
CINE-CONCERT
OHR fait de la musique pour les yeux
Le trio de jazz OHR donne un second souffle aux films muets. Lors du festival du cinéma allemand, c’est Faust, le chef d’oeuvre de Friedrich-Wilhelm Murnau, que les musiciens ont accompagné lors d’un ciné-concert projeté au Katorza. Un voyage au pays du silence offert aux spectateurs, qui ont pu remonter le temps, à l’époque où le cinéma ne parlait qu’en images.
Mettre le silence en musique. C’est le projet d’OHR (qui veut dire « oreille » en allemand).
Originaire de Sarrebrück, le groupe de jazz était invité au Katorza dans le cadre du jumelage de leur ville natale avec Nantes. Le trio a rejoué l’oeuvre de Faust, le film muet à succès de F.W. Murnau, et a donné un second souffle à ce chef d’œuvre de l’expressionnisme allemand. D’abord à Sarrebrück, puis dans toute l’Europe, OHR s’est peu à peu spécialisé dans l’accompagnement de films muets. « Nous avons d’abord commencé à faire de la musique tous les trois. Puis, l’idée nous est venue d’intégrer un autre média. La question était de savoir comment retranscrire l’atmosphère d’un film muet par le biais de la musique », raconte Oliver Strauch, le percussionniste du groupe.
Dans l’obscurité de la salle, OHR retranscrit l’atmosphère en clair-obscur du mythe de Goethe
L’écran comme partition
« Je crois que c’est le film le plus dur que nous ayons mis en musique », confie Henk Nuwenhoud, le saxophoniste du trio, quelques heures avant le concert. Les images sont en effet très fortes, « Il y a beaucoup de sentiments différents qui sont évoqués à l’écran, il faut leur laisser une grande place dans notre musique, se contenir. Ce qui nous inspire aussi beaucoup. » Dans l’obscurité de la salle, OHR retranscrit l’atmosphère en clair-obscur du mythe de Goethe, et improvise un free-jazz minimaliste et aérien pour accompagner les images, qui deviennent leur partition. « On ne cherche pas à illustrer le film mais plutôt à retranscrire son atmosphère », explique Rudolf Schaaf, le troisième musicien d’OHR à la contrebasse. Car le plus difficile dans cet exercice, c’est de respecter l’œuvre originale, de lui rendre hommage sans la dénaturer.
La poésie du silence
Face à l’écran, le groupe a su traduire l’esprit énigmatique de Faust, qui raconte l’histoire d’un savant tenté de faire un pacte avec le diable. Ce conte tragique révèle les sombres abîmes de la nature humaine. En s’inspirant de l’œuvre de Goethe, Murnau met en scène cet éternel combat entre le Bien et le Mal, incarnés par le Prince des Ténèbres et l’Archange Gabriel, deux créatures aux ailes gigantesques qui semblent issues d’un rêve... ou d’un cauchemar. Face aux techniques de l’époque, on ne sait pas toujours comment réagir. Les mimiques exagérées des acteurs et leurs yeux écarquillés marqués de khôl peuvent faire rire, malgré le scénario tragique. Mais le film apparaît encore comme une œuvre étonnamment moderne. La lumière apporte une force incroyable au récit, elle donne aux personnages un caractère divin, projetant leur ombre sur les façades bancales des habitations. Les décors futuristes évoquent d’ailleurs Metropolis de Fritz Lang, un autre grand réalisateur du genre expressionniste. Même sans paroles, l’émotion est là. Celle-ci atteint même de manière plus directe et avec beaucoup de poésie l’esprit du spectateur. Faust nous rappelle finalement qu’en dépit des avancées techniques du 7ème art, le film muet évoque, encore aujourd’hui, un certain âge d’or du cinéma.
Mathilde Colas
Bloc-Notes
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