade ?
l'éducation ne se dégrade pas, la difficulté c'est qu'elle s'est trop diversifiée
L’éducation ne se dégrade pas, la difficulté c’est qu’elle s’est trop diversifiée. Les interactions qu’un enfant peut avoir sont plus nombreuses que par le passé. Il y a quarante ans, les enfants se levaient, allaient à l’école, rentraient, faisaient leurs devoirs, lisaient et regardaient de temps en temps la télévision. Facebook, Internet, les textos, la télé : l’enfant est toujours distrait aujourd’hui. Toutes ces nouvelles technologies captent l’attention de l’enfant et empêchent la concentration. L’enfant est moins appliqué. Je pense que les enfants et les cours sont les mêmes, mais le contexte a changé. Divorces, familles mono-parentales, il y a aussi de nombreuses « catastrophes familiales » qui perturbent la construction de l’enfant.
Pensez vous qu’on assiste à une uniformisation de la culture ?
En étant chef d’établissement à Nantes, j’ai découvert la culture. Je viens de Flers de l’Orne, une ville rurale où les arts ne sont pas très présents. Aller dans une galerie d’art, c’était loin, c’était cher, c’était difficile. Je n’avais pas cette chance alors on allait au cinéma. Le monde rural est plus désert, surtout lorsqu’on voit toute la diversité qu’il peut y avoir dans une grande ville. Quand on arrive à Nantes, on se rend compte qu’on déploie des moyens considérables pour la culture (NDLR : La ville de Nantes consacre 15% de son budget à la culture). C’est une ville dotée d’une sacrée richesse.
Aujourd’hui quels enseignements artistiques sont proposés dans votre collège ?
Nous enseignons les matières obligatoires : les arts plastiques, la musique. A travers plusieurs disciplines, on retrouve l’histoire des arts. Ensuite, nous avons différents ateliers d’écriture, théâtre, musique, hip-hop, danse, double dutch, steel drum, chorale, web radio.
Le socle commun de connaissances est un ensemble de compétences fondamentales qui doit être acquis par les élèves à la fin de la période de l’instruction obligatoire (16 ans). Depuis 2009, le socle commun de connaissances se met en place au collège, quel regard portez-vous sur ce programme ?
Le socle commun de connaissances est un excellent moyen de faire travailler les gens entre eux, ça permet une transversalité dans l’enseignement. De la maternelle à la 3ème, on travaille dans le même sens avec ce programme commun, qui a pour but de valider des compétences. La compétence c’est valorisant car on évalue ce qu’un enfant sait faire. La note évalue ce que l’enfant ne sait pas faire car on compte le nombre de fautes qu’il a fait.
Est ce que l’on va vers un délaissement des enseignements artistiques ?
Pour moi, il n’y a pas de négligence des matières artistiques. Je ne pense pas que cette spécialité soit délaissée par rapport à la part qu’elle doit avoir. Même lorsque j’étais dans un contexte rural on me donnait des pistes pour aller vers la culture. Je trouve même que ça pourrait être pire, au vu de la situation actuelle. Je remarque aussi que la culture est davantage présente aujourd’hui qu’à mon époque. Si certains trouvent que l’on délaisse ce domaine, je pense que tout le monde a sa part de responsabilité dans l’appauvrissement culturel, c’est le côté « génération zapping » de la société qui fait ça.
Est ce qu’il y a une attente particulière des élèves envers le domaine culturel ?
Les élèves sont demandeurs. Ici, au collège Stendhal, les parents savent qu’il y a une richesse culturelle, et ils attendent une culture variée, diversifiée. Le théâtre est l’activité la plus importante. Nous sommes inscrits au Grand T avec les 6èmes. Avec les 5èmes nous travaillons sur le théâtre dans le cadre des IDD (Itinéraires De Découvertes). La maîtrise de la langue est primordiale à mes yeux. Lire, dire, écrire : le théâtre est le support de tout cela. C’est aussi un moyen pour s’intégrer.
On parle beaucoup d’intégration, d’élèves qui sortent du système scolaire, quel est votre rôle lorsqu’un élève perd le fil ?
J’observe parfois, qu’il y a un décalage entre le collège et les exigences d’une famille. Pour quelques foyers, les parents ne suivent pas toujours. Ces familles arrivent dans mon bureau en me disant : "Je n’y arrive plus". Ils savent qu’on peut les épauler et ça les aident à remonter la pente. Nous voulons leur faire comprendre qu’on peut travailler ensemble. Dans 96 % des cas, les parents acceptent et suivent l’équipe pédagogique.
Au début du siècle, l'école s'appelait l'Instruction Nationale. Aujourd'hui c'est l'Éducation Nationale. Pour moi l'école c'est l'instruction.
Aujourd’hui quel est le rôle des parents dans l’éducation des enfants ?
Les parents sont assez présents, mais ils attendent toujours plus des professeurs et de l’équipe pédagogique. Au début du siècle, l’école s’appelait l’Instruction Nationale. Aujourd’hui c’est l’Éducation Nationale. Pour moi l’école c’est l’instruction. Mais à notre époque on doit tout faire, s’occuper de tout. Par exemple, l’établissement doit faire passer l’ASSR (Attestation Scolaire de Sécurité Routière) qui est indispensable à l’inscription pour passer le permis. On doit informer les élèves sur la sexualité, la nutrition, le code de la route, le respect. Nous ne devrions être que le relais des parents, pourtant on est bien plus que ça. On nous demande de tout faire à la fois, tout en ayant 900 heures de cours au lieu de 1300 heures il y a soixante ans. L’école ne peut pas tout faire. Notre programme du CESC (Comité Éducation Santé Citoyenneté) a été jugé trop ambitieux par les parents. Ils trouvent le projet trop important, car pendant ce temps là on ne fait pas cours.
Quel message voulez vous donner à vos élèves ?
Être fier de son collège, être fier de son quartier, de l’orientation que l’on a choisie, c’est ce que je veux pour les élèves du collège, c’est ma mission. Il faut se recentrer sur l’essentiel. Dans nos ZEP, on décide de sortir certains "gamins" (sic) allophones (langue maternelle qui n’est pas le français), on lui réapprend à compter, à lire, à écrire. A Stendhal, nous avons envie de montrer ce que l’on sait faire, refaire de la « discipline intelligente » en expliquant, en communiquant. Nous voulons redorer le blason du collège, renforcer le soutien, la culture. Cette culture où l’enfant accepte de recevoir parfois un "non" de la part de son professeur. Ne pas se disperser ; Retravailler les fondamentaux, réapprendre le respect, se présenter correctement, c’est ce que le collège veut transmettre à ses élèves. Depuis dix huit ans, les effectifs diminuaient, aujourd’hui la tendance s’inverse.
Est-ce que vos élèves envisagent une voie culturelle à l’avenir ?
Les collégiens n’envisagent pas la culture comme un métier. C’est un domaine où il y a moins de normes, de règles. Chaque individu a envie de découvrir la culture avec son vécu. C’est pourquoi les élèves sont heureux lorsqu’un artiste vient à leur rencontre, ils respectent beaucoup le travail artistique, ils sont curieux, captivés. L’œuvre prend une dimension considérable. C’est cet éveil là qui est intéressant.
Êtes vous optimiste quant à l’avenir pour vos élèves ?
Je suis optimiste car on met du cœur à l’ouvrage, des équipes, un projet d’établissement solide et sérieux, on a bien compris et cerné l’enjeu pour la réussite des élèves au collège.
Propos recueillis par Hélène Hamon
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