Le Théâtre de la Confusion
Rencontre avec Marie Nimier
Marie Nimier, fille du célèbre écrivain Roger Nimier et auteur d’une dizaine de romans à succès dont La Reine du Silence (Prix Médicis 2004), trempe sa plume dans le sixième art. C’est Nantes et le Grand T qu’elle a choisis pour présenter comme une performance, les quatre « premières  » de sa nouvelle pièce La Confusion. La mise en scène confiée à l’exubérante Karelle Prugnaud, dévoile deux univers qui s’entrechoquent ! Après le Théâtre de la Cruauté d’Antonin Artaud, c’est comme si un nouveau genre était né : le Théâtre de la Confusion. Levée de rideau sur un théâtre déroutant qui n’a pas fait que des émules.
Catherine Blondeau, directrice du Grand T, l’a d’emblée annoncé. Le choix de La Confusion dans la saison théâtrale n’a pas été consensuel. Amie et première lectrice de Marie Nimier, celle-ci a tenu à soutenir son projet. L’auteur, également présente et très disponible durant les deux jours de représentations a défendu sa pièce et la mise ne scène ; quitte à décevoir les fervents lecteurs qui avaient l’habitude de son œuvre puissante et subtile.
Marie Nimier et le théâtre : des retrouvailles à la bougie électrique
Si je montre mon théâtre, c'est tout ou rien, je veux que ce soit comme un chemin
C’est à quinze ans que Marie Nimier connaît ses premières expériences théâtrales en s’engageant dans une troupe de rue : Le Palais des Merveilles. Puis à l’Université, elle étudie intensément l’art de la scène avant d’en faire pratiquement son métier entre Paris et New-York où elle joue dans des comédies musicales. Dix ans passés, émotionellement épuisée, elle se retire des planches de la scène pour s’entourer des planches des bibliothèques. C’est grâce à la lecture qu’elle retrouve la stabilité et trouve l’envie d’écrire. Mais écrire du théâtre, c’est une autre histoire. Bien que certains de ses textes aient été mis en scène ou accompagné des spectacles de danse (A quoi tu penses ?, 2005)), Marie Nimier n’avait jamais osé écrire du théâtre ou présenté des ébauches, le plaçant bien au-dessus du roman. Comme elle le définit elle même, « Contrairement au roman, le théâtre doit symboliser la vie puisque c’est l’art de l’instant, sans cesse dans l’échange, dangereux mais stimulant ». Alors La Confusion est restée longtemps au fond d’un tiroir. Il aura fallu une rencontre providentielle avec Claire David, éditrice chez Actes Sud pour que Marie Nimier dévoile sa facette de dramaturge après celle d’écrivain, conteuse pour enfants et parolière. Tous ses textes vont désormais être dépoussiérés, car c’est la condition de Marie : « Si je montre mon théâtre, c’est tout ou rien, je veux que ce soit comme un chemin » Tant est si bien que les publications sont planifiées pour les trois prochaines années. Du théâtre qu’elle veut comme une expérience, un acte qui expérimente tous les modes dramatiques. Et c’est en effet ce qui transparait dans La Confusion, un théâtre rock électrique.
La confusion des mots dans la confusion scénique
"Je ne l'aurais jamais monté comme ça mais Karen est restée fidèle à l'esprit c'est l'essentiel".
Comme son titre l’indique, difficile de résumer le sujet. « C’est l’histoire, le temps d’une machine à sécher le linge, d’une situation qui se dégrade, […] D’un frère (Simon) et d’une sœur (Sandra) qui ne sont ni frère ni sœur ni amis ni amants (peut-être le seul et même personnage) […] C’est une histoire où l’on ne sait plus faire la part des choses […], C’est l’histoire d’une génération qui n’a pas compris ce qui lui arrivait... » Marie Nimier n’a pas monté sa propre pièce par choix « les acteurs sont compliqués » ironise-t-elle et elle déteste se faire détester. En plus « je suis finalement assez classique, je préfère rester dans la forme et je compte sur les autres pour faire tout exploser ! » Et Karelle Prugnaud le lui rend bien. Connue pour ses performances mêlant théâtre, cirque, danse, musique, vidéo, cette comédienne et metteuse en scène s’est faite remarquer avec Bloody Girl, d’Eugène Durif ou lors du festival des Nouvelles Subsistances à Lyon présentant un monde nippon débridé avec Kawaï Hentaï. Marie Nimier n’en est pas à sa première collaboration avec Karelle Prugnaud. Depuis trois ans, elle lui écrit des textes et participe à la conception d’une série de performances intitulées Pour en finir avec Blanche Neige. Fidèles à l’univers de Karelle, les personnages de La Confusion ressemblent à des héros de manga, vêtus en mode Cosplay, perruque et robe bleu flashy. Même leur gestuelle n’est pas sans rappeler les dessins animés japonais : mouvements imaginaires à la fois drôles et graves. La comédienne Hélène Patarot, d’origine asiatique n’est donc pas un hasard. En plus, c’est une amie d’université de Marie Nimier, à qui elle avait avant les autres, divulgué son texte. Texte que la comédienne a fait résonner différemment chaque soir, mais toujours avec une émotion incisive et percutante tout comme sa réplique Xavier Berlioz. Accompagnés par deux musiciens-mimes-ombres, ils se déplacent sur un sol fait de peluches et croquettes pour chien entre trois cages, une machine à laver, une table à repasser et la photo de Kiki le chien, qui se transforme parfois en molosse enragé. Les acteurs jouent, chantent, transpirent, glissent. Et pour sublimer la performance, ils déclament un bout de texte en s’échangeant un jaune d’œuf de bouche en bouche.
« Je ne l’aurais jamais monté comme ça » avoue Marie Nimier, « mais Karen est restée fidèle à l’esprit c’est l’essentiel. » Elle s’est carrément emparée du texte, l’a trituré jusqu’à en faire un prétexte et la vérité du plateau a tranché : si la confusion devait bien se trouver dans les mots des personnages, elle règne aussi sur la scène et dans le public.
Et de fait, comment ne pas se perdre dans ce tintamarre théâtral où images violentes et musique bruyante remplissaient l’espace à en étouffer parfois le texte porté heureusement, par deux comédiens de talent. Mais c’est peut-être ça qu’a voulu représenter Karelle Prugnaud : la lutte de l’Homme contre l’agression du monde, la lutte d’une femme contre la confusion identitaire. Pour sa première pièce théâtrale, force est de reconnaître que Marie Nimier a suivi une des définitions du théâtre. Celle de prendre des risques.
Pauline Vermeulen
Bloc-Notes
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