Cette expérience qui te fait passer des frontières
Théâtre : seul lieu où l’on est jamais ridicule ?
Du 24 au 28 octobre, cinq jeunes ont participé à un atelier de théâtre franco-allemand, intitulé "Interlogue", à Nantes. Sans aucune expérience théâtrale, ils ont fait confiance à Tancredi Volpert, comédien et professeur de théâtre allemand, qui les a fait montés sur scène deux fois.
Vendredi midi à Malakoff. La salle est toute noire, sol, murs, portes, plafond. Seules les lampes halogènes créent une lumière artificielle qui révèle, sans le moindre égard, une certaine fatigue dans les visages de Marina, Jula, Mariska, Laura et Gaël. Pendant quatre jours, ils se sont rencontrés à la maison de quartier des Haubans à Malakoff pour développer leur mini-spectacle sous la direction du professeur de théâtre berlinois Tancredi Volpert. Ce dernier s’est rendu de Berlin à Nantes dans le cadre du projet Interlogue [1]
"Les ateliers sont avant tout des lieux de rencontre et d’échanges entre jeunes Français et Allemands, autour du théâtre. On travaille beaucoup à partir du vécu des participants, en vue de mettre en scène les particularités des deux cultures selon leurs points de vue et leurs histoires", explique Julia Cozic. Membre de l’association Nomade Culture, elle est à l’origine du projet. Le pari est de donner des représentations bilingues accessibles à tout public. La traduction n’est pas pertinente ici : "La part de ce que l’on comprend (ou pas) reflète aussi ce que l’on vit en arrivant dans l’autre pays.", précise-t-elle.
L’ambiance parmi les participants est chaleureuse, détendue. C’est parti pour de premiers massages, histoire de se détendre avant la grande présentation. Dans cinq heures, va falloir être en forme. Pas évident de rester calme, si l’on doit se présenter face à un public inconnu sans avoir aucune expérience théâtrale. Mais eux, quatre jeunes Allemandes et un Français, vont oser ce soir-là. Volpert, qui, dès le début suivait l’objectif de présenter au bout de cinq jours, une petite pièce de théâtre, tout en intégrant la personnalité de chaque participant, a pris un certain risque en travaillant avec des débutants. "J’avais demandé un minimum de préparation de chaque participant, pour avoir une base sur laquelle nous pourrions travailler." Les participants avaient alors des petits devoirs à faire avant de pouvoir se plonger dans le théâtre expérimental : emmener un extrait de texte (poème, chanson etc.) ayant un lien avec la France, un autre en lien avec l’Allemagne et une photo, image ou un dessin n’ayant ni lien avec l’un et l’autre. "Ça permet de faire la connaissance des gens, de se faire une idée de leur façon de penser et de voir les choses", explique le professeur de théâtre, avant de reprendre, "j’étais vraiment soulagé de les voir tous arriver le premier jour avec leurs textes et photos. Sinon, j’aurais dû développer le spectacle à la seule base de mes idées." Et ce n’était pas le but. Car il ne voulait pas créer de spectacle pour les participants, mais avec eux. En même temps, il voulait les faire découvrir que le théâtre n’est pas un cube, ni une cage, mais un endroit sans limites qui permet de "passer des frontières, voyager dans le temps et dans l’espace."
Tancredi Volpert : L’amour pour le théâtre, un amour par hasard
C’est en 1998 et plutôt par hasard que Tancredi Volpert découvre son amour et pour la France et pour le théâtre. Le bac en poche et après une année de service civique, il est temps de prendre un nouveau chemin dans la vie. "Je savais bien que je ne voulais pas faire des études, disons ’classiques’." Il décide alors de partir travailler à l’étranger afin de changer d’air, de s’orienter. Le voilà à Nancy, mais sans savoir où ce passage allait l’emmener. "Je pense que c’était une des meilleures choses qui auraient pu m’arriver". Ce n’est qu’à ses 20 ans et avec une amie, qu’il découvre le théâtre de rue, lui, qui n’a jamais fait du théâtre avant. Sachant que ses connaissances linguistiques n’auraient pas suffit pour être accepté au Conservatoire, il décide de suivre des études de théâtre dans sa langue maternelle, en Autriche. Tancredi Volpert travaille aujourd’hui à Berlin, en tant que metteur en scène, acteur et professeur de théâtre.
Lutte contre le trac vs. l’incorporation de la tranquillité
je n’ai jamais été aussi calme avant un spectacle que j’ai mis en scène.
A peine 30 minutes avant le spectacle, Julia propose une relaxation avec les futurs acteurs, pendant que Tancredi répond à toutes mes questions. " je crois que je n’ai jamais été aussi calme avant un spectacle que j’ai mis en scène". Peut-être parce qu’il sait que le succès de cette soirée dépend surtout de l’énergie des participants et de la réaction du public. Vont-ils arriver à se comprendre ? A communiquer sans parler la même langue ? Oh ja. (Oh oui en français). A partir du moment où ils présentent leur jeux de mots-mouvements en expliquant que le "T-aaah-tre e le seul lit- oeuf - ouuh -looong nez jamais riiiiii di cul" (sic) pour "le théâtre est le seul lieu ou l’on n’est jamais ridicule", la glace est brisée. Les jeunes comédiens s’expriment sur scène dans les deux langues, chantent et bougent sans aucun décor. Quinze minutes plus tard, tout est fini. Applaudissements du public, soulagement chez les participants. Même les cinq fillettes du quartier, ne parlant aucun mot d’allemand, les félicitent à la fin avec un grand sourire.
Les jeunes acteurs avaient l’occasion de présenter leur spectacle deux fois et à des publics bien différents. La première présentation qui se tenait le dernier jour de l’atelier était notamment dédiée aux amis, la famille, bref, un petit cercle d’environ 30 personnes. Début novembre, Interlogue a été présenté une deuxième fois lors d’une soirée franco-allemande au Pôle Étudiant, organisée par Nomade Culture, le Centre Culturel Franco-Allemand et l’association Autour du Monde. Cette fois-ci, Marina, Jula et Co. n’étaient pas mal stupéfaits en montant sur scène : à peu près 100 personnes, 200 yeux, rivés que sur eux. Julia Cozic, l’organisatrice, est satisfaite du déroulement du projet : "la semaine d’atelier a été une belle récompense à tous les efforts d’organisation menés. En trois mots : joyeuse, productive et encourageante !"
Nadja Altpeter
[1] Sous le titre « Interlogue », l’association nantaise Nomade Culture propose, avec le soutien du Centre Culturel Franco-Allemand, de la Ville de Nantes ainsi que d’autres partenaires, des ateliers de théâtre bilingues, animés par le comédien et professeur de théâtre allemand Tancredi Volpert. Le premier atelier s’est déroulé du 24 au 28 octobre dernier à Nantes, d’autres suivront, dans les cadre d’un partenariat entre les universités de Nantes, Düsseldorf et Sarrebruck, au cours de l’année universitaire 2011 / 2012 dans les deux villes allemandes (à savoir du 12 au 16 mars à Sarrebruck et du 19 au 24 mars à Düsseldorf). Chaque atelier sera composé de 5 à 10 participants qui travailleront ensemble pendant quelques jours. Au cours des séances, les particularités des deux langues et cultures seront explorées et mises en scène afin de proposer une représentation publique. Un dernier atelier réunira du 26 au 31 mars, des participants de chaque ville à Nantes. Plus d’infos ? nomadeculture@gmail.com.
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